Une étude diachronique de la transition de l’Autriche-Hongrie à ses  États successeurs a été
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PROGRAMME PLURI-FORMATIONS 2002–2005, « LA TRANSITION » UNIVERSITÉ PANTHÉON-SORBONNE (PARIS 1) François BOCHOLIER (AMN, Université Strasbourg II et doctorant, Université Paris I) LA TRANSYLVANIE, DE L’AUTRICHE-HONGRIE À LA GRANDE ROUMANIE LES ÉLITES TRANSYLVAINES, ENTRE IDENTITÉ RÉGIONALE ET ESSOR DES SENTIMENTS NATIONAUX L’historiographie ne s’est guère encore risquée à tenter une étude diachronique et 1comparative de la transition de l’Autriche-Hongrie à ses États successeurs . La prodigieuse accélération des événements, la désintégration de l’automne 1918 et les ruptures considérables qui s’en suivent, tendent à inhiber toute recherche qui engloberait les années précédant et suivant le conflit : elles n’offrent bien souvent aux historiens qu’une conclusion 2suffisamment tragique pour leurs réflexions sur le déclin et la chute des Empires ou ne constituent, au contraire, qu’une ouverture à des développements sur le destin tourmenté de e 3tel ou tel État d’Europe centrale-orientale au XX siècle . Cependant, l’évolution des structures économiques, sociales, voire territoriales, s’inscrit fondamentalement dans la longue durée ou, du moins, dans une périodisation qui ne recouvre pas naturellement celle des événements politiques : une des questions centrales, à partir des années 1880 et jusque dans le second vingtième siècle, est, ainsi, celle de l’extension progressive de phénomènes liés à la diffusion, dans l’Est et le Sud-Est du ...

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 P ROGRAMME PLURI-FORMATIONS 20022005, « LA TRANSITION » UNIVERSITÉ PANTHÉON-SORBONNE (PARIS 1)     François B OCHOLIER  (AMN,  Université  Strasbourg II et doctorant, Université Paris I)  LA TRANSYLVANIE, DE LAUTRICHE-HONGRIE À LA GRANDE ROUMANIE LES ÉLITES TRANSYLVAINES, ENTRE IDENTITÉ RÉGIONALE ET ESSOR DES SENTIMENTS NATIONAUX    Lhistoriographie ne sest guère encore risquée à tenter une étude diachronique et comparative de la transition de lAutriche-Hongrie à ses États successeurs 1 . La prodigieuse accélération des événements, la désintégration de lautomne 1918 et les ruptures considérables qui sen suivent, tendent à inhiber toute recherche qui engloberait les années précédant et suivant le conflit : elles noffrent bien souvent aux historiens quune conclusion suffisamment tragique pour leurs réflexions sur le déclin et la chute des Empires 2  ou ne constituent, au contraire, quune ouverture à des développements sur le destin tourmenté de tel ou tel État dEurope centrale-orientale au XX e siècle 3 . Cependant, lévolution des structures économiques, sociales, voire territoriales, sinscrit fondamentalement dans la longue durée ou, du moins, dans une périodisation qui ne recouvre pas naturellement celle des événements politiques : une des questions centrales, à partir des années 1880 et jusque dans le second vingtième siècle, est, ainsi, celle de lextension progressive de phénomènes liés à la diffusion, dans lEst et le Sud-Est du continent européen, du modèle des sociétés occidentales de lâge industriel : développement de lenseignement de masse, de la fonction publique, profondes mutations sociales et nouvel vision du monde
                                                 1  Seules peut-être des études économiques et sociales, comme lexcellent B EREND , Iván, R ANKI , György, Economics development in East central Europe in the 19th and 20th centuries , Londres, 1974, viennent contredire cette affirmation. Pour la Transylvanie, louvrage de B ÍRÓ , Sándor, The Nationalities Problem in Transylvania, 18671940, Social Sciences Monographs, Boulder, Columbia Univ. Press, 1992. (nous utiliserons ici la réédition hongroise de 2002 : Kisebbségben és többségben : Románok és magyarok (18671940), Budapest, 2002) reste une tentative isolée et malheureusement très partiale. 2 M ICHEL , Bernard, La chute de lEmpire austro-hongrois , Laffont, 1991. 3  Ainsi, en Roumanie, actuellement, les spécialistes du XIX e  et ceux du XX e  siècles appartiennent à deux départements ( catedre ) universitaires distincts.   1    
 quelles induisent Plusieurs théories récentes du nationalisme ont montré comment, de façon complexe, ces évolutions sont intrinsèquement liées à lessor des mouvements ationaux 4 n . Or, on considère généralement et à juste titre que les traités de paix de 1919-1920 entérinent le triomphe du modèle de lÉtat-Nation en Europe 5 . Une étude plus fine des continuités et des ruptures de part et dautre de la Première Guerre mondiale en Europe Centrale permettrait de mieux éclairer la portée de la croissance des structures de lÉtat-Nation pour des évolutions sociales et des cohésions dentités qui lui sont antérieures.  Nous avons choisi le cas de la Transylvanie 6 : son histoire de principauté quasi indépendante au XVI e et XVII e siècles, aurait pu justifier, à lâge des nations, une construction nationale ( nation-building ) voire lessor dune mythologie propre unifiée, dun « transylvanisme 7 » porteuse dun projet dÉtat indépendant. Le déclin puis la chute de lEmpire autrichien ont, pourtant, conduit, de plus en plus, à son écartèlement entre mémoires dinspiration nationale radicalement divergentes, respectivement hongroise, roumaine et allemande 8 .  Dans cette étude, nous poserons la question de limpact des constructions nationales en Transylvanie avant et après la Première Guerre mondiale sur les identités héritées, propres à cette province. Nous constaterons des essors périodiques de formes de « transylvanismes » entre 1876 et 1930 dont nous essaierons de juger la portée réelle. Pour se faire, nous nous intéresserons, avant tout, aux catégories sociales porteuses par excellence de projet identitaire : les « élites 9 » intellectuelles et politiques 10 . Parmi elles, les élites roumaines transylvaines apparaissent comme un cas particulièrement instructif car cest
                                                 4 Voir particulièrement : G ELLNER ,  Ernest , Nations et nationalisme , Payot, Paris, 1989. 5  La plupart des synthèses considèrent que ce triomphe correspond à une dégradation générale du sort des « groupes ethniques » en Europe qui, de « nationalités » dEmpire deviennent des « minorités » dans les nouveaux États nationaux. J ELAVICH , B. History of the Balkans , Cambridge University Press, 1983, vol. 2, .p. 136. M ICHEL , Bernard, Nations et nationalismes en Europe centrale , Paris, 1995, ch. 10. 6 Le mot « Transylvanie » se réfère, dans cette étude, sauf indication explicite, à la région historique ( Siebenbürgen, Erdély, Ardeal ) et non à lensemble des territoires acquis par la Roumanie sur la Hongrie en 1920, comme le veut lusage courant actuel. 7  Ce néologisme est forgé daprès le terme hongrois « transsilvanismus » : voir infra et L ENGYEL , Zsólt K., Auf der Suche nach dem Kompromiß : Ursprünge und Gestalten des frühen Transsilvanismus 19181928 , Munich, Verl. Ungarisches Institut, 1993, p. 1. 8 Le politologue Tony Judit les qualifie joliment « darchipels de mémoires conflictuelles » (cité par  C APELLE -P OGACEAN , A., « Roumanie, lutopie unitaire en question », Critique Internationale , janvier 2000, 6, p. 110). 9  Pour le sens à donner à ce mot, à la jonction de lhistoire politique des « hommes de pouvoir » et de lhistoire sociale traditionnelle des « classes dirigeantes », C HARLE ,  Christophe, Les Élites de la République, Fayard, Paris, 1987,  p. 10. 10  On parle aussi parfois, pour lEurope orientale, d intelligentsia . Sur le rôle crucial de ces élites dans la formulation des projets nationaux, voir : H ROCH , Miroslav Die Vorkämpfer der nationalen Bewegungen bei der kleinen Völkern Europas , Prague, 1968. NB : notre étude étant centrée sur la question de la conscience régionale des élites issues des nationalités historiques de Transylvanie, la question spécifique de lidentité et de lintégration/assimilation locale de lélite de confession juive ne sera pas abordée.   2    
 parmi elles que sest exprimé, de la façon la plus frappante, lambiguïté de lidentité régionale transylvaine et le poids de lÉtat-Nation dans le destin social des élites.  La Transylvanie, périphérie orientale de la Hongrie unitaire  Dès la signature du Compromis austro-hongrois, la Transylvanie est sujette à linfluence des développements de structures-types de lÉtat-nation, promues par le nouveau gouvernement de Budapest : un des premiers actes du gouvernement Andrássy, sans même le consentement explicite de lEmpereur-Roi, est de nommer un Commissaire spécial dans la province pour préparer son intégration pleine et entière au royaume 11 . La loi dite dUnion de décembre 1868, tout en confirmant la disparition définitive de la société dOrdres ( Stände ) et des privilèges hérités  abrogation des nationes historiques, égalité entre toutes les confessions  nest que le prélude à une série de lois administratives, de rationalisation et de centralisation, promulguées entre 1870 et 1886 : les territoires privilégiés, comme le fundus regius  ( Königsboden ) saxon et les districts sicules ( székely székek ) à statut spécial sont dissous et intégrés à une organisation territoriale unifiée fondée, localement, conjointement sur le comitat ( megye ) et les villes « à droit juridictionnel » ( törvényhatosági jogú városok ), placés sur un pied dégalité. Les lois administratives de 1886 consacrent un ordre qui restera inchangé jusquen 1918 12 . Le découpage des comitats sefforce de respecter, un tant soit peu, les particularismes transylvains saxons et sicules  la taille moyenne dun comitat transylvain reste bien inférieure à la moyenne nationale 13 . Le nombre de villes libres est, en revanche, réduit de façon drastique : parmi les onze villes libres royales ( szabad királyi városok ) transylvaines, seules Kolozsvár (/Cluj) et Marosvásárhely (/Târgu-Mure ş ) conservent leur statut spécial après 1876, les autres étant rétrogradées au rang de villes simples, « à conseil municipal » ( rendezett tanácsú városok ). Une véritable classe de fonctionnaires professionnels, surveillée par lenvoyé du gouvernement dans le comitat ( ispán ) 14 , se met en place. Le modèle suivie est dinspiration joséphiste 15  et « libérale 16 », comme il est un                                                  11  B ARANY ,  George, « Ungarns Verwaltung (1848-1918) », in W ANDRUSZKA , Adam, U RBANITSCH , Peter, dir., Die Habsburgermonarchie 18481918 , Vienne, vol. 2, 1975, p. 387. 12  Ibidem , p. 421431 et Magyarország Története , Budapest, Akadémiai Kiadó, vol. 6, 1979, p. 123643 ; K ÖPECZI , Béla, dir., Erdély története , Budapest, Akadémiai Kiadó, vol. 3, 1987, p. 163437. 13 Mais, associé à la loi électorale de 1874 très restrictive, il ne permet pas la constitution de comitats à potentielle dominance politique roumaine comme aurait pu lêtre, par exemple, lancienne zone de régiments roumains de frontière ( Grenzer ) autour de Naszód (/N ă s ă ud) : plusieurs comitats sont fusionnés en 1876 ; Naszód perd son indépendance pour former avec Beszterce (/Bistri ţ a, Bistritz) le comitat de Bistri ţ a-N ă s ă ud (N ISTOR ,  I.S., Comuna ş i jude ţ ul, evolu ţ ia istoric ă , Cluj, Dacia, 2000, p. 101). 14 Le mot « préfet » traduit, faute de mieux, le terme d ispán (comte, comes ) dorigine médiévale. 15  Le pouvoir hongrois reprend à son compte des mesures de rationalisation et de professionnalisation déjà tentées par ladministration autrichienne en Transylvanie notamment sous Joseph II (R OTH , Harald, Kleine Geschichte Siebenbürgens , Cologne, Böhlau Verlag, 1996, p. 8386) et à lépoque néo-absolutiste (B ARANY , op. cit. , p. 343).  3     
 instrument de combat pour assurer le projet national hongrois porté par la gentry ;  mais il a aussi la particularité de ménager, un tant soit peu, les élites historiques locales par la création dune comité de cogestion du comitat ( közigazgatási bizottság ) assurant leur participation à ladministration locale en parité théorique avec les fonctionnaires dÉtat. Plus rien ne distingue, administrativement, les comitats situés sur lancien territoire de la Principauté de Transylvanie après 1876 de ceux du reste du pays, au point que le terme-même de Transylvanie tende à disparaître de la langue officielle et scolaire 17 . Néanmoins, la région reste marquée par des traits spécifiques. Certains sont hérités : la composition ethnique et religieuse extrêmement fragmentée et complexe  au sein dun apparent même ensemble, apparaissent de nombreux particularismes ou petits pays 18  , lempreinte forte laissée localement par la société dOrdres 19 et les siècles de vie étatique séparée  le Code civil en vigueur dans les comitats transylvains est le Code civil autrichien de 1811, étendu à la province en 1853, maintenu lors de lUnion de 1868 20 . Dautres sont induits par les effets néfastes du centralisme, conjugués aux inégalités engendrées par le développement inégal de la révolution industrielle en Hongrie entre 1867 et 1914. Malgré des atouts anciens, susceptibles de constituer une base à un essor industriel moderne  tradition urbaine et artisanale, richesse en minerais et en charbon , la Transylvanie souffre de sa situation de périphérie territoriale : région « orientale », enclavée, elle ne bénéficie que partiellement et parfois tardivement du réseau de chemin de fer construit en étoile à partir de Budapest. Traditionnellement, exportatrice de produits artisanaux dans les régions de plaine qui lentoure, notamment en Valachie et en Moldavie, elle souffre du territoire commun douanier austro-hongrois tant en raison de la concurrence des produits manufacturés de Bohême ou dAutriche, que de la politique douanière de lÉtat hongrois qui vise, avant tout, à préserver les intérêts de la puissante industrie agro-alimentaire et à soutenir le développement dune industrie manufacturière en Hongrie centrale.  
                                                                                                                                                        16 au sens de lidéologie du Parti Libéral hongrois ( Szabadelv ű Párt ) de 1875. 17  On parle, en terme géographique, de : Délkeleti Felföld  (Haut-Pays du sud-ouest) et politique de Hongrie de lEst ou de Királyhágón túli kerület (District doutre Királyhágó) évoqué par K ÓS , Károly, Erdély, kultúrtörténeti vázlat , Cluj, Erdélyi Szépmíves Céh, 1929, rééd. 1934, en facsimilé : Budapest, Szépirodalmi Könyvkiadó, 1988, p. 85. 18  La division religieuse des Roumains entre uniates et orthodoxes, la spécificité de petits pays, conservatoires culturels comme le Kalotaszég, le pays des Mo ţ i, lisolement et la spécificité des Saxons du nord de la Transylvanie (Bistritz /Beszterce, Bistri ţ a), du Pays sicule, etc : une énumération non exhaustive dans R OTH , op. cit. , p. 12. 19  Ainsi, les corporations tardent à disparaître en Transylvanie à la fin du 19 e  siècle. P ÁL , Judit, Procesul de urbanizare în scaunele secuie ş ti în secolul al XIX-lea , Cluj, Presa Universitar ă Clujean ă , 1999, p. 187. 20  B ARANY , op. cit., p. 353 et Loi XLIII/1868, art. 12 in Magyar Törvénytár , 1896. Dans le reste du pays, cest le droit coutumier hongrois (dont tripartitum de Werböczy) qui est en vigueur.   4    
 Lidéal national : exutoire paradoxal du mécontentement régional (1867  1914)  Les sources de mécontentement et de particularisme ne manquent pas en Transylvanie au tournant du XX e  siècle. Dans le Pays sicule, par exemple, les motifs dinsatisfaction ne cessent de saccumuler depuis 1867 : la perte des derniers privilèges lors de la réforme administrative, signifie le déclassement de nombre de localités du statut de villes libres à celui de ville voire de commune rurale, ce qui ne va pas sans protestation 21 . Mais cest surtout la guerre douanière entre la Roumanie et la Monarchie de 1886 à 1893 qui cristallise le mécontentement dartisans coupés de leur principal marché dexportation et bientôt contraints à se faire journaliers ou à émigrer. 22  En 1902, un Congrès général sicule se réunit à Tusnád (/Tu ş nad) et, section par section, énonce les doléances auprès de lÉtat central 23 . Cependant, la cause sicule se voit plutôt conférer laura dune cause nationale hongroise : les multiples associations sicules qui se créent dans la première décennie du siècle sont placées sous le patronage dEMKE, lassociation culturelle hongroise transylvaine 24 . Dautres mouvements, entre 1900 et 1914, dessence plus culturelle, tenant du mécontentement provincial face à lexcessive centralisation de lÉtat, néchappent pas non plus à ce paradoxe : le constat du dépérissement intellectuel et de la stagnation économique relative de la vieille province au passé glorieux débouche sur un appel à la mobilisation autour de la défense de la magyarité dans le contexte du renforcement spectaculaire et inquiétant des organisations économiques, sociales et politiques des Roumains de Transylvanie 25 . Il faut dailleurs la perspective sérieuse dune entente entre le gouvernement Tisza et le Parti National Roumain pour voir se constituer la première tentative de lobby politique transylvain au parlement de Budapest : en 1914, István Bethlen est à linitiative dune « Union transylvaine » ( Erdélyi Szövetség ), réactivée en 1917-18, qui réclame de lÉtat une politique plus agressive de défense et de promotion des intérêts économiques et sociaux magyars en Transylvanie 26 . Les élites politiques roumaines transylvaines, farouchement opposées à lintégration de la Transylvanie dans le royaume hongrois unifié, auraient pu constituer le noyau dun puissant régionalisme. Depuis la naissance de leur mouvement politique au XVIII e  siècle, elles nont
                                                 21 P ÁL , op. cit., p. 75. 22  Ibidem , p. 190. 23  Erdély története , op. cit., vol. 3, p. 1525. 24  Ibid. et L ENGYEL , op. cit., p. 40. Laction débouche notamment sur la construction dun chemin de fer à travers le Pays sicule, achevé en 1909. 25  Károly Kós, jeune intellectuel transylvain, partisan de la décentralisation, proche des cercles bourgeois-radicaux de Budapest est impressionné et choqué par laffluence et lenthousiasme des paysans lors de la réunion jubilaire dASTRA en 1911 (cité par K ÁNTOR , Lajos, Itt valami más van... Erdélyi Krónika (19111949) , Budapest, Héttorony Könyvkiadó, 1992, p. 12 et L ENGYEL , op. cit., p. 50). 26 L ENGYEL , op. cit., p. 4246. R OMSICS , Ignác, Bethlen István , Budapest, 1991, p. 5666.   5    
 cessé de baser leurs revendications sur leur intégration comme « quatrième nation 27 » dans le système politique local, tout en réaffirmant leur loyauté à lEmpereur Habsbourg qui garantit léquilibre dans la Principauté et qui a contribué, à plusieurs reprises, à leur émancipation. Dans un premier temps, leur réaction à la loi dUnion semble conforme à cette logique : elles réclament la rétablissement de la Principauté et des lois votées par la Diète de Nagyszeben (/Hermannstadt, Sibiu) entre 1863 et 1865. Cette logique « passiviste », du boycott du nouveau cadre national hongrois culmine dans la remise dun Memorandum  à François-Joseph en 1892 28 . Néanmoins, au même moment, lélite roumaine transylvaine commence à définir son identité non plus seulement dans le cadre étroit de la province mais dans celui de lensemble des locuteurs de roumain : le Parti National Roumain (PNR) les unifient en 1881 aux mouvements roumains du Banat, du Partium (/Cri ş ana) et du Máramoros (/Maramure ş ) qui, jusque-là, avaient poursuivi une politique pragmatique dintégration dans la vie politique hongroise. La logique nationale et non plus territoriale voit son accomplissement, après léchec du Memorandum , lorsquà son congrès de 1905, le PNR décide passer à une politique activiste et de renoncer à la demande dautonomie pour la Transylvanie au profit dune revendication des « droits de la nation roumaine. 29 » En 1906, dans son célèbre plan de réorganisation de la Monarchie sur une base fédérale, lintellectuel roumain Aurel Popovici, imagine une province orientale élargie, incluant tous les Roumains dAutriche-Hongrie dans un même ensemble administratif 30 . Enfin, dans lélite roumaine formée après 1880, lidentification aux destinées du royaume roumain voisin, au gré de sa montée en puissance, de la guerre dindépendance de 1878 au congrès de Bucarest de 1913, va croissante sans que lon puisse, néanmoins, parler dun irrédentisme en tant que tel 31 . Chez les élites saxonnes transylvaines, vu léloignement géographique et les sept siècles de séparation, une identification aux destinées allemandes pourrait paraître autrement problématique 32 . Or, si les Saxons souffrent particulièrement de la destruction de leur juridiction et administration autonomes ( Sachsen-Universität et Sachsengraf ) et de la
                                                 27  Au sens médiéval de « natio » et à référence à l« Unio trium nationum » (hongroise, sicule, saxonne) qui contrôle le système politique en Transylvanie depuis le XV e siècle. 28  H ITCHINS , Keith, « Die Rumänen », in W ANDRUSZKA , Adam, U RBANITSCH , Peter, dir., Die Habsburgermonarchie 1848 1918 , Vienne, vol. 3, 1980, p. 596597 et H ITCHINS , Keith, A Nation affirmed : The Romanian National Movement in Transylvania, 18601914 , Bucarest, Enciclopedica, 1999, p. 135 sq et p. 338343. 29 H ITCHINS , op. cit. , 1980, p. 601. 30  P OPOVICI ,  A., Die Vereinigten Staaten von Gross-Österreich : son découpage inclut le Banat, le Partium et la Bukovine (T URDA ,  Marius, « Aurel C. Popovici and the Symbolics Geography of the Romanians in the Late Habsbourg Empire (18901910) », Revue Roumaine dHistoire , 1997, nr. 12, p. 115120). 31 eune activiste, publiciste et écrivain Ioan Slavici proclame dès 1884 : « pour tous les Roumains, cest à Bucarest que le Le j soleil se lève !», cité par N OUZILLE , Jean, La Transylvanie, Strasbourg, Revue dEurope Centrale, 1993, p. 198. 32 Pour une vue synthétique des études universitaires sur la transformation de lidentité saxonne en identité allemande, R OTH ,  Harald, « Autostereotype als Identifikationsmuster », in Das Bild des Anderen in Siebenbürgen: Stereotypen in einer Multiethnischen Region , Cologne, Böhlau, Siebenbürgisches Archiv, 33, 1998, p. 183, note 12.   6    
 rétrogradation de toutes leurs villes libres au rang de simples villes à conseil dans la 3 dépendance du comitat 3 , la conscience étroite des intérêts de lÉglise évangélique et de la bourgeoisie saxonne tend à régresser au profit dune appartenance ethnique allemande : dès 1848, la figure tutélaire et martyr des Saxons, lévêque Stephan-Ludwig Roth avait adressé une lettre de soutien et de solidarité au Parlement de Francfort 34 . En 1870-71, une grande majorité des élites saxonnes senthousiasme pour les victoires prussiennes et la fondation du nouveau Reich  tandis quen retour, un pamphlet paru à Leipzig  en 1882 à linitiative de la Ligue « Allgemeine Deutsche Schulverein 35 » alerte lopinion sur la situation dramatique des « frères de race » saxons, « enfants en péril » que leur « mère allemande » se doit de ne pas abandonner 36 . Après 1890, tant dans les cercles dirigeants saxons (« Parti Noir », Schwarzen ) que dans lopposition « verte » ( Grünen ) plus représentative de la petite et moyenne bourgeoisie des villes, lidentification à des formes didentité pan-allemande progresse, même si elle prend des formes différentes : les « Noirs » forgent le concept dune double loyauté, loyauté citoyenne à lÉtat hongrois, loyauté spirituelle et culturelle au « peuple allemand » ( deutsches Volk ) ; les « Verts » résistants à la magyarisation et refusant la politique de compromis avec le gouvernement, en appellent, quant à eux, avant tout à une union pragmatique de tous les Allemands du Royaume de Hongrie tout en souscrivant aussi à lidée dune grande Allemagne intellectuelle ( geistiges Alldeutschland ) 37 . Enfin, même si lémigration saxonne vers lAllemagne reste faible, une proportion croissante de la jeunesse des élites saxonnes nen part pas moins achever ses études supérieures dans les universités du Reich 38 . Les associations culturelles, dont on connaît le rôle-clé quelles jouent en Europe centrale au XIXe siècle pour le « réveil » des peuples et le processus de nation-building , bien quelles centrent leur activité sur lhistoire, la culture ou le développement régional, prennent
                                                 33 Des six villes royales libres saxonnes, pas une seule ne conserve son statut après 1876. Kronstadt qui compte plus de 20 000 habitants est rétrogradée, alors que des villes de la Hongrie centrale moins peuplées conservent leur rang. (statistiques et statut des villes de Hongrie in D EÁK ,  E., Das Städtewesen der Länder der Ungarischen Krone (17801918) , vol. II/1, Budapest, 1989). 34  Erdély története , op. cit., vol. 3, p. 1383 et W AGNER , Ernst, Quellen zur Geschichte der Siebenbürger Sachsen, 1191-1975 , Köln, 1981: « Nous serons forts si lAllemagne lest aussi » affirme Roth dans sa lettre. 35  Ligue nationaliste qui se fixe pour but de défendre et de promouvoir le système éducatif et culturel des communautés allemandes à lextérieur du Reich , notamment en Autriche-Hongrie. (M ÖCKEL , Andreas, « Kleinsächsisch oder Alldeutsch? Zum Selbstverständnis der Siebenbürger Sachsen von 1867 bis 1933 », in Siebenbürgen zwischen der beiden Weltkriegen , éd. par W. König, Böhlau Verlag, 1994, p.132). 36 Ibidem et M AC A RTHUR , Marylin, Zum identitätswandel der Siebenbürger Sachsen , Böhlau, Cologne, 1990, p. 94. 37 Lutz Korodi, répondant en 1905 au Comte Apponyi président de la Chambre des députés, cité par M ÖCKEL , art. cit. , p. 140. 38 Cette tradition des études dans les pays allemands remonte, semble-t-il, au début du XIX e siècle dans les cercles des élites intellectuelles (ecclésiastiques, enseignants) de la minorité saxonne. ( G ÜNDISCH , Konrad, Siebenbürgen und die Siebenbürger Sachsen , Bonn, 1998, p. 128).   7    
 toutes, en Transylvanie, une teinte nettement nationale 39 . Lassociation roumaine ASTRA, lors de sa participation à lexposition universelle de Bucarest en 1906, insiste sur les éléments de son appartenance à la « Dacie » ( Dacia ), à la grande communauté culturelle roumaine 40 . De son côté, sa rivale hongroise EMKE place au centre de ses préoccupations, la re-magyarisation de territoires transylvains par la colonisation et la scolarisation  de façon, notamment, à former une continuité ethnique magyare de la Grande Plaine ( Alföld ) jusquau cur du Pays Sicule 41 .  Ainsi, avant la Première Guerre mondiale, les identifications régionales propres sont nettement en régression en Transylvanie. Pour une grande part, comme on la vu, celles-ci étaient portées par la société dOrdres  dAncien Régime, dirions-nous  et ses représentants : grande et moyenne aristocratie, corporations urbaines, communautés bénéficiant de privilèges juridiques et territoriaux 42 . Le développement des structures de lÉtat-nation en Hongrie après 1867 est conçu par ses promoteurs comme une uvre de modernisation des cadres de la société. Il accélère la disparition des anciennes structures et, en retour, il offre de nouvelles perspectives aux élites transylvaines à condition quelles acceptent de sidentifier à la nation politique hongroise 43 . De fait, dans les dernières années de paix, Budapest apparaît de plus en plus comme le centre politique non plus seulement pour les Hongrois transylvains mais aussi pour les chefs du parti saxon et du PNR qui, respectivement en 1890 et 1905, ont décidé de prendre part à la vie politique nationale 44 . Mais, tandis que les élites hongroises profitent à plein de cette croissance de lÉtat-nation en occupant, par exemple, de nombreux postes dans ladministration ou lenseignement supérieur public soit en Transylvanie, soit même dans la capitale 45 , les élites saxonnes et roumaines voient leurs carrières freinées voire barrées. Comme la très bien montré Benedict Anderson, dans lÉtat moderne, les perspectives dascension sociale freinent voire annihilent les consciences identitaires potentiellement                                                  39  Il sagit principalement de Verein für die Siebenbürgische Landeskunde (1840), Asocia ţ iunea Transilvan ă  pentru Literatur ă Român ă  ş i Cultura Poporului Român (ASTRA, 1861), Erdélyi Múzeum Egyesület (EME, 1859) et Erdély-részi Magyar Közm ű vel ő dési Egyesület (EMKE, 1885). 40  Sur cette exposition et le scandale provoqué dans la presse hongroise par lattitude des Transylvains roumains : B ÍRÓ , op. cit., p. 160162. 41 L ENGYEL , op. cit., p. 4041. 42  Cette société, elle-même, peinait déjà fortement à définir une solidarité pan-transylvaine parmi les élites, même si lexpérience de lindépendance au XVI e  et XVII e  siècles créa une certaine conscience régionale. (G ÜNDISCH , Konrad, « Ständische Autonomie und Regionalität im mittelalterlichen und frühneuzeitlichen Siebenbürgen » in Minderheiten, Regionalbewußtsein und Zentralismus in Ostmitteleuropa, Siebenbürgisches Archiv, 2000, p. 2149). 43  Distinguer, pour cette époque, la citoyenneté « hongroise » de lappartenance aux Hongrois ( magyarság ) définis ethniquement comme « magyars ». 44  Fondation de Lupta , le journal du PNR à Budapest et vie parlementaire active de 1905 à 1910, association étudiante roumaine de Budapest, Petru Maior 45 Le premier Premier ministre transylvain est le baron Dezs ő Bánffy de 1895 à 1899.   8    
 divergentes 46 . Lexistence partielle de ces conditions dans la Hongrie de 1914 explique que le processus de magyarisation ne doit pas être ramené simplement à une manipulation des chiffres par lÉtat hongrois nationaliste 47 . Mais la politique des élites dirigeantes de Budapest, tant par la politique de magyarisation forcée que par le refus daccepter la démocratisation du pays 48 , multiplient alors les contraintes, les coercitions et les blocages en Hongrie. Le Reich  allemand et le nouveau Royaume roumain, engagés, eux aussi, dans un processus de construction fondé sur les principes de lÉtat-nation, acquièrent alors un pouvoir dattraction croissant sur une partie des élites saxonnes et roumaines, plutôt que la perspective dun repli régional transylvain qui ne peut plus sappuyer sur aucune base administrative ou juridique et qui noffre ni alternative 49 , ni solution davenir de promotion dans le monde de la nouvelle société industrielle. Le cas des élites roumaines illustre bien ces considérations théoriques. Une première catégorie est incarnée par ceux que les tenants du Parti National qualifient de « renégats » : fonctionnaires, enseignants de lÉtat, ils sintègrent dans lÉtat-Nation hongrois, nationaliste, au risque de sassimiler rapidement et complètement. Leur nombre a sans doute été plus nombreux que lhistoriographie traditionnelle ne le prétend 50 . Mais le développement de la Hongrie « libérale 51 », dans le marché unifié de la Monarchie, a aussi permis lémergence de notables indépendants (avocats, médecins) et dentrepreneurs (banquiers, négociants) roumains. Cest cette petite élite qui prend le contrôle du PNR au début du XX e siècle et initie la politique activiste de participation à la vie nationale : bien que déterminée à lutter contre la magyarisation, elle représente une forme dintégration partielle à lÉtat hongrois. Au début des années 1910, elle est violemment attaquée par un autre groupe politique, dit des « hommes dacier » ( o ţ eli ţ i ) lui reprochant ses concessions voire sa collusion avec le système en place : ce mouvement, dont la figure de proue est le poète et publiciste Octavian Goga, est incarnée en grande majorité par des intellectuels (enseignants, écrivains, prêtres) pour qui la lutte pour la langue et la culture roumaine, autant quune question idéologique et morale, est                                                  46 A NDERSON ,  Benedict, Limaginaire national , Paris, La Découverte, 1996, p. 6675. 47  Entre 1880 et 1910, le pourcentage de population de langue maternelle hongroise passe de 30% à 34% en Transylvanie. Dans la presque totalité des villes, la proportion de Roumains régresse sensiblement (D EÁK ,  E., op. cit. ). Le nombre croissant de gréco-catholiques se disant de langue maternelle hongroise  certes, plutôt dans le Partium et dans le Nord  permet de se faire une bonne idée du processus de magyarisation. 48 Larbitraire administratif, les manipulations électorales, les manifestations chauvines hongroises restent monnaie courante en Transylvanie et, comme le montrent les élections générales de 1910, ne tendent guère à régresser à la veille de la guerre. 49  Lindifférence réitérée de Vienne face au sort des Roumains mais aussi des Saxons de Transylvanie après 1867, nuit gravement à la crédibilité dune hypothétique solution « habsbourgeoise ». Les Saxons préfèrent de plus en plus une identité allemande à une pseudo-identité autrichienne (elle-même problématique même à Vienne). Quant aux Roumains très actifs dans le Parti du Belvédère, ils visent plutôt lunité de tous les Roumains sous le sceptre Habsbourg (voir supra  au sujet dAurel Popovici). 50 Voir les listes de Roumains présents dans ladministration des comitats voire ladministration centrale vers 1914, établies par B ÍRÓ S., op. cit. , p. 6067. 51 Au sens du respect absolu envers la libre entreprise et linitiative privée entre 1867 et 1914 (B ÍRÓ , ibid. , p. 267).   9    
 une question de perspective sociale. Cantonnés à enseigner dans le système confessionnel où ils subissent la tutelle des autorités religieuses, nombre dentre eux choisissent lexil dans le Royaume roumain voisin. Ceux qui restent sont à linitiative des quelques manifestations clairement irrédentistes des Roumains transylvains avant 1914. Ils forment aussi la majorité parmi les membres de lélite roumaine de ceux qui « trahissent » en rejoignant la Roumanie dès le déclenchement du conflit mondial, alors quelle reste encore neutre et, théoriquement, lalliée de lAutriche-Hongrie.  Une fragile autonomie de circonstances (1918  1920)  Le dénouement de la Grande guerre prend les élites transylvaines en porte-à-faux car, à la différence du front Ouest, le front Est vient alors de se refermer avec la victoire des Puissances centrales : au traité de Bucarest de mai 1918, la Roumanie défaite doit accepter la cession des cols et des sommets des Carpates ; six mois plus tard, alors que la révolution a éclatée sur lensemble des territoires de la Hongrie royale, ses troupes franchissent ces mêmes cols et occupent, entre fin novembre 1918 et fin janvier 1919, la totalité de la Transylvanie historique 52 . Pour les élites roumaines, ce scénario est celui dune divine surprise alors que, malgré leur loyauté à la Monarchie, elles ont été prises dans la tourmente, maltraitées par lÉtat hongrois après lincursion, en août-septembre 1916, des armées de Bucarest en Transylvanie. Le remplacement du projet national hongrois par un projet national grand-roumain ne peut que susciter leur adhésion. Il y a néanmoins quelques moments de flottement et de doute en novembre 1918 qui annoncent déjà le régionalisme transylvain roumain du début des années 1920 : lunion à la Roumanie de tous les territoires habités par les « Roumains de Transylvanie, du Banat et du Pays hongrois » que proclament solennellement les élites politiques roumaines transylvaines, le 1er décembre 1918 est précédé de toute un débat dans les cercles dirigeants du PNR, sur les conditions éventuelles à poser à cet acte 53 : la tradition de résistance à lÉtat central, aiguisée par la lutte contre la magyarisation, fait craindre une absorption pure et simple dans un nouvel État roumain dont les élites politiques sont, pour la plupart, issues de classes sociales (aristocratie, grands propriétaires) que le PNR combat en Transylvanie. Le souvenir de lécrasement sanglant de la révolte paysanne de 1907, limage donnée par la classe politique de Bucarest et la « malédiction orientale » (byzantinisme,                                                  52 Détails chronologiques dans Ţ EPELEA ,  Ioan, 1919, o campanie pentru lini ş tea Europei , Cluj, Dacia, 1995. 53 Voir le compte-rendu détaillé de la réunion du PNR du 30 novembre 1918 dans C LOPO Ţ EL , I., Revolu ţ ia din 1918 ş i Unirea Ardealului cu România , Cluj, 1926, p. 111118.   10    
 corruption, laissez-aller) 54  qui entache la réputation du Royaume roumain aux yeux des Transylvains scolarisés à Vienne et à Budapest, ne font que renforcer la méfiance. La Déclaration dAlba-Iulia, la formation dun gouvernement provisoire transylvain (« le Conseil Dirigeant » / Consiliul Dirigent ), les négociations menées à Bucarest avec le gouvernement Br ă tianu en décembre 1918, sont la conséquence de ces dilemmes et des compromis qui sen suivent. Par deux décrets-lois du 24  décembre, le gouvernement roumain reconnaît lunion et accepte que les nouvelles provinces transylvaines 55  soient régies provisoirement par le Conseil Dirigeant, exceptées les questions régaliennes de politique étrangère et liées à la conduite de la guerre (armée, poste, télécommunications, chemins de fer) 56 . Ainsi, en cette fin de 1918 et encore au début de lannée qui suit, malgré loccupation par larmée roumaine, souvre une brève période où la Transylvanie ne subit plus, de façon aussi forte, le poids des structures de lÉtat-Nation : la Hongrie sombre alors dans les soubresauts de la Révolution et de la République des Conseils, lÉtat roumain central nexerce encore quune autorité indirecte sur la province. Si les élites dirigeantes saxonnes se résignent rapidement à accepter lintégration à la Grande Roumanie en échange de garanties du Conseil Dirigeant 57 , quelques projets alternatifs hongrois ou sicules fleurissent : Árpád Páal, sous-préfet ( alispán ) du comitat de Udvarhely (/Odorhei) jusquen janvier 1919, promeut lidée dune République sicule 58 , tandis quElemér Gyárfás, avocat, ancien préfet ( ispán ) du comitat Kis-Küküll ő  (/Târnava Mic ă ), remet au Conseil Dirigeant en mai 1919, un projet dindépendance de la Transylvanie sur le modèle helvétique 59 . Ces projets, cependant, tiennent plus alors de jeux de lesprit de quelques personnalités isolées que de véritables alternatives politiques. Dans leur grande majorité, les élites administratives hongroises en Transylvanie  partiellement originaires de la province  restent plus que jamais fidèles à la logique nationale dautant que lalternative proposée est celle dun serment au Roi de Roumanie demandé dès janvier 1919 par le Conseil Dirigeant  ce qui ne donne en rien la perspective dune « troisième voie » transylvaine : démissions en masse, expulsions, afflux de réfugiés en Petite Hongrie sont la conséquence de cette impasse.
                                                 54 Sur les stéréotypes et stigmates appliqués par lOccidental à lOriental : S AID , Edward, Orientalism , Londres, 1978. 55  Cest à partir de cette époque que lon commence à utiliser le terme de Transylvanie pour lensemble des territoires rattachés à la Roumanie à lissue de la Première Guerre mondiale. 56  Monitorul Oficial , DL 3631 et DL 3632, 26 décembre 1918. 57  Mais cela ne va sans réticences et divisions internes (C IOBANU ,  Vasile, Contribu ţ ii la cunoa ş terea istoriei sa ş ilor transilv ă neni 1918-1944 , Sibiu, Ed. Hora, 2001, p. 6567). 58 L ENGYEL , op. cit. , p. 103111. 59  Ibidem , p. 153 daprès G YÁRFÁS , Elemér, Erdélyi problémák. 19031923 , Cluj, Erdélyi Irodalmi Társaság, 1923.   11    
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