Singapour (1819-1986) : émergence de la ville moderne et mythe rural - article ; n°1 ; vol.36, pg 227-270
45 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Singapour (1819-1986) : émergence de la ville moderne et mythe rural - article ; n°1 ; vol.36, pg 227-270

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
45 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Archipel - Année 1988 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 227-270
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Charles Goldblum
Singapour (1819-1986) : émergence de la ville moderne et
mythe rural
In: Archipel. Volume 36, 1988. pp. 227-270.
Citer ce document / Cite this document :
Goldblum Charles. Singapour (1819-1986) : émergence de la ville moderne et mythe rural. In: Archipel. Volume 36, 1988. pp.
227-270.
doi : 10.3406/arch.1988.2457
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1988_num_36_1_2457Charles GOLDBLUM
Singapour (1819-1986) : émergence
de la ville moderne et mythe rural
De toutes les métropoles du Sud-Est asiatique, Singapour est incontes
tablement celle qui présente l'image la plus accomplie d'un modernisme
assumé. S'étendant à la quasi-totalité de son espace bâti, les formes urbai
nes - centres internationaux d'affaires, complexes touristiques et commerc
iaux, «villes nouvelles» et zones industrielles - semblent faire écho au
rayonnement économique international de cette petite Cité-Etat d'à peine
plus de 2 millions et demi d'habitants.
Ville totale (Global City) comme les dirigeants singapouriens aiment à
la désigner (Rajaratnam 1977), elle affirme sa modernité dans la double
dimension d'un urbanisme généralisé à l'ensemble du territoire (un peu plus
de 600 km2, îlets compris) et du répertoire résolument contemporain de
ses formes architecturales. Rien ne vient ici évoquer les contrastes accu
sés entre «villages urbains» et ville verticale que manifestent des capitales
voisines telles que Jakarta ou Bangkok, rien du conglomérat de villages,
kampung ou compounds, évocateur d'une tradition urbaine sud-est asiati
que de la ville végétale.
Pourtant, si le monde rural n'a jamais occupé une position prépondé
rante à Singapour - trait que la Cité-Etat partage avec les comptoirs colo
niaux britanniques dont elle est issue, mais aussi bien avec les anciennes
cités marchandes asiatiques du monde insulindien : Banten, Aceh (Lom
bard 1970, Reid 1979) - , ceci ne signifie pas pour autant que les formes
rurales (qu'elles fussent ou non associées à une économie agricole) aient
jamais été totalement exclues de l'île. Or, ces formes entrent en résonance
avec des représentations de la nature et de la «campagne» qui, forgées à 228
partir de la ville, jalonnent les étapes de la formation urbaine moderne de
Singapour. Ces images d'une campagne réinventée, recomposée sont elles-
mêmes révélatrices - en positif ou en négatif - des idéalités urbaines que
l'espace singapourien condense et qui trouvent leur illustration dans la
récurrence du thème de la cité-jardin (garden-city); elles éclairent ainsi l'évo
lution, voire les bouleversements radicaux, des agencements spatiaux dont
Singapour a fait l'objet au cours de sa brève histoire moderne.
Domestication de la nature et idéalités de la ville pionnière (1819-1823)
En 1819 Thomas Stamford Raffles, Lieutenant-Gouverneur de Bencoo-
len, prend officiellement possession de l'île de Singapour au nom de la Comp
agnie britannique des Indes Orientales (East India Company - E.I.C.),
à la faveur d'une transaction politico-commerciale; de l'ancienne et flori
ssante cité marchande des XHIème-XIVème siècles établie en ces lieux -
Tumasik - ne restent alors plus que quelques vestiges dont les tombeaux
des anciens rois et le récit légendaire de la «Cité du Lion». Seuls quelques
groupements de populations «indigènes» établis autour de la demeure du
Temenggong (dignitaire malais) et la présence d'une vingtaine de planteurs
chinois venaient extraire l'embouchure de la rivière de Singapour (Singa
pore River) - siège du futur comptoir - de son environnement de jungle.
C'est pourtant ce lieu sauvage (wilderness), hanté par les pirates et les fan
tômes des anciens rois qu'il conviendra, selon Raffles, de ramener à la civi
lisation par le commerce et à la raison par la ville (Wurtzburg 1954, Buckl
ey 1902).
La création de Singapour comme port-franc s'inscrit, régionalement,
dans un réseau de comptoirs portuaires inauguré par la création de l'ét
ablissement (Settlement) de Penang (Prince of Wales Island) en 1786 et comp
lété par l'annexion de Malacca en 1824, ainsi que par des adjonctions nouv
elles (Province Wellesley, Dindings...) avec pour enjeu le contrôle du détroit
de Malacca; ce réseau de «points forts», destiné à contrecarrer les intérêts
hollandais dominants dans la région depuis environ deux siècles, formera
avec Singapour les Etablissements du Détroit de Malacca (Straits Settle
ments), bases de déploiement économique en direction de la Chine et du
Japon, mais aussi, ultérieurement, jalons de l'expansion territoriale britan
nique en Asie du Sud-Est (Sarawak, péninsule malaise, Birmanie).
Aussi l'implantation britannique à Singapour est-elle d'emblée conçue
dans une forme urbaine, conjuguant les activités portuaires et commercial
es. Une qui exclut, par conséquent, les villages «indigènes», jugés
inaptes à intégrer, physiquement et «culturellement», la société marchande
appelée à se développer.
Dès sa version initiale, esquissée par Raffles lors de son second séjour
dans l'île (mai-juin 1819), l'agencement urbain devait adopter la configura- 229
tion d'un long rectangle situé entre le littoral et les collines, quadrillé par
un réseau de voies parallèles et perpendiculaires au rivage selon le prin
cipe du plan en damier adopté par les conquérants espagnols aux Philippi
nes - en vertu de la Loi des Indes - et repris par Sir Francis Light à Geor
getown (Penang); en outre, les divers groupes ethniques se voyaient affec
ter chacun une localisation particulière, à l'instar de la division socio-spatiale
des cités marchandes asiatiques (telle la Malacca du XVème siècle), l'accent
étant mis toutefois sur l'espace «européen» (European Town) et sur Taire
centrale réservée aux édifices publics et à l'armée M.
Cependant, ces principes, stipulés dans les instructions laissées par Raff
les au Résident britannique, le Major Farquhar, se sont trouvés mis en
cause par le peuplement rapide du comptoir (plus de 5 000 habitants en
1821, dont déjà environ un millier de Chinois), lui-même consécutif au suc
cès commercial de l'Etablissement; sa position privilégiée au sein d'un
réseau d'échanges préexistant (Riau, Malacca, Penang, Manille, Batavia...)
et sa politique de franchise lui permettent en effet de drainer une partie
importante du commerce européen et asiatique.
Le constat de cette situation amène Raffles, lors de sa troisième et der
nière visite dans l'île (1822-1823), à reformuler et à préciser son projet
urbain en le radicalisant. A la manière des utopies urbaines du XIXème
siècle occidental, ce projet élabore une vision totale de l'organisation physi
que et sociale de l'espace : la classification sociale et la hiérarchie des voies
s'articulent autour d'un centre ordonnateur, à savoir l'aire réservée à l'admi
nistration coloniale sur la rive nord de Singapore River. C'est à partir de
celui-ci et du pôle commercial qui lui fait face sur l'autre rive que s'organi
sent, dans l'espace, les différenciations sociales selon les lignes de clivage
ethnique et la nature des activités : «Une séparation doit être établie entre
les classes engagées dans le négoce et celles vivant de l'artisanat et de leur
propre travail...».
Aussi, bien que le maintien des principes de répartition ethnique et de
tracé des voies inscrive la démarche urbaine de Raffles dans une certaine
continuité historique, celle-ci manifeste toutefois sa singularité par la codi
fication a priori des formes d'occupation de l'espace, par son inscription
précise dans le texte - et ultérieurement dans le plan (Fig. 1A) - avant
même la matérialisation de la ville sur le terrain. La réglementation de la
construction établie par Raffles et son Town Committee joue, de ce point
de vue, un rôle primordial. Celle-ci stipule, en effet, que les édifices (à usage
résidentiel et commercial) de la zone urbaine devront désormais être cons
truits en maçonnerie (briques et tuiles) et disposés en ordre continu le long
de voies rectilignes se croisant à angle droit; ces constructions - dont
l'e

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents