Survivances de l organisation dualiste chez les Jicaques - article ; n°1 ; vol.2, pg 91-101
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Description

L'Homme - Année 1962 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 91-101
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne Chapman
Survivances de l'organisation dualiste chez les Jicaques
In: L'Homme, 1962, tome 2 n°1. pp. 91-101.
Citer ce document / Cite this document :
Chapman Anne. Survivances de l'organisation dualiste chez les Jicaques. In: L'Homme, 1962, tome 2 n°1. pp. 91-101.
doi : 10.3406/hom.1962.366451
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1962_num_2_1_366451DE L'ORGANISATION DUALISTE SURVIVANCES
CHEZ LES JICAQUES DE LA MONTANA DE LA FLOR
(HONDURAS)
par
ANNE CHAPMAN
La Montana de la Flor, qui est en fait la dernière des communautés Jicaques
subsistantes, est située dans le Honduras central. La plupart des autres
sont assimilés et vivent dispersés au sein de la population rurale métisse, plus
au nord dans le département de Yoro.
Cette communauté a été fondée il y a près de cent ans par trois familles qui
s'étaient réfugiées dans les montagnes inhabitées pour échapper aux persécutions
des autorités locales et, en particulier, du gouverneur du département de Yoro.
Il existait en effet un trafic fructueux qui consistait à recruter des Indiens et à les
contraindre à la cueillette de la salsepareille, abondante à l'état sauvage sur les
hauteurs. On désignait des soldats pour les escorter tandis qu'ils transportaient
les racines sur leur dos par les sentiers de montagne jusqu'au port côtier où elles
étaient vendues sur le marché international. Nombres d'Indiens se brisaient la
colonne vertébrale ou mouraient en route. D'autres contractaient des maladies
tropicales auxquelles ils n'avaient jamais été exposés avant leur arrivée à la côte.
Après des années de cette exploitation, particulièrement cruelle, certains défièrent
la loi et s'enfuirent dans l' arrière-pays. Parmi eux se trouvaient les trois familles
qui fondèrent la Montana de la Flor. Elles franchirent à dessein les limites du
département de Yoro pour s'établir dans le département voisin, qui est aujourd'hui
celui de Francisco Morazân, hors de la juridiction du gouverneur détesté. Elles
se fixèrent dans une région isolée dans la montagne et changèrent de nom.
n'en furent pas moins recherchées, mais on ne put les faire prisonnières, car
ia milice du gouverneur n'avait pas autorité sur ce département. Aussi quelques
années après la mort du gouverneur et le déclin du marché de la salsepareille, les
réfugiés furent abandonnés à eux-mêmes et oubliés. ANNE CHAPMAN 92
Durant les quarante ou cinquante ans qui suivirent, ils prospérèrent. Ils firent
pousser en abondance maïs, haricots, courges, tubercules et tabac. Il y avait pro
fusion de gibier et les rivières étaient poissonneuses. La forêt était en pleine
croissance. Les Ladinos, terme local qui désigne les métis, venaient à dos de mule
pour se procurer du maïs et du tabac en échange d'argent liquide, ou, plus souvent,
de machetes, de haches, de vieux fusils, de sel, de tissu et de colifichets. Au
cours de ces premières décennies, chaque chef de maisonnée occupait une grande
demeure multifamiliale avec ses enfants, ses fils mariés et leurs familles. La colonie
était protégée contre les incursions par des palissades situées à chaque entrée. Ces
palissades n'avaient que quelques centaines de mètres de long, mais elles suff
isaient à décourager toute intrusion. La région environnante était à peine habitée
et seuls des voisins isolés ou, de temps en temps, un marchand d'un village
éloigné venaient commercer avec les Jicaques.
L'organisation dualiste était matérialisée sur le terrain par une rivière qui
traversait le site et séparait les deux moitiés. Deux des fondateurs de la colonie,
Juan et Francisco Martinez s'établirent sur la rive est — le troisième, Pedro Soto,
ainsi qu'un jeune homme, Léon Soto, se fixèrent à l'ouest. En changeant de noms,
ils n'adoptèrent que deux pseudonymes, qui servirent à désigner les membres
de chaque moitié : les Martinez pour la moitié orientale, et les Soto pour la moitié
occidentale. Le jeune homme, Léon Soto, avait fait le voyage alors qu'il était
encore un enfant et fut le premier à se marier à l'intérieur de la colonie. Aucun des
quatre chefs de famille n'était parent. Deux des plus vieilles femmes, les épouses
de Juan et de Pedro, étaient sœurs. La femme de Léon était la fille aînée de Pedro.
Juan Martinez et Pedro Soto, en tant que chefs ou caciques de chaque moitié,
avaient de nombreuses responsabilités. Ils surveillaient le travail sur le champ
collectif de maïs appartenant à leurs moitiés respectives, champ dont tout le
produit était vendu ou troqué. Ils attribuaient des pièces de terre aux hommes
adultes au moment de leur mariage. La terre, qui était ainsi distribuée aux familles,
n'était utilisée que pour les cultures de subsistance. Les chefs étaient aussi les
seuls à entrer en contact avec les étrangers : marchands, visiteurs de passage
et fonctionnaires. De même, ils répartissaient la monnaie ou les biens obtenus
grâce au commerce, parmi les chefs de famille de leur moitié. Ils tranchaient les
différends, et fixaient des peines pour ceux qui se rendaient coupables d'un délit*.
C'est à eux qu'étaient adressées les demandes particulières concernant, par
exemple, l'aide pour la construction d'une maison, la main-d'œuvre supplément
aire pour les champs familiaux, l'autorisation de faire un voyage hors de la colonie
ou même une visite d'une moitié à l'autre. Ils présidaient les fêtes de mariage
et réglaient la participation ou la présence aux enterrements.
* La peine, comme aujourd'hui encore, consistait essentiellement en travaux supplé
mentaires. Le pilori pour les délits graves a été supprimé par les autorités municipales il y a
quelques dizaines d'années. ORGANISATION DUALISTE CHEZ LES JICAQUES 93
Un cimetière fut établi sur la limite de la moitié orientale. On entoura un
terrain plat d'un mur de pierres circulaires dans lequel deux ouvertures furent
pratiquées à l'est et à l'ouest, pour les membres des moitiés correspondantes.
Les morts devaient être ensevelis dans la moitié du cimetière assignée à leur moitié.
Dans les années 1920, les deux caciques étaient morts, et leurs fonctions étaient
passées à ceux de leurs fils qu'ils avaient choisis. La culture du café avait
commencé à remplacer celle du maïs comme principale récolte commerciale. Les
fils des fondateurs commencèrent à se disperser à travers les montagnes environ
nantes et à construire des maisons monofamiliales afin de se rapprocher de leurs
nouveaux champs de café et de choisir plus aisément la terre où cultiver leur
production principale. Du dehors la pression démographique avait augmenté
au fur et à mesure qu'un plus grand nombre de Ladinos s'établissaient dans les
parages et se mettaient à empiéter sur une terre que les Indiens considéraient
comme leur. Les contacts avec le monde extérieur s'intensifièrent. Les autorités
municipales du village d'Orica, à six heures de marche, s'habituèrent à traiter
avec les Indiens. Les voisins tinrent de moins en moins compte des palissades,
et bientôt un sentier à mule traversait la colonie. Quelques familles Ladinos s'instal
lèrent à un titre qu'elles espéraient définitif à l'intérieur de la colonie. Les Indiens
finirent par s'alarmer. En 1929, grâce aux bons offices du maire du siège munic
ipal, Don Francisco Mejia, le gouvernement fédéral octroya aux Jicaques des
droits inaliénables sur 3 200 hectares de forêts, à titre de tenure collective ou Ejido.
Peu de temps après, la dernière famille Ladino établie dans la colonie fut expulsée
militairement.
En dépit de l'expulsion des Ladinos et de la stabilité accrue qui résulta de la
concession de la terre, le processus de désintégration se poursuivit en raison,
très probablement, de la dispersion des maisons et des champs, qui était elle-même
due à l'action de certains facteurs économiques et démographiques. L'introduction
de la culture du café nécessita des champs relativement étendus et un sol approprié,
que l'on ne trouve souvent qu'à des

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