Une minorité chîite en Anatolie : les Alevî - article ; n°3 ; vol.35, pg 748-763
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Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 1980 - Volume 35 - Numéro 3 - Pages 748-763
A Shi'ite minority in Anatolia : the A/evis A. Gokalp The Alevis constitute a religious minority which comprehends more than one-fifth of the Turkish population. The doctrine, cult and pantheon of the Alevis — a branch of the Muslim shi'ite tradition — have been considered heretical throughout the entire history of the Turks in Anatolia. In the first instance, the reasons for this ostracism derive from a doctrinal antagonism. Political hostility follows ; the Alevi lineage brotherhoods which continue the Oghouz-Turkoman traditions ofchiefdom are the polar opposite of the strongly centralized Ottoman political rationality. Modern Kemalist ideology is secular and emphasizes Turkishness. As followers of specifically Turkish traditions and as the victims of sunnite persecution, the Alevis became unconditional followers of Ataturk's ideas.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Altan Gokalp
Une minorité chîite en Anatolie : les Alevî
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 748-763.
Abstract
A Shi'ite minority in Anatolia : the A/evisA. Gokalp The Alevis constitute a religious minority which comprehends more than one-
fifth of the Turkish population. The doctrine, cult and pantheon of the Alevis — a branch of the Muslim shi'ite tradition — have
been considered heretical throughout the entire history of the Turks in Anatolia. In the first instance, the reasons for this ostracism
derive from a doctrinal antagonism. Political hostility follows ; the Alevi lineage brotherhoods which continue the Oghouz-
Turkoman traditions ofchiefdom are the polar opposite of the strongly centralized Ottoman political rationality. Modern Kemalist
ideology is secular and emphasizes Turkishness. As followers of specifically Turkish traditions and as the victims of sunnite
persecution, the Alevis became unconditional followers of Ataturk's ideas.
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Gokalp Altan. Une minorité chîite en Anatolie : les Alevî. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4,
1980. pp. 748-763.
doi : 10.3406/ahess.1980.282666
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1980_num_35_3_282666UNE MINORITÉ CHIITE EN ANA TOLIE : LES ALEVÎ
« Têtes-Rouges », Bektachî, Alevî (Alides ou Alaouites dans les références
françaises), c'est sous ces vocables aux définitions souvent fluctuantes qu'on
désigne la minorité religieuse d'obédience chiite en Turquie. En 1826, date des
massacres qui mirent fin au corps des janissaires — étroitement associés à l'ordre
des Bektachî — , l'Empire ottoman comptait sept millions de ces hétérodoxes.
Aucune source statistique de l'ère républicaine ne fournit aujourd'hui des
indications fiables permettant une évaluation démographique de cette minorité :
l'État fondé par Atatiirk en 1 923 est d'un laïcisme militant, et la loi de novembre
1925 abolit les ordres religieux de toute obédience; elle est suivie d'une
modification constitutionnelle d'avril 1928 qui supprime toute référence à l'islam
en tant que religion d'État. L'identité religieuse est ainsi niée comme catégorie
juridique, politique, sociale et statistique.
Ce qui est occulté sur le plan institutionnel resurgit sur le plan sociologique, à
la faveur d'une renaissance idéologique et politique de l'islam dans la quasi-
totalité des sociétés contemporaines se réclamant de cette tradition. En Islam turc,
qui se rattache à la tradition hanéfite de l'orthodoxie musulmane (sunnite), la
renaissance d'une idéologie politique qui privilégie l'appartenance à la
communauté musulmane se double ďun conflit confessionnel : considérés
comme hérétiques sur le plan doctrinal, adeptes de l'inceste rituel selon les
croyances populaires, alliés du collectivisme pour la droite, les membres de la
minorité religieuse musulmane alevî se trouvent encore victimes d'un ostracisme
séculaire.
Les Alevî eux-mêmes estiment leur nombre à quelque dix millions
aujourd'hui, dans une Turquie de 45 millions d'habitants. Ils se signalent par des
positions laïques, progressistes et populistes. Un parti politique, le Parti de
l'Union (Birlik Partisi) exprime leurs positions sur le plan politique. Les membres
de la communauté alevî sont organisés en confréries dont le recrutement et le
rituel sont secrets. Pour des raisons doctrinales et historiques, les Alevî se
rattachent au chîisme duodécimain (à travers le cinquième iman, Dja'far al-
sàdiq), et à Haci Bektas Veli (1248-1337 ?), fondateur de l'ordre des Bektachî
(dont la généalogie mythique remonte aussi au cinquième iman).
748 A. GOKALP UNE MINORITE CHIITE
En guise de repères historiques, on peut considérer avec Claude Cahen que
« l'intrusion massive du chîisme en Anatolie est un phénomène tardif, en gros
contemporain de la conquête ottomane, bien que sans rapport direct avec elle ».
Ce mouvement est précédé de « formes plus subreptices de propagation, qui elles-
mêmes ne doivent pas être considérées comme antérieures au xine siècle, souvent
au xive » К La géographie de l'alevisme reflète ce passé : cette minorité religieuse
est particulièrement dense à l'intérieur de la zone comprise entre le fleuve
Kizilirmak (Halys) et l'Euphrate, s'étendant vers l'est. Dans l'ouest, ce sont les
provinces de Bahkesir (Bithynie/Karesi) et de l'arrière-pays égéen qui comptent
les communautés les plus nombreuses : celles-ci sont issues d'anciens groupes
tribaux turkmènes sédentarisés progressivement à partir du xvnie siècle jusqu'à la
période contemporaine.
De nombreuses données relatives à l'histoire des religions et à l'islamologie
existent pour situer la place du bektachisme et de la tradition chiite dans la galaxie
d'ordres et de sectes qui gravitent dans la mouvance de la Révélation divine à
Mahomet. Notre propos se situera dans une perspective différente, privilégiant
l'analyse des mécanismes sociologiques et des facteurs historiques dont les
agencements particuliers ont pu structurer l'idéologie des Alevî en Turquie.
Comment caractériser les principes récurrents et la dynamique constituante de
cette hétérodoxie ? Quels sont les cadres sociaux et les dimensions sociologiques
des confréries lignagères au sein desquelles s'organisent les Alevî ? Comment se
situe l'alevisme dans le processus de laïcisation et d'émergence de l'identité
nationale de la société turque ? Tels sont les axes autour desquels s'organiseront
les données relatives à ce mouvement socio-religieux hétérodoxe au sein de
l'Islam turc.
Fondements doctrinaux et dynamique constituante
de l'alevisme
Le sens commun anatolien voit dans les différentes réalisations d'une voie
chiite de l'islam plus qu'une hétérodoxie. En effet, c'est d'une hérésie qu'il s'agit,
aux yeux de ceux pour qui un Alevî, un « Tête-Rouge », ne saurait être considéré
comme musulman s'il ne se convertit d'abord au judaïsme, puis au christianisme
et enfin à l'islam sunnite. Cet oecuménisme de dérision dont on veut imposer les
fourches caudines à ceux qui, dans leur diversité, tentent de revivre la Passion
d'Ali et celle de la maisonnée du Prophète peut étonner. Il est à la mesure de ce
qui sépare l'orthodoxie sunnite et la Loi religieuse (charia), de l'expérience
immédiate de l'essence d'un Dieu-Réalité (Hakikat), terme du parcours de la voie
alevî.
a. Une dualité fondamentale
A la base de la doctrine religieuse des Alevî et dans toutes les manifestations
du culte, du rituel et du Panthéon réside une dualité fondamentale : en toute chose
ou être, matériel ou immatériel, s'incarnent deux aspects : un sens exotérique
(zàhir), l'apparence, qui coexiste avec un sens ésotérique (bàtin), le sens caché que
les Turcs appellent la face interne (iç yuzu). Cette référence au sens caché
impliquant une connaissance conquise et non révélée, elle est perçue en soi
749 FORMES DU SOCIAL LES
comme un scandale ; réaction classique que suscitent d'autres gnoses et hérésies
dualistes.
Pour justifier leur démarche, les Alevî disent « l'apparent et le caché
entretiennent les mêmes rapports que l'amande et sa coque : celui qui trouve une
amande n'attache pas d'importance à sa coque ». De même, ils attribuent la
sentence suivante à Mahomet : « Je suis la Cité de la Connaissance et Ali en est la
porte 2. » Le problème de la nature et du sens du Coran est au cœur de cette
démarche interprétative. Contrairement à la doctrine sunnite, le Coran n'est pas la
parole de Dieu mais celle du Prophète ; si Dieu est incréé, le ne l'est pas :
« Si le Coran était incréé, les prophètes, les saints, les croyants et les mécréants qui
sont évoqués dans le texte sacré devraient l'être aussi », affirme-t-on dans
Hiisniye, un des livres de références doctrinales, toujours en usage, des Alevî.
Dans le prolongement de la représentation d'Ali c

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