Des femmes Bu Dih à quelques apsaras originales d Angkor Vat. - article ; n°1 ; vol.17, pg 209-218
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Description

Arts asiatiques - Année 1968 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 209-218
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Boulbet
Des femmes Bu Dih à quelques apsaras originales d'Angkor
Vat.
In: Arts asiatiques. Tome 17, 1968. pp. 209-218.
Citer ce document / Cite this document :
Boulbet Jean. Des femmes Bu Dih à quelques apsaras originales d'Angkor Vat. In: Arts asiatiques. Tome 17, 1968. pp. 209-
218.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arasi_0004-3958_1968_num_17_1_992DES FEMES BU DIH A QUELQUES APSARAS
ORIGINALES D'ANGKOR VAT
par J. BOULBET
Tisseuses habiles et localement réputées, les femmes Cau MacC ceignent leurs
reins d'une pièce de cotonnade rectangulaire retenue à la taille par une ceinture
tissée, décorée et frangée. Rien ne les distingue donc, pour l'essentiel, des femmes
des autres groupes tribaux du Sud indochinois qui portent un tissu drapé faisant office
de jupe dont les deux pans non cousus se croisent sur le devant. Dans le détail il
existe bien des variantes quant au mode de fixation, au décor du tissu et à ses dimens
ions. Déjà, chez les Cau MaaJ eux-mêmes, de l'Est à l'Ouest, c'est-à-dire des plateaux
de Blao et du Haut Donnai jusqu'à la vallée du fleuve Daa' Doong (Donnai'), on peut
voir cette pièce essentielle et souvent unique d'habillement passer de la couleur unie
aux teintes vives et variées ; nouée à la taille et descendant jusqu'aux mollets en pays
d'amont, cette jupe ouverte, dite ici ôi mbôn (pièce de tissage à ceindre), se fixe nette
ment au-dessous du nombril et s'arrête aux genoux et parfois même au-dessus en
pays d'aval. D'entre les articles de tissage de même destination portés par les femmes
des groupes tribaux environnants, ce qui distingue les ôi mbon mad1 c'est, avec leurs
dimensions relativement réduites, le fini des liserés, l'importance donnée à la frange
retombante, dite « à ileurs » et particulièrement voyante, et la finesse du décor tissé
dont l'exécution témoigne d'une technique complexe et aussi de la recherche d'une
certaine perfection (fig. 1 et 11).
Faits à la mode des Cau Maa\ mes yeux ne pouvaient être surpris par la tenue
des devatas (ou apsaras) d'Angkor et je pense que les personnes ayant fréquenté
les populations dites proto-indochinoises de l'Indochine méridionale doivent, plus
d'une fois, se retrouver en pays de connaissance en détaillant les sculptures des artistes
angkoriens. Ainsi, par exemple, M. George Groslier, en étudiant le vêtement des
14 210 J. BOULBET
devatas sculptées compare le sarong angkorien et le «pagne des femmes moïs (1) ».
Seules peuvent intriguer l'habitué des « Hauts Plateaux » en visite à Angkor Vat les
rares apsaras que l'artiste a habillé suivant une mode très voisine de celle des hommes
d'alors (fig. 2) (2), et tout spécialement les trois proches du pavillon d'entrée Est
de la troisième enceinte qui, par exception, ne portent ni le saro/i#-jupe classique ni
même le tissu plissé masculin pris dans la ceinture (fig. 3, 4, 5). M. Victor Goloubevv
commente la photographie de l'une d'elle en écrivant « qu'elle mériterait une étude
spéciale » (3). M. Jean Boisselier signale aussi, à propos des devatâ d'Angkor Vat,
« ... quelques vêtements extrêmement réduits, véritables «cache-sexe»...» (4).
Pour ma part, en me trouvant inopinément devant une de ces exceptions, rien
ne m'a trop surpris. Parmi les apsaras fameuses d'Angkor Vat, il m'a paru normal
même de « retrouver », là aussi, cette originalité. Je me suis rappelé immédiatement
ma première arrivée dans un village du groupe tribal des Bu Dih, aussi nommé par
leurs voisins bboon eau uur ntroony ou « des femmes en cache-sexe », lorsque
habitué à la tenue des Cau Maa', je me trouvais soudainement devant une mode fémi
nine nouvelle et totalement différente de celles de toutes les autres ethnies
environnantes.
Certes, on m'avait déjà parlé de ces « femmes en nlroony », voisines ouest des
Cau Maa' et riveraines du Daa' Glung (Haut Song Be) qui est l'afïluent principal de
rive droite du Donnai", du Fleuve des Maa' ; mais je pensais qu'il s'agissait de femmes
ayant adopté la tenue masculine, c'est-à-dire remplacé ôi mbôn par nlroony. Dès
le premier abord, il était évident que le ntroony des femmes Bu Dih était une simpli
fication extrême de celui porté par les hommes. Alors que, chez les hommes des
groupes proto-indochinois, le vêtement principal, souvent seul porté, vise à un certain
effet esthétique et doit, tout en protégeant le sexe, donner à la silhouette une mâle
élégance (fig. 6), le ntroony féminin des Bu Dih est uniquement fonctionnel et n'a
aucune prétention décorative (fig. 7).
Fait d'une bande de cotonnade tissée toute simple, étroite et de longueur juste
suffisante, ce ntroony, une fois passé dans l'entre-cuisses, se fixe, non à la manière
d'une ceinture ordinaire, mais sur les fesses et l'arrondi des hanches, au-dessous du
ventre laissé nu. Une des extrémités, celle qui est tirée, après un tour complet, boucle
à l'arrière le tissu traité en ficelle et retient le tout serré en revenant sur elle-même,
croisée, pincée, pressée sur le gras de la hanche. C'est l'autre bout, tendu sur toute
(1) Georges Groslier, Recherches sur les Cambodgiens, Challamel, Paris, 1921, chapitre V, pp. 51 et 52.
(2) Quelques «Apsaras», particulièrement : gopura sud 3e enceinte (fig. 2) et bibliothèque intérieure
sud-ouest. Bas-reliefs intérieurs de la galerie 3e enceinte sud partie ouest : un groupe de 6 femmes en fin de
cortège.
(3) Mémoires archéologiques de l'EFEO, Le Temple d'Angkor Val, Van Oest, Paris 1930, p. 8 et
planches 223, 224 (notre fig. 4).
(4) Jean Boisselier, La statuaire khmère et son évolution, publication EFEO, Saigon, 1955, p. 77 et croquis
planche XVII, p. 79 (notre fig. 4). DES FEMMES BU DIH A QUELQUES APSAEAS ORIGINALES D'ANGKOR VAT 211
sa largeur par la ceinture sous-ventrale, qui fait office de cache-sexe approximative
ment triangulaire. Après torsion sur un côté et tension sur le devant, le tissu éven
tuellement restant est noué en ganse sur la hanche pour une extrémité et, pour l'autre,
la sous-ventrale, étalé en un tablier sommaire bien éloigné du pan décoré, frangé,
orné parfois de pompons rouges, de perles, de tubes de laiton et de grelots qui Hotte
sur les cuisses des hommes de ces régions (fig. 6, 7, 8, 9 et 12).
Tout comme les trois devatâ aux « cache-sexes » d'Angkor Vat, modestement
placées en des recoins exigus (fig. 5), peuvent passer inaperçues parmi tant d'autres
plus en vue et plus classiquement vêtues et parées, les femmes aux nlroonij sont peu
connues et représentent une toute petite minorité parmi les femmes du Sud-
indochinois. Mais tout comme le sculpteur de l'époque prestigieuse a voulu représenter
particulièrement trois devatâ bien différenciées des autres, les femmes Bu Dih se
savent originales et tiennent à leur originalité.
Sur la pierre brute, dès qu'une première ébauche apparaît, les contours sont déjà
précisés et, pour les figurations féminines, les contours du sarong et du grand pan
retombant qui représente peut-être, d'une manière stylisée, la bordure du vêtement,
ornée et frangée, dépassant après fixation. Il n'y a qu'à observer les esquisses des
apsaras inachevées burinées dans le grès (fig. 10) pour se rendre compte que là où,
exceptionnellement, le contour extérieur de la jambe entièrement nue limite l'image
à l'exclusion de tout voile ou pan accessoire, l'intention de l'artiste est évidente.
Cette intention est rendue plus manifeste encore par l'interprétation de la coiffure
arrêtée en frange frontale et l'absence de certains ornements, en particulier des
anneaux de bras et de chevilles que portent la plupart des autres apsaras.
Quant aux femmes Bu Dih, nos contemporaines, il s'agit bien d'une mode volon
tairement maintenue. Pour être moins expertes que les femmes Cau Maa', elles n'en
tissent pas moins et n'ont jamais manqué des contacts extérieurs élémentaires. Si
fermée soit-elle, la société Bu Dih est, et a été, influencée de l'extérieur, soit sponta
nément par le jeu des relations

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