Triomphe ou mort de l anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de chansons - article ; n°25 ; vol.25, pg 121-137
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Triomphe ou mort de l'anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de chansons - article ; n°25 ; vol.25, pg 121-137

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Description

Extrême-Orient, Extrême-Occident - Année 2003 - Volume 25 - Numéro 25 - Pages 121-137
Triumph or Death of the Anthology ? the Kangin shû, a Collection of Lyric Poems
The Kangin shû /Songs for Leisure Hours, compiled in 1518, is a collection of 311 songs (ko-uta) of various forms, styles, and origins. Despite these differences, the anonymous compiler has succeeded in creating a work of great coherence and consistency, through the use of subtle and varied - often playful - principles to link each poem to the next. In this paper, the corpus of the songs and the linking principles employed are discussed, as well as the question of the ontological status of the collection : is it an anthology of songs or a compendium of linking principles ?
Compilé en 1518, le Kangin shû ou «Recueil [de poèmes] à chanter dans la sérénité» réunit trois cent onze chansons (ko-uta), très diverses pour la forme, les sources, le registre. Cependant le compilateur (anonyme) s'est ingénié à construire un ensemble cohérent, en enchaînant les poèmes l'un à l'autre au moyen de procédures subtiles et variées, souvent ludiques. On présente ici le corpus des chansons, la diversité des modes d'enchaînement, et l'on s'interroge sur le statut du recueil : anthologie de chansons ou répertoire de procédés d'enchaînement ?
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacqueline Pigeot
Triomphe ou mort de l'anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de
chansons
In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 2003, N°25, pp. 121-137.
Abstract
Triumph or Death of the Anthology ? the Kangin shû, a Collection of Lyric Poems
The Kangin shû /Songs for Leisure Hours, compiled in 1518, is a collection of 311 songs (ko-uta) of various forms, styles, and
origins. Despite these differences, the anonymous compiler has succeeded in creating a work of great coherence and
consistency, through the use of subtle and varied - often playful - principles to link each poem to the next. In this paper, the
corpus of the songs and the linking principles employed are discussed, as well as the question of the ontological status of the
collection : is it an anthology of songs or a compendium of linking principles ?
Résumé
Compilé en 1518, le Kangin shû ou «Recueil [de poèmes] à chanter dans la sérénité» réunit trois cent onze chansons (ko-uta),
très diverses pour la forme, les sources, le registre. Cependant le compilateur (anonyme) s'est ingénié à construire un ensemble
cohérent, en enchaînant les poèmes l'un à l'autre au moyen de procédures subtiles et variées, souvent ludiques. On présente ici
le corpus des chansons, la diversité des modes d'enchaînement, et l'on s'interroge sur le statut du recueil : anthologie de
chansons ou répertoire de procédés d'enchaînement ?
Citer ce document / Cite this document :
Pigeot Jacqueline. Triomphe ou mort de l'anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de chansons. In: Extrême-Orient, Extrême-
Occident. 2003, N°25, pp. 121-137.
doi : 10.3406/oroc.2003.1170
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_2003_num_25_25_1170'ïl
Extrême-Orient, Extrême-Occident 25 - 2003
Triomphe ou mort de l'anthologie ?
Le Kangin shû, un recueil de chansons
Jacqueline Pigeot
En 1518, à la fin du «Moyen Âge » japonais, voyait le jour une anthologie
de poèmes à chanter qui, dans la longue histoire des recueils poétiques, est
sans doute l'une des plus mystérieuses. Le Kangin shû ou «Recueil [de
poèmes] à chanter dans la sérénité» ' est dû à un compilateur anonyme, dont
on sait seulement ce qui est dit de lui dans l'une des deux préfaces2, celle en
japonais (kana-jo): après avoir participé, tant à la capitale qu'en province, à
toutes sortes de divertissements raffinés, il vivait depuis une dizaine d'années
retiré du monde, dans un ermitage en vue du mont Fuji. C'est peu. Mais
l'anthologie révèle sa culture, aussi bien une large connaissance des diverses
pratiques poétiques de son temps que sa familiarité avec les grandes
anthologies de l'époque classique. Car son recueil regroupe des poèmes à
chanter empruntés à des sources multiples, même s'ils sont, dans la préface en
chinois (mana-jo) aussi bien que par la critique moderne, subsumes sous le
vocable de ko-uta «petites chansons»; le mot ko «petit» ne renvoie pas en
l'occurrence à la brièveté des pièces, mais au statut du genre: il s'agit de
chansons sans prétention3. Elles connaissaient alors une vogue extraordinaire,
dans tous les milieux: on a pu définir l'époque de Muromachi (fin xiv'-fin
xvf siècle) comme «l'âge du ko-uta4».
L'idée de recueillir des poèmes à chanter n'est pas à mettre au crédit du
compilateur: dès le début du XT siècle, le grand lettré et poète Fujiwara no
Kintô (966-1041) avait compilé le Recueil de poèmes à chanter en japonais
et en chinois / Wakan rôei shû, qui connut un prodigieux succès ; mais ces
poèmes étaient soit des waka, le genre à forme fixe prestigieux et, à certains
égards, savant, soit des distiques empruntés à la non moins savante et
prestigieuse poésie en chinois; à la fin du xn* siècle, l'empereur retiré
Goshirakawa (1127-1155-1158-1192) se livrait à une entreprise plus surpre
nante en compilant dans son Recueil de la danse de la poussière /Ryôjin hishô
des imayô, «chansons à la manière d'aujourd'hui», de formes et de registres Jacqueline Pigeot
variés, y compris des pièces de caractère populaire5. Malgré ces antécédents,
on peut souligner la nouveauté du Kangin shû, tant sur le plan du contenu que
sur celui de la conception même de l'anthologie. En effet, ce recueil possède,
par rapport aux précédents, deux caractéristiques : d'une part, l'extraordinaire
diversité des chansons réunies, d'autre part, la subtilité de son organisation.
Un contenu hétérogène
Sous le terme générique ko-uta sont rassemblées dans le Kangin shû trois
cent onze chansons de formes, et, sans aucun doute, de styles musicaux
divers, le compilateur signalant lui-même en tête de chaque pièce celle des
huit catégories retenues à laquelle elle appartient. Sans proposer un relevé
exhaustif, on notera que les trois quarts (23 1 pièces), précisément précédées
de l'abréviation ko, sont appelées par la critique «ko-uta au sens strict»; il
s'agit de poèmes de deux vers, dont chacun compte 7 + 5 syllabes ; mais cette
forme connaît de multiples variantes, qu'il s'agisse de la formule métrique de
chacun des vers, ou de la structure du poème lui-même, qui n'est pas toujours
un distique: la plus courte des chansons ne compte que 7 + 6 syllabes;
certaines sont assez longues et de mètre libre6. On compte aussi 48 pièces
données pour des Yamato-bushi, c'est-à-dire des chants tirés de pièces de
Yamato sarugaku (couramment appelé aujourd'hui nô)7, 8 pièces tirées de
sôka, longs poèmes à chanter nés dans le milieu des guerriers au xiir8 siècle,
de mètre libre mais de facture extrêmement savante, notamment pour le
vocabulaire ainsi que les très nombreuses citations et allusions littéraires ou
bouddhiques qu'ils contiennent; on relève aussi, dans ce même registre
savant, 7 ginku ou vers empruntés à des poèmes en chinois, qui, bien que la
source en soit parfois obscure, semblent tous dus à des moines japonais du
zen, contemporains du compilateur8. Il semble que les pièces appartenant à
ces trois dernières catégories, que l'on peut qualifier de fragments, avaient
déjà acquis leur indépendance, certaines étant attestées telles quelles dans
divers documents.
La forme des chansons, leur longueur, leurs sources, leur mode musical,
sont donc fort variés, mais aussi leur style, qui va du plus raffiné au plus
familier, et à leur registre, qui va du plus élevé au plus vulgaire. Les exemples
traduits ci-dessous le montreront.
Selon quels principes rassembler un corpus aussi disparate ? Si le compil
ateur, comme nous l'avons dit, signale le genre auquel appartient chaque
chanson (sa source), et, partant, suggère sa forme, son registre, voire sa
longueur, il n'a pas organisé son anthologie en fonction de ces genres, dont
les représentants apparaissent en ordre dispersé. Il n'a pas non plus choisi un
122 Le Kangin shû, un recueil de chansons
ordre chronologique - cette pratique n'a guère été de mise au Japon, et, en ce
cas précis, l'abondance des chansons de rue anonymes eût rendue ce principe
difficilement applicable; il n'a pas non plus recouru, à la différence du
compilateur de la Danse de la poussière, à un classement par mode musical.
Le classement choisi est, en gros, celui des anthologies de waka, notamment
des anthologies impériales (chokusen waka shû), c'est-à-dire une répartition
des poèmes par sujets, ceux qui sont le mieux représentés étant, dans les deux
cas, les saisons et l'amour9. Car, malgré la nouveauté et le caractère
«vulgaire» du matériau (les poèmes d'amour accordent par exemple plus de
place à l'amour charnel qu'au sentiment amoureux 10), le compilateur se pose
en successeur de ceux des grandes anthologies qui ont marqué l'histoire de la
poésie non seulement au Japon, mais aussi en Chine: dans l'une de ses
préfaces (kana-jo), il signale que le nombre des poèmes retenus, trois cent
onze, est celui du Canon des Poèmes I Shijing u, et, dans l'autre, il rappelle la
valeur morale et sociale de la poésie, à l'instar des auteurs des préfaces du
Recueil d

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