Sur l évolution récente du statut du juge de l Administration au Sénégal et en Côte d Ivoire
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Sur l'évolution récente du statut du juge de l'Administration au Sénégal et en Côte d'Ivoire

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Publié le 29 janvier 2016
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Langue Français

Extrait

SUR L’EVOLUTION RECENTE DU STATUT DU JUGE DE L’ADMINISTRATION AU SENEGAL ETEN COTE D’IVOIRE
 TRA Bi Tra Bienvenu Eric
Doctorant en Droit Public et Sciences Politiques, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan, Côte d’Ivoire. Email : erictrabi78@yahoo.fr
SOMMAIRE………………………………………………………………………………...p.1
INTRODUCTION……………………………………………………………………….......p.2
I. UNE RENOVATION QUALITATIVE……………………………………………….......p.3
A. LA MIXITE EXPERIMENTEE AU SENEGAL………………………………………...p.4
B. LA DUALITE ANNONCEE EN COTE D’IVOIRE…………………………………….p.10
II. UNE EVOLUTION AVORTEE………………………………………………………...p.13
A. L’ABANDON DE LA MIXITE AU SENEGAL………………………………………..p.14
B. L’IMPASSE DE LA DUALITE EN COTE D’IVOIRE…………………………………p.17
CONCLUSION……………………………………………………………………………p.18
1
INTRODUCTION
 Le Sénégalet la Côte d’Ivoire, au contraire de beaucoup d’autres Etats nouveaux issus 1 de la colonisation française, et à la manière du Maroc, ont choisi l’unité dejuridiction . Soulignant la convergence des choix opérés par le Sénégal etla Côte d’Ivoire, madame Viviane-Patricia Akoua AMBEU rappelle : « La réforme du contentieux administratif français a eu un écho favorable dans les anciennes colonies. Ainsi, certains nouveaux Etats francophones dont le Gabon, le Tchad, la Centrafriqueet le Togo s’inscrivent dans la mouvance. Ils créent sur leurs territoires, souvent sous des appellations différentes, de réelles juridictions administratives (…). Néanmoins, d’autres Etats dont le Sénégal et la Côte d’Ivoire prirent une autre direction. Comme nous le verrons (…) ceux-ci, pour des raisons qui sont les 2 leurs, optent pour une réorganisation de leur système juridictionnel». Cette réorganisation s’est opérée dans le sens de la simplification du statut du juge de l’Administration.
3  On rappellera simplement que ce choix tient compte des réalités nationales . En effet, la pénurie des moyens matériels et humains est la raison essentiellement avancée pour justifier 4 sinon légitimer cette organisation juridictionnelle de type unitaire et pyramidal .
Si cette raison temporaire était à la base de l’option en faveur de l’unité de juridiction, cette option ne pouvait alors raisonnablement être que provisoire. Or, le provisoire devait 5 perdurer et devenir une constante des systèmes juridictionnels sénégalais et ivoirien.
Le système adopté, aussi séduisant soit-il, par sa simplicité, par la modicité des 6 moyens que suppose sa mise en œuvre, par l’accès facile qu’il offre aux plaideurs,n’a pas toujours donné les satisfactions attendues.
Autrement dit, l’unité de juridiction, telle qu’organisée, n’a pas toujours répondu aux 7 attentes de la doctrine et des justiciables .
Cette circonstance a fait naître une volonté de changement et par suite, le changement lui-même. Ce changement s’esttraduit, dans les deux pays, par le renouvellement qualitatif du statut dujuge de l’Administration à travers le passage de la simplicité à une certaine complexité.
1 Voir Pierre LAMPUE, La justice administrative dans les Etats d’Afrique francophone, Revue Juridique et Politique, Indépendance et Coopération, 1965, pp. 3 et s. 2  Viviane-Patricia Akoua AMBEU, La fonction administrative contentieuse en Côte d’Ivoire, Thèse, Lyon 3, 2011, p. 67. 3 Martin Djézou BLEOU, Unité de juridiction et contentieux administratif : les exemples ivoirien et sénégalais, Annales de l’Université d’Abidjan, Série A, Tome X, 1995, p. 130.4  El Hadj MBODJ, Les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux administratif sénégalais,Revue de l’Association Sénégalaise de Droit Pénal, juillet-décembre 1995, p. 16. 5 Ibidem, p. 17. 6 Alain BOCKEL, Le juge et l’Administration en Afrique noire francophone, Annales Africaines, 1971-1972, p. 15. 7 Alain BOCKEL, Sur la difficile gestation d’un droit administratif sénégalais, Annales Africaines, 1973, pp.137 et s.
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Dans quel sens s’est opérée cette rénovationqualitative du statut du juged’abord au Sénégal et ensuite en Côte d’Ivoire? Quel a été ledegré d’effectivité etde pérennité de cette évolution récente vers la complexité ?
C’est à quoi on s’attachera à répondre en détachant les deux momentsde la démonstration. Pour ce faire, on envisagera, dans un premier temps, les différentes tendances de cette rénovation qualitative avant des’intéresser, dans un second temps,à l’évolution avortée du statut du juge de l’Administration, au regard de la réalité persistante du monisme.
I- UNE RENOVATION QUALITATIVE  Le Sénégal a entreprisune réforme d’ensemble des institutions judiciaires suite à 8 l’adoption d’une loi constitutionnelle et de trois lois organiques promulguée.s le 30 mai 1992
Cette réforme s’inscrit dans le cadregénéralde l’amélioration du service publicde la justice etde la consolidation de l’Etat de droit.nouvelle structuration La de l’organisation juridictionnelle repose essentiellement sur la créationd’un Conseil d’Etat et d’une Cour de cassation.
 Ce volet organisationnel pourrait apparaître comme une réponse à certaines critiques de la doctrine administrative. Une évolution similaire, dans le sens de la spécialisation, est perceptible en Côte d’Ivoireau regard des textes.
 En effet, suite à l’institutiond’un Conseil d’Etat, d’uneCour de cassation et à la consécration du principe de la création de tribunaux administratifs et judiciaires,d’abord par9 er 10 la loi constitutionnelle du 2 juillet 1998 , ensuite par la Constitution du 1 août 2000 , l’organisation juridictionnelle ivoiriennes’oriente vers le modèlede la dualité de français juridictions.
 Au regard des observations qui précèdent, cette étude envisagera la rénovation du statut du juge de l’Administration dans le sens dela mixité expérimentée au Sénégal et de la dualité annoncée, consacréeen Côte d’Ivoire.
8 Loi n° 92-22 du 30 mai 1992 portant révision de la Constitution ; Loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992 relative au Conseil Constitutionnel ; Loi organique n° 92-24 du 30 mai 1992 relative au Conseil d’Etat; Loi organique n° er 92-25 du 30 mai 1992 relative à la Cour de cassation, JORS, n°5469 du 1 juin 1992, pp. 238 et s. 9  Articles 41 et 62 nouveaux de la Constitution du 3 novembre 1960, loi n° 98-387 du 2 juillet 1998 portant révision constitutionnelle, JORCI, 16 juillet 1998, p. 694. 10 er Articles 71 et 102 combinés de la loi n°2000-513 du 1 août 2000 portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, JORCI, 3 août 2000, p. 1.
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A- LA MIXITE EXPERIMENTEE AU SENEGAL
La création du Conseil d’Etat opère une transformation en profondeur du système juridictionnel de droit administratif. Ce modèle d’unité organique à la base et de spécialisation 11 au sommet correspond en réalité à un modèle inachevé de dualité .
 La spécialisation est la trame de la réforme judiciaire de 1992. Elle semble être une préoccupation constante du législateur sénégalais pour qui, l’unification au sommet répondait 12 en 1960 à une situation qui a largement évolué depuis cette date .
Cette réforme a eu des incidences sur l’organisation juridictionnelle dans la mesure où elle introduit une spécialisation au sommet, avec la création du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, tout en maintenant le statu quo à la base.
La naturede cette organisation juridictionnelle ne laisse pas d’interroger, en raison des particularitésqu’elle présente.
Le regard porté sur les spécificités de cette structuration juridictionnelle nous amène à constater que le Sénégal estpassé d’un système d’unité de juridiction à dualité du contentieux 13 à un système d’unité à la base et de spécialisation au sommet. Ce système nouveau renvoie 14 l’imaged’un système hybride, à mi-chemin entre l’unité et la dualité. De par cette caractéristique originale, il convient de le regarder comme étant un système mixte, d’une mixité à dominance moniste.
Du point de vue de la répartition des compétences entre les juridictions ordinaires et la juridiction spécialisée, ce système se déchiffre en ces termes : à la base, le tribunal régional disposed’une compétence de droit commun en toutes matières, en première instance, conformément à l’article 3 de la loi n°84-19 du 2 février 1984 relative à l’organisation judiciaire 15 du Sénégal ; ses décisions peuvent être attaquéesdevant la Cour d’appel ; au sommet, le Conseil d’Etat a une compétence d’attributionen matière administrative.
Il convient à présent, après avoir appréhendé succinctement les incidences de la réforme judiciaire de 1992 sur la nature du système sénégalais, de présenter sommairement l’organisation, les attributionset la production juridictionnelle du Conseil d’Etat ainsi que les progrès qualitatifs induits par sa création tant au plan de la jurisprudencequ’auplan des textes.
11 Papa Mamour SY, Entre l’unité et la dualité de juridictions: l’Afrique noire francophone à la quête d’un modèle d’organisation de la justice administrative, Nouvelles Annales Africaines, n°2/2011, p. 303. 12  El Hadj MBODJ, Les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux administratif sénégalais, op.cit, p. 20. 13 Demba SY, L’évolution du droit administratif sénégalais, Editions Juridiques Africaines, n° 67, trimestre octobre-novembre-décembre 2005, p. 65. 14 Ibidem. 15  Loi n°84-19 du 2 février 1984 portant organisation judiciaire de la République du Sénégal, JORS, 3 mars 1984, p. 124.
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Les formations du Conseil d’Etat sontles sections réunies, les sections et l’Assemblée 16 générale consultative .
er Suivant l’article 1de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996, le Conseil d’Etat est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités exécutives, ainsi que de la légalité des actes des collectivités locales. Par ailleurs, il est compétent pour juger les contentieux des élections aux conseils régionaux, municipaux et ruraux ainsi que les 17 contentieux relatifs aux inscriptions sur les listes électorales .
Enfin, il connaît par la voie du recours en cassation, des décisions de la Cour des comptes, des décisions rendues en dernier ressort, par les organismes administratifs à caractère juridictionnel, des décisions des cours et tribunaux relatives aux autres contentieux administratifs à l’exception de ceux que la loi organique attribue expressément à la Cour de 18 cassation .
Relativement à ce dernier chef de compétence, leschoses n’étaient pas apparues au départ avec netteté. A la lecture de la loi de 1992, les recours en cassation en matière administrative relevaient de la compétence de la Cour de cassation. Ce qui semblait incohérent. C’est ainsi quecette loi était critiquée par la doctrine sénégalaise dans la mesure où elle procédait à une dispersion maladroite du contentieux aboutissant à une spécialisation 19 imparfaite sans logique apparente .
La réforme était inachevée voire imparfaite. Le constituant sénégalais a tenu compte 20 de ces critiques. Ainsi, par la loi constitutionnelle n°94-55 du 13 juin 1994 , il a transféré cette compétence au Conseil d’Etat.
En effet, un additif apporté à l’alinéa 2 de l’article 82 de la loi fondamentale sénégalaise confère désormais compétence au Conseil d’Etat pour connaître, par la voie du recours en cassation, des décisions des cours et tribunaux relatives aux autres contentieux administratifs à l’exception de ceux que la loi organique a attribué expressément à la Cour de cassation.
Une unification au sommet du contentieux administratif a été opérée par le constituant sénégalais, avec lareconnaissance au Conseil d’Etat d’un pôle de compétence en matière administrative. Cette compétence lui permet d’harmoniser dorénavant la jurisprudence 21 administrative des cours et tribunaux placés sous la juridiction de la Cour de cassation .
er Il a été suivi deux ans plus tard par le législateur notamment au regard de l’article 1de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 précitée.
16  Article 10 de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 abrogeant la loi n°92-24 du 30 mai 1992 relative au Conseil d’Etat, JORS, 18 janvier 1997, p. 57.17 Articles 11 et 12 combinés de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 relative au Conseil d’Etat précitée. 18 er Article 1 de la organique n°96-30 du 21 octobre 1996 relative au Conseil d’Etat précitée.19  El Hadj MBODJ, Les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux administratif sénégalais, op.cit, p. 27. Voir également Demba SY, L’évolution du droit administratif sénégalais, op.cit, p. 66. 20 JORS du 6 août 1994, p. 333. 21 El Hadj M’BODJ, op. cit, loc.cit.
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Il est loisible de rappeler, au passage,que le Conseil d’Etat était à l’origine compétent pour contrôler les comptes des comptables publics. Plus tard, cette attribution lui sera retirée à la faveur de la création de la Cour des comptes par la loi n° 99-10 du 17 février 1999.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat, réuni en Assemblée générale consultative, donne au Gouvernement un avis motivé sur les projets de loi et projets de décret soumis à son examen 22 par le Premier Ministre .
 Ilconvient d’indiquer qu’ilexiste une clé de répartition interne des compétences entre les formations du Conseil d’Etat, principalement entre les sections réunies et les sections. A cet égard, les sections réunies sont compétentes pour connaître des recours en cassation contre les décisions de la Cour des comptes et des organismes administratifs à caractère juridictionnel, pour juger les contentieux des élections aux conseils régionaux, municipaux et ruraux ainsi que les demandes en rabat d’arrêt et les recours en cassation visés à l’article 48 de la loiorganique 23 précitée .
En revanche, les sections sont compétentes pour connaître des recours en annulation pour excès de pouvoir, du contrôle de la légalité des actes des collectivités locales, des contentieux relatifs aux inscriptions sur les listes électorales, des recours en cassation contre les décisions des cours ettribunaux relatifs aux autres contentieux administratifs à l’exception 24 de ceux que la loi organique attribue expressément à la Cour de cassation .
La création du Conseil d’Etat a été accompagnée ou suivie de réformes importantes au niveau des textes. Le législateur, par la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 sus-indiquée, a apporté certaines innovations majeures : extension des compétences du Conseil d’Etat en cassation en matière administrative et au contrôle de la légalité des actes des collectivités locales, création des fonctions de commissaire du droit qui joue le même rôle que le commissaire du Gouvernement en France, suppression du ministère d’avocat etinstitution 25 d’une.procédure de régularisation des requêtes
 En 1999, avec la création de la Cour des comptes, on note la suppression de la spécialité des sections avec la disparition de la section des comptes du Conseil d’Etat, l’assouplissement des conditions du sursis à exécution: désormais un préjudice difficilement 26 réparable en lieu et place de la condition restrictive du préjudice irréparable .
Cette réforme des conditions mêmes d’octroi du sursis introduit plus de souplesse dans 27 l’appréciation des circonstances propres à justifier une suspension de l’acte administratif.
22 Article 3 de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 relative au Conseil d’Etat précitée.23 Article 11 de la loi organique du 21 octobre 1996. 24 Article 12 de la loi organique précitée. 25 Sur tous ces points, voir Demba SY, L’évolution du droit administratif sénégalais, op. cit, loc.cit.26  Sur ce point précis voir, Alioune SALL, Le sursis à exécution des décisions administratives dans la jurisprudence sénégalaise, Revue Juridique et Politique, Indépendance et Coopération, n°4, octobre-décembre 2005, p. 502. 27 Alioune SALL, Le sursis à exécution des décisions administratives dans la jurisprudence sénégalaise, op.cit, loc.cit.
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 Lelégislateur sénégalais a voulu ainsi donner au Conseil d’Etat les moyens d’assurer 28 un contrôle efficace de l’action administrative et une meilleurerégulation de la jurisprudence . La suppression de la Cour Suprême et la création du Conseil d’Etats’expliquent par un souci de spécialisation certes, mais surtout par la recherched’une plus grande efficacité.
Il n’est donc pas déraisonnable de penser que l’amélioration de la situation des citoyens face à l’Administration constitue une préoccupation majeure pour le législateur 29 sénégalais depuis la mise en place de la juridiction spécialisée. L’étude de la jurisprudence de la Haute Juridiction peut être le moyen d’évaluer les résultats de cette politique des pouvoirs 30 publics, de la juger sur le terrain concret de la réalité judiciaire, le seul qui vaille en définitive .
Le Conseil d’Etat sénégalais est devenu fonctionnel en 1993. A la faveur de cette réforme juridictionnelle, on a noté au Sénégal, des progrès importants dans le contrôle de la 31 légalité des actes administratifs et dans la protection des droits des particuliers .
C’est surtout dans la motivation des actes administratifs que les avancées les plus nettes se sont fait sentir. Pendant longtemps, le jugene pouvait obliger l’Administration à faire 32 connaître les motifs de sa décision. Le Conseil d’Etat a désormais étendu le champ de l’obligation de motiver en exigeant sans qu’un texte le prévoie, la motivation d’une décision 33 34 enlevant à une personne son statut de réfugié ,d’une décision de sanct, ouion disciplinaire 35 de refus d’autorisation d’une marche.
Il s’agit de décisions défavorables ou négatives, ce qui constitue un progrès 36 considérable surtout que l’on sait en France, on a dû recourir au législateur en cette matière.
Aussi, le Conseild’Etat sénégalais at-il remis en cause la tendance jurisprudentielle fâcheuse de la Cour Suprême du Sénégal qui consistait à sacraliser la notion d’ordre public, en lui donnant une portée beaucoup plus large que celle qu’on lui reconnaît habituellement, dans 37 le système juridique français d’où elle est issue. Le Conseil d’Etat, en infirmant cette jurisprudence relative au pouvoir d’appréciation des autorités administratives en matière d’expulsion des étrangers, entend désormais amener la puissance publique à davantage de rigueur et de discernement dans l’utilisation de la notion 38 d’ordre public.
28 Demba SY,L’évolution du droit administratif sénégalais, op.cit, loc.cit. 29 Alioune SALL, op.cit, loc.cit. 30 Ibidem. 31 Papa Mamour SY, Quelques remarques sur l’institution du recours pour excès de pouvoir depuis la création du Conseil d’Etat au Sénégal, Editions Juridiques Africaines, n°53, avril-mai-juin 2002, p. 57. 32 Demba SY, op.cit, loc.cit. 33 CE, 27 octobre 1993, Seydou Mamadou DIARRA, Bull. n°1, p. 19. 34 CE, 27 avril 1994, Ousmane Kane KAMARA et autres, Bull. n°1, p. 64. 35 CE, 25 novembre 1999, LD/MPT, Bull. n°2, p. 26. 36 Demba SY, op.cit, p. 67. 37 Alioune Badara FALL, Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique, Revue électronique Afrilex, n°3, juin 2003, p. 35. 38 Ibidem.
7
Cette posture jurisprudentielle devrait montrer la voie à suivre aux juridictions africaines qui persistent encore aujourd’hui, à reconnaître comme légales des mesures administratives manifestement restrictives des libertés, au nom de l’ordre et de la sécurité publics, bien au-delà des limites qui doivent impérativement circonscrire cette notion dans le 39 cadre du contrôle du juge . Cette tendance apparaît comme l’amorce d’une évolution jurisprudentielle allant dans le sens d’un renforcement de la protection des droits et libertés fondamentaux, ce qui, du reste, 40 a été salué par la doctrine .
Le Conseil d’Etatveille, enfin, à ce que les pouvoirsde l’Administration ne soient ni excessifs ni arbitraires. Sur ce point, il a accompli des progrès notables dans le contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’Administration en vue de faire respecter la légalité mais aussi de protéger les droits et libertés des citoyens.
Désormais, le Conseil d’Etat contrôle l’erreur manifeste d’appréciation alors que la Cour Suprême du Sénégal, en trente-deux années d’existence, avait toujours refusé de l’intégrer41 dans la panoplie de ses techniques de contrôle . Il va mêmejusqu’à contrôler la proportionnalité entre la faute et la sanction dans le contentieux disciplinaire de la fonction 42 publique .
Au total, le Conseil d’Etatdu Sénégala orienté sa jurisprudence dans le sens d’une plus grande protection des libertés contrairement à la Cour Suprême qui était plutôt le défenseur 43 de l’Administration.
Nonobstant cette spécialisationau sommet, l’organisation juridictionnelle de type unitaire repose toujours sur une unité organique à la base. Au Sénégal, l’année 1984 couronne la première phase de la réforme judiciaire qui correspond au montage institutionnel enclenché 44 par l’ordonnance du 14 novembreLa loi n° 84-19 du 2 février 1984 abrogeant et1960 . remplaçant l’ordonnance relative àla machine judiciaire du Sénégal, substitue aux justices de 45 paix et aux tribunaux de première instance, les tribunaux régionaux et départementaux .
39 Alioune Badara FALL, Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique, op.cit, loc.cit. 40 Ndèye Madjiguène DIAGNE, Les méthodes et les techniques du juge en droit administratif sénégalais, Thèse, UCAD, 1995, p. 411. 41 CE, 27 octobre 1993, Comité International de la Croix-Rouge, Editions Juridiques Africaines, n°41, pp. 41-42 ; Papa Mamour SY, Le Conseil d’Etat sénégalais et le contrôle del’erreur manifeste d’appréciation, Editions Juridiques Africaines, n°41, avril-mai-juin 1999, p. 19. 42 CE, 26 avril 1995, Cheikh Tidiane MBENGUE ; 30 août 1995, Senghane NDIAYE, Bull. n°1, p. 102. 43 Demba SY,L’évolution du droit administratif sénégalais, op.cit, loc.cit. 44 El Hadj M’BODJ, les incidences de la réforme judiciaire du 30 mai 1992 sur le contentieux administratif sénégalais, op.cit, p. 17. 45 Loi n°84-19 du 2 février 1984 portant organisation judiciaire de la République du Sénégal, J.O. du 3 mars 1984, p. 124.
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 Au centre de la charpente juridictionnelle moniste, se trouve donc le tribunal régional. L’article 3 de la loi du 2 février 1984 énumère les matières qui relèvent des attributions du juge régional, juge de droit commun en toutes matières.
C’est dire qu’à la base du système, le juge ordinaire ou le même juge reste juge de droit commun en matière administrative comme dans d’autres matières, au premier et au second degré.
Au sommet, le Conseil d’Etat intervient comme juge d’attribution dans des matières limitativement énumérées. Les lignes qui précèdent nous autorisent à inférer que le système sénégalais ne répond ni au critère de l’unitéde juridiction ni à celui de la dualité de juridictions.
Ce système porte, en germe, deux types d’éléments: d’un côté, les éléments qui ressortissent au monisme juridictionnel,et de l’autre, les éléments qui participent du dualisme juridictionnel.
Il en résulte que le système sénégalais présente une structure pyramidale et un caractère mi-moniste, mi-dualiste.
Mais, ces deux caractéristiques n’occupent pas la même place dans cettenouvelle armature juridictionnelle. Les développements précédents permettentd’établirque le monisme l’emporte sur le dualisme.
Ce qui nous autorise naturellement à conclure, comme précédemment indiqué, que le système juridictionnel sénégalais est mixte,d’une mixité à dominance moniste.A l’instar du système sénégalais, le système juridictionnel ivoirien a connu une rénovation qualitative dans le sens de la dualité annoncée et consacrée par la Constitution.
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B-LA DUALITE ANNONCEE EN COTE D’IVOIRE
46 L’évolution qui s’est dessinée avec laloi constitutionnelle du 2 juillet 1998 et qui a er 47 été reconduite par le Constitution du 1 août 2000 oriente résolumentla Côte d’Ivoirevers 48 un renouveau de l’organisationjuridictionnelle. Voulu par le constituant, le renouvellement qualitatif du système juridictionnel ivoirien a été consacré par la loi fondamentale dans le sens du dualisme.
49 Ce systèmeest hérité du modèle français d’organisation juridictionnelle. En Côte d’Ivoire, la reproduction de ce modèle repose, à ce jour, sur l’institution d’un Conseil d’Etat et d’une Cour de cassation d’une part, et l’affirmationdu principe de la création des tribunaux administratifs et judiciaires d’autre part.Ces institutions ont été transposées en Côte d’Ivoire par l’effet de réformes constitutionnelles successives.
En fait, les juridictions suprêmes de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ne sont pas des institutions inconnues de l’ordonnancementjuridique ivoirien. Elles avaient été déjà prévues par la réforme constitutionnelle du 2 juillet 1998.
L’article 62 nouveau de la loi n° 98-387 du 2 juillet 1998 portant révision de la Constitution prévoyait : « Les juridictions suprêmes sont : la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes».
Cependant, ces Hautes Juridictions prévues n’auront jamais fonctionné en réalité, er faute de lois organiques.A la faveur de l’adoption dela Constitution du 1 août 2000, elles font leur réapparition dans le paysage juridictionnel ivoirien.
50 En effet, dans le souci dit-on de contribuer au renforcement du système judiciaire , er la Constitution du 1 août 2000 a fait éclater la Cour Suprême en plusieurs juridictions suprêmes.
46  Loi n° 98-387 du 2 juillet 1998 portant révision constitutionnelle précitée. 47 er  Loi n°2000-513 du 1 août 2000 portant Constitutionde la République de Côte d’Ivoire précitée. 48  Expression empruntée au Professeur Pierre-Claver KOBO, cité par Karim DOSSO dans la Thèse: L’influence du droit administratif français sur le droit administratif ivoirien, op.cit, p. 187. 49 Le système dualiste français est à trois degrés de juridictions : En première instance, on trouve les tribunaux administratifs, au deuxième degré les cinq cours administratives d’appel créées par la loide 1987, et au plus haut degré,le Conseil d’Etat. Celui-ci exerce uncontrôle de cassation qui doit être précédé d’une procédure préalable d’admission. Dans certains domaines, le Conseil d’Etat agit également comme juge de premier et de dernier ressort ou comme juge d’appel. Sur ces points voir: Fabrice MELLERAY : Essai sur la structure du contentieux administratif français, LGDJ, Paris, 2001, pp.18 et s.; Jacques VIGUIER : Le contentieux administratif, Dalloz, ème Paris, 2 édition, 2005 ; Olivier GOHIN : Contentieux administratif, Litec, Paris, 2009. Le système gabonais est celui qui est le plus proche du système français contrairement au système burkinabè de la dualité de juridictions qui comporte deux degrés de juridictions (avec deux juges de cassation institués par la loi n° 15-2000/AN du 23 mai 2000 portant création duConseil d’Etat burkinabè).50 Communiqué du Conseil des Ministres du 11 février 2011, in Fraternité Matin du 14 février 2001.
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Aux termes de l’article 102 de cette Constitution, « la justice est rendue sur toute l’étendue du territoire national au nom du peuple pardes juridictions suprêmes : Cour de 51 cassation, Conseil d’Etat, Cour des comptes, et par des Cours d’appel et des tribunaux». Cette réformes’inscrit donc dans la continuité de la réformeentamée par la révision constitutionnelle du 2 juillet 1998.
S’agissant, en particulier, des attributions du Conseil d’Etat ivoirien en matière d’excès de pouvoir, le projet de loi organique relatif à cette juridictionreprend, en son article 3, l’esprit des attributions du Conseil d’Etat français. Relève, en effet, duConseil d’Etat, la connaissance en premier et dernier ressort, des recours en annulation contre les décisions 52 émanant du Président de la République et des membres du gouvernement .
Il convient d’ajouter à ce chef de compétence, la connaissance uniquement, en dernier ressort, des recours pour excès de pouvoir contre les décisions émanant des autres autorités administratives.
Le Conseil d’Etatest également compétent, aux termes de l’article3 précité, dans les contentieux des inscriptions sur les listes électorales et les contentieux des élections aux conseils régionaux, généraux, municipaux et ruraux.
Il ressort de l’article 2 du projet de loi organique précité que le Conseil d’Etat connaît des pourvois en cassation formés contre les décisions rendues, en dernier ressort, par les juridictions statuant en matière administrative, les décisions à caractère juridictionnel rendues, en dernier ressort, par les organismes administratifs et les ordres professionnels, les arrêts définitifs de la Cour des comptes.
A la lecture de cet article, une question affleureà l’esprit à savoir: quelles sont les juridictions administratives appelées à statuer en dernier ressort en matière administrative ? Dans l’ordre juridictionnel administratif vers lequel tend le système ivoirien, ce sont les Cours administratives d’appel créées en France par la réforme du 31 décembre 1987.
La délimitation des compétences du Conseil d’Etaten tant que juge de cassation en matière de plein contentieux pose un problème de répartition des compétences au second degré. De ce qui précède, doit-on inférer que la création des tribunaux administratifs entraînera nécessairement, à l’avenir, celle des Cours administratives d’appel ?
Rien ne permet de répondre en toute certitude à cette interrogation.La Côte d’Ivoire s’oriente, à la lecture des textes en vigueur, vers le modèle burkinabè de la dualité de juridictions à deux degrés, à la différence des modèles français et gabonais qui sont à trois
51 er Loi n°2000-513 du 1 août 2000 précitée. A propos de la création de ces juridictions suprêmes, monsieur Karim DOSSO affirmait : «Il faut souligner que l’existence de ces deux juridictions suprêmes, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation rendait obligatoire la création d’un Tribunal des conflits. Il est surprenant que le constituant ne l’ait pas prévue». Voir sur ce point, la thèse précitée: Karim DOSSO, L’influence du droit administratif français sur le droit administratif ivoirien, Thèse, Université de Cocody, 2006, p. 191. 52 Karim DOSSO, op.cit, pp.191-192.
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