Troadec-résumé de thèse

Anne Troadec

Description

LES MAMLOUKS DANS L’ESPACE SYRIEN :STRATÉGIES D’IMPLANTATION ET RESISTANCES (650/1260-741/1341)En 658/1260, la victoire de ©Ayn Íælºt remportée par les Mamlouks sur les armées mongoles marquele début d’une implantation durable du pouvoir mamlouk en Syrie. L’objectif de cette thèse est decomprendre comment ce pouvoir, d’origine servile et ethniquement étrangère, a pu s’implanter et semaintenir dans l’espace syrien pendant plus de deux siècles . Il s’agit d’étudier les modalités de ladomination mamlouke en Syrie, tout en tenant compte des limites à leur autorité et des résistances.La seule monographie en langue occidentale consacrée à la Syrie mamlouke est celle de M. Gaudefroy-1Demombynes , fondée sur le tableau qu’en donne un auteur égyptien tardif : al-Qalqa‡andî (m.2821/1418). Cette vision ancienne et statique a été récemment corrigée par quelques études ponctuelles .D’autres auteurs ont mis en valeur les spécificités de la Syrie mamlouke concernant le régime des terres3 4 5 6(C. Cahen ), le recrutement des armées (D. Ayalon , R.S. Humphreys et R. Amitai ), ou encore la7fiscalité (Sato Tsugikata ). Enfin, les découvertes de l’archéologie permettent de corriger le point devue des sources historiques concernant le développement de certaines régions rurales à l’époque8mamlouke .Toutefois, ces travaux ne mettent pas suffisamment en valeur la place particulière de la Syrie au sein del’Empire mamlouk due à son statut de territoire de guerre : c’est en Syrie, ...

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Extrait

I-XIVe century : the case of Hisban », JNES, 62/4, 2003, p. 241-261 ; et « Mamluk investment in Transjordan : a ‘Boom and Bust’ Economy », MSR, 8/2, 2004, p. 119-147 ; J. Drory, sur la Palestine « Founding a New Mamlaka : Some Remarks concerning Safed and the Organization of the Region during the Mamluk Period », Amalia Levanoni et Michael Winter, The Mamluks in Egyptian and Syrian Politics and Society, Leiden, Brill, 2004, p. 163-187 9 Pour une approche éclairée de la question des lieux de l’exercice du pouvoir, voir C. Wickham, « Topographies of Power : Introduction », in Mayke De Jong et Frans Thews, Topographies of Power in the Early Middle Ages, Leiden, Brill, 2001, p. 1-8.pouvoir mamlouk fait de l’espace syrien : projection du pouvoir sur l’espace public (par le biais de l’architecture et de l’appropriation symbolique de l’espace lors de cérémonies), revivification d’une topographie sacrée (fondations d’édifices religieux, restauration de tombeaux, ajout d’éléments d’architecture à des monuments existants etc.). L’investissement du pouvoir mamlouk en matière de construction religieuse contribue à l’islamisation du Bilæd al-Ωæm. Sur les territoires repris aux Francs, la politique de destruction de structures existantes visant à éradiquer la mémoire croisée, et parfois son remplacement par des édifices musulmans, n’a pas d’autre objectif que de refaçonner l’espace pour le 10propre compte du nouveau régime . Le choix du pouvoir mamlouk se porte principalement sur les espaces urbains, lieux privilégiés de la rencontre entre les élites militaires et les élites religieuses. Les grandes villes ne sont pas les seuls lieux à recevoir une attention du pouvoir. D’autres espaces sont concernés : nouveaux centres administratifs récupérés sur les Croisés (∑afad, ÎiÒn al-Akræd), lieux de culte et de pèlerinage (Jérusalem, Hébron), espaces utilisés temporairement par le pouvoir, lors des campagnes militaires, réminiscence d’un pouvoir turco-mongol itinérant- et dont la nature exacte mérite d’être précisée (al-™ºr, al-LæϺn, al- ©AwÏæ’...). L’inscription spatiale du pouvoir mamlouk en Syrie n’est pas seulement urbaine, elle est également péri-urbaine et rurale, comme le révèle la répartition de l’abondante production épigraphique. De nombreuses constructions mamloukes en dehors de la ville correspondent à des 11fondations religieuses (zæwiya, mosquées villageoises ), dont le développement est à mettre en relation avec le processus d’islamisation du Bilæd al-Ωæm que nous avons déjà évoquée. Le caractère inégal du déploiement du pouvoir mamlouk dans l’espace syrien implique de tenir compte de la spécificité de la topographie de l’espace syrien. Certaines zones (marges arides, montagnes) échappent, pour un temps, au contrôle direct du pouvoir . Les modalités de domination de ces « noyaux durs » permettent de nuancer l’image de centralisation du territoire syrien que donnent les sources égyptiennes tardives. La lutte contre des poches de résistance et les arguments utilisés pour les combattre sont autant de révélateurs de la nature du pouvoir mamlouk en Syrie Enfin, il nous semble central de remettre au cœur de la dynamique du pouvoir provincial la question des relations entre individus. Le modèle de gouvernement provincial, tel qu’il est décrit dans la littérature administrative, doit être corrigé par l’étude des mécanismes qui sont au cœur de la dynamique de la politique mamlouke, à savoir la formation de réseaux de clientèle, d’alliances, de loyautés, qui permettent à l’élite mamlouke d’ancrer son pouvoir en Syrie. Une approche proposopographique permet de repérer les différents acteurs du syrien, élites militaires (mamloukes ou non), commis de l’Etat, civils ou religieux, ©ulamæ’ en marge du pouvoir, parfois en opposition ouverte contre lui. Le travail repose sur le dépouillement systématique des sources historiographiques et biographiques syriennes et égyptiennes. L’historien de la période mamlouk est chanceux, il dispose nombreux textes, facilement disponibles. La difficulté ne réside pas dans la collection de sources disparates, mais plutôt, dans la recherche de l’information originale dans la multitude de documents, afin de démêler l’échevau 12des dépendances entre les différents textes . Notre approche se veut critique : afin de comprendre le 10 Voir Frenkel, « Public Projection of Power in Mamluk Bilâd al-Shâm », MSR, 11/1, 2007, p. 42 11 Voir par exemple RCEA, XIII, n°4880, 4882 12 Plusieurs travaux apportent des éléments très précieux sur ces questions : D. P. Little, An Introduction to Mamluk Historiography. An Analysis of Arabic Annalistic and Biographical Sources for the Reign of al-Malik al-Nasir Muhammad Ibn Qalâ’ûn, Wiesdbaden, Franz Steiner Verlag, 1970 ; History and Historiography of the Mamluks, Londres, Variorum Reprints, 1986 : « Historiography of the Ayyubid and Mamluk Epochs », in C. F. Petry, The Cambridge History of Egypt, vol. 1, Islamic Egypt, 640-1517, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 412-444. U. Haarmann, Quellenstudien zur frühen Mamlukenzeit, Freiburg, Klaus Schwarz Verlag, 1970 Et plus récemment Li Guo, Early Mamluk Syrian Historiography. Al-Yûnînî’s Dhayl Mir’ât al-Zamân, 2 vol. Leiden, Brill, 1998.13projet historiographique des différents auteurs, nous les considérons comme des acteurs sociaux et tentons de les classer en fonction de leur plus ou moins grande intégration aux réseaux de pouvoir. Enfin, pour l’historien qui s’intéresse aux rapports entre l’espace et le pouvoir, l’épigraphie est une 14source de première importance et ses apports sont également intégrés à notre réflexion . 13 Voir à ce sujet l’ouvrage récent de K. Hirschler, Medieval Arabic Historiography. Authors as actors, SOAS, Studies on the Middle East, New York, Routlegde, 2006. 14 Les recueils d’épigraphie sont d’une grande richesse : E. Combe, J. Sauvaget et G. Wiet, Répertoire chronologique d’épigraphie arabe, vol. 12-14, Le Caire, IFAO, 1944. M. Sharon, Corpus Inscriptionum Arabicarum Palaestinae, 3 vol. Brill, Leiden, Boston et Cologne, 1997-2004.