Une étude a calculé que les européens actuels disposent d environ 10  000 objets pendant leur vie
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Une étude a calculé que les européens actuels disposent d'environ 10 000 objets pendant leur vie

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DANS LE MONDE DES OBJETSIntervention au Parlement européen de la consommation, Palais desCongrès, 15 mars 2003ZACCAI, E.Université Libre de Bruxelles, IGEAT, Centre d'Etudes du DéveloppementDurable – CP 130/02 – 50, av. F.D. Roosevelt – B-1050 BruxellesUne étude a permis d'estimer qu'un Européen contemporain dispose d'environ10 000 objets durant son existence, alors qu'un individu d'un peuple indiend'Amérique du Nord n'en manipulait que 250. Je ne sais pas comment ceschiffres sont calculés, mais ils illustrent de façon frappante une évolution sur lelong terme qui paraît évidente à tous ceux qui ont un brin de connaissancehistorique de la vie quotidienne dans le passé. Il est indéniable que beaucoupde ces objets ont apporté des parts de confort et de bonheur à l'existence, partsdont ceux qui en jouissent ne voudraient pas aisément se passer.Cependant cette augmentation dans la production et la possession d'objets –un des traits les plus forts de ce que l'on nomme "le développement" – sepoursuit dans tous les pays, à commencer par les plus riches d'entre eux. Pourne prendre qu'un exemple apparemment dérisoire, ceux d'entre nous qui ontdes enfants ont certainement pu constater que le nombre de jouets dont lesbambins disposent a fortement crû depuis leur propre enfance. Multiplié pardeux ? Trois ? En tous cas, le produit intérieur brut par habitant lui a augmentéd'une bonne moitié durant une petite génération, répandant son cortègerenouvelé, étincelant, ...

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DANS LE MONDE DES OBJETS
Intervention au Parlement européen de la consommation, Palais des
Congrès, 15 mars 2003
ZACCAI, E.
Université Libre de Bruxelles, IGEAT, Centre d'Etudes du Développement
Durable – CP 130/02 – 50, av. F.D. Roosevelt – B-1050 Bruxelles
Une étude a permis d'estimer qu'un Européen contemporain dispose d'environ
10 000 objets durant son existence, alors qu'un individu d'un peuple indien
d'Amérique du Nord n'en manipulait que 250. Je ne sais pas comment ces
chiffres sont calculés, mais ils illustrent de façon frappante une évolution sur le
long terme qui paraît évidente à tous ceux qui ont un brin de connaissance
historique de la vie quotidienne dans le passé. Il est indéniable que beaucoup
de ces objets ont apporté des parts de confort et de bonheur à l'existence, parts
dont ceux qui en jouissent ne voudraient pas aisément se passer.
Cependant cette augmentation dans la production et la possession d'objets –
un des traits les plus forts de ce que l'on nomme "le développement" – se
poursuit dans tous les pays, à commencer par les plus riches d'entre eux. Pour
ne prendre qu'un exemple apparemment dérisoire, ceux d'entre nous qui ont
des enfants ont certainement pu constater que le nombre de jouets dont les
bambins disposent a fortement crû depuis leur propre enfance. Multiplié par
deux ? Trois ? En tous cas, le produit intérieur brut par habitant lui a augmenté
d'une bonne moitié durant une petite génération, répandant son cortège
renouvelé, étincelant, de nouveaux objets attirant le désir. Remarquons ne
serait-ce qu'une chose à ce sujet, c'est que l'utilisation de ces objets, leur achat
judicieux, leur remplacement, absorbent une partie importante de notre temps.
Ce temps dont nous affirmons si souvent manquer, n'est-ce pas notamment
parce qu'il est investi en tant de choses ?
Le discours sur le "découplage" entre le bien-être, ou pour oser un mot plus
fort, le bonheur d'une part, et la possession d'objets matériels de l'autre, n'est
pas facile à tenir pour un scientifique. Il contient une aura d'écologisme,
d'irréalisme, d'austérité, de moralisme, ou même pire. Si je ne retiens que
l'irréalisme, il est sûrement irréaliste aujourd'hui d'aller à l'encontre de cette
abondance programmée, ne serait-ce que parce que toute la croissance
économique repose là-dessus. Pour une autre raison aussi, c'est que de vastes
parts de notre humanité en voie de mondialisation n'en sont pas à des niveaux
élevés de consommation. Pour eux l'accès à la consommation se pose en
d'autres termes que pour le milliard de ses semblables dont les consommations
multiples - y compris d'ailleurs via des services - absorbent chaque année la
majorité des ressources exploitées.
Le discours culturel sur la place de la consommation dans la réalisation des
buts de la vie humaine étant difficile à tenir, c'est un discours gestionnaire des
impacts qui prévaut. D'où un autre "découplage" que celui dont je parlais ci-
dessus, qui est répété dans la politique européenne de développement durable
: il s'agit de découpler la croissance économique de celles des impacts sur
l'environnement et de la consommation de ressources. Pour y parvenir, des
changements technologiques profonds sont nécessaires. Mais poussés par
quelles forces ?
On attend beaucoup, à mon avis trop, des consommateurs. Pourquoi trop ?
Parce que ceux-ci – c'est-à-dire nous tous – comprennent mal les informations
données sur les "éco-produits", et qu'ils sont soumis au moment de leur achat à
des impératifs plus déterminants que le respect de ces conditions de bonne
production, à savoir la qualité attendue et le prix. Et puis parce que ceux-ci -
c'est-à-dire encore une fois nous tous - sont immergés dans une culture qui
favorise la multiplication des objets consommés dans lesquels, parfois
subtilement, les producteurs tentent d'investir nos désirs.
C'est la raison pour laquelle les experts constatent que beaucoup de gains en
termes de "découplage relatif" - c'est-à-dire moins d'impacts pour un même
objet consommé - sont mangés par la croissance des quantités de
consommation. Il peut arriver ainsi que l'impact écologique total d'une personne
dotée d'une haute conscience à cet égard, mais aussi d'un haut pouvoir
d'achat, soit supérieur à celui d'une personne aucunement sensibilisée à
l'environnement, mais économiquement défavorisée.
J'arrive tout doucement au bout de ces quelques minutes qui imposent un
discours, vous l'avez compris, assez schématique. Revenir sur les apports de la
consommation, sur la liberté de consommer, constitue donc une direction
éminemment délicate pour les politiques publiques. Ces questions sont en jeu,
en discussion, d'une certaine façon depuis des siècles, mais elles prennent de
nouvelles caractéristiques aujourd'hui. Nul doute qu'elles continueront à nourrir
des débats et des évolutions.
En ce qui concerne la mise sur pied d'une production dotée de moins d'impacts,
il y a davantage de consensus sur le fait qu'il s'agit d'un objectif légitime. Or,
quand on prend connaissance des déterminants majeurs pour amener cette
mise en oeuvre, dans le chef des entreprises comme des consommateurs, on
est frappé de constater que les réglementations, ou les instruments
économiques, continuent à se trouver en très haute place.
Il reste peut être à mieux identifier les priorités de réduction d'impact, afin de
concentrer rapidement les moyens vers ces cibles, par exemple les substances
toxiques, les émissions de gaz à effet de serre, l'utilisation excessive de terres
dans des pays pauvres exportateurs, pour le compte de sociétés plus riches.
Quand on s'y attarde, il me semble que le thème de la consommation "durable"
est donc bien plus qu'une mode, parfois un peu dérisoire, culpabilisante,
"politiquement correcte". C'est un prisme révélateur de grandes questions
individuelles, et de société, y compris au niveau mondial.
Zaccaï E. (2002) "Le développement durable. Dynamique et constitution d'un
projet", Presses Interuniversitaires Européennes, Peter Lang, Bruxelles -
Berne.
Zaccaï
E.
(2002)
"De
quelques
visions
mondiales
des
limites
de
l'environnement."
in:
Développement
Durable
et
Territoires,
revue
électronique, Lille,
http://www.revue-ddt.org/dossier001/D001_A02.htm
Zaccaï E. (2002) "Qu'est-ce que le développement durable?". Intervention
lors du cycle de conférences "Rio, le développement durable 10 ans après" à
la Cité des Sciences, Paris,
http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/conferen/rio/global_fs.htm
D'autres
textes
et
références
peuvent
être
trouvées
sur
le
site
:
www.ulb.ac.be/igeat/cedd
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