Systèmes alimentaires: technologie moderne, transnationalisation ...

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Systèmes alimentaires: technologie moderne, transnationalisation ...

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• Publié par: ysecypah
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• Langue: Français
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Revue trimestrielle publiée par l'Unesco Vol. XXXVII, n° 3, 1985 Rédacteur en chef : Ali Kazancigil Maquettiste : Jacques Carrasco Illustrations : Florence Bonjean Les correspondants Bangkok : Yogesh Atal Beijing : Li Xuekun Belgrade : Balsa Spadijer Buenos Aires : Norberto Rodríguez Bustamante Canberra : Geoffroy Caldwell Cologne : Alphons Silbermann Delhi :• André Béteille États-Unis d'Amérique : Gene M. Lyons Florence : Francesco Margiotta Broglio Harare : Chen Chimutengwende Hong-kong : Peter Chen Londres : Cyril S. Smith Mexico : Pablo Gonzalez Casanova Moscou : Marien Gapotchka Nigéria : Akinsola Akiwowo Ottawa : Paul Lamy Singapour : S. H. Alatas Tokyo : Hiroshi Ohta Tunis : A. Bouhdiba Les sujets des prochains numéros Jeunesse Temps et sociétés mmmÊlêmwm Couverture : Le semeur manuel au siècle de l'agronome français Olivier de Serres (v. 1539-1619), qui inventa la herse-Semeuse. Dessin tiré de La maison rustique. A droite : &: ••- ms il« Scène de labourage, gravure rupestre de l'époque finale de l'âge du bronze, val Camonica, Brescia, Italie. Centro Camuno dt Studi Preistorici. ISSN 0304-3037 REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES SYSTEMES ALIMENTAIRES 105 Kostas Vergopoulos La fin de l'agro-alimentaire ou l'émergence de la biotechnologie 309 Bernardo Sorj et La technologie alimentaire moderne : John Wilkinson vers une industrialisation de la nature 325 Marion Leopold Les firmes transnationales alimentaires et leurs stratégies globales -341 Les firmess agro-alimentaires Ruth Rama stimulent-elles l'agriculture des pays en développement ? Le cas du Mexique 359 Peter Hamilton Petits agriculteurs et production alimentaire en Europe occidentale 375 V.A. Martynov Les problèmes du développement du système agro­ industriel en URSS 391 Pierre Spitz Systèmes alimentaires et société en Inde : genèse d'une recherche interdisciplinaire 403 Thierno Aliou Ba et Les systèmes de production alimentaire dans la Bernard Crousse moyenne vallée du fleuve Sénégal 421 George L. Beckford La paysannerie caraïbe : un mode de production proche de l'agriculture de plantation 433 Services professionnels et documentaires Calendrier des réunions internationales 449 Livres reçus 452 Publications récentes de l'Unesco 454 La fin de l'agro-alh biotechnologie ou l'émergence de Kostas Vergopoulos La thématique agro-alimentaire, installée en Une explication immédiate de cette absen­ permanence au premier plan des préoccupa­ ce d'une problématique agricole spécifique chez tions aussi bien politiques que théoriques, se les économistes est probablement liée au fait développe, depuis le début des années 70, dans que, dans les grands systèmes d'économie poli­ un champ de réflexion mouvant. C'est une évolu­ tique, le modèle scientifique s'achève sans tion qui a démarré avec une réflexion sur les référence organique à l'agriculture. Le secteur fonctions économiques de la paysannerie margi­ agraire, s'il est abordé, ne l'est qu'au chapitre nalisée, pour se poursuivre aujourd'hui dans des limites du modèle économique, comme un l'univers du redéploiement industriel, des tech­ territoire exotique par rapport au fonctionne­ nologies avancées et de la prospective sur le ment des mécanismess proprement nouvel ordre économique international. L'ambi­ dits. tion du présent texte n'est certes pas de présen­ Pour saisir le sens de cette mutation rapide, ter l'ensemble de cette importante mutation il serait nécessaire d'en décomposer les étapes. intellectuelle, mais d'en esquisser simplement Dans la littérature économique, depuis une quin­ les étapes et le sens. zaine d'années et dans un souci de schématisa­ Tout d'abord, signalons une importante tion — avec les risques qu'une telle entreprise évolution épistémologique qui se manifeste pen­ comporte — on pourra distinguer six étapes dant les années 70 : le thème de l'agriculture est théoricb-historiques ayant déterminé la forma­ enfin introduit dans l'analyse économique. Aussi tion de la connaissance actuelle dans le domaine étonnant que cela puisse paraître, force est de agro-alimentaire. reconnaître que, traditionnellement, le thème agricole faisait l'objet de toute une série de disciplines spécialisées, mais se situait aux con­ L'agriculture, réserve extérieure fins de l'approche économique. Les spécialistes du thème agraire étaient et sont encore pour une bonne part aujourd'hui les sociologues, les La position traditionnelle de la question agraire scientifiques de la terre, les ruralistes, les anthro­ fut largement déterminée par les postulats de pologues, les démographes, les agronomes, les l'école française des physiocrates au xvmc siè­ nutritionnistes, les diététiciens, mais assez peu cle. Classiques, marxistes, néoclassiques, wébé- les économistes. riens, libéraux et keynésiens, sous l'impulsion Kostas Vergopoulos est professeur et directeur du département des sciences économiques à l'Université de Paris VIII, à Saint-Denis. Il a publié des articles et des ouvrages sur les questions agraires, dont La question paysanne et le capitalisme (dir. publ. avec Samir Amin, 1974). Son adresse : 61, boulevard Suchet, 75016 Paris (France). Rostas Vergopoulos 310 de la supériorité des grandes entreprises sur les des physiocrates, ont persisté à considérer l'agri­ culture comme une grande réserve naturelle, petites et les moyennes4. au contact seulement du système économique Or, cette manière de penser l'agriculture, dominant1. La seule partie de l'agriculture éco­ découlant d'une transposition simple du modèle nomiquement pensable était celle — largement industriel, s'interdisait les moyens de produire minoritaire — qui se conformait au modèle la connaissance spécifique d'un espace différen­ d'organisation capitaliste de la production. Pour cié. En affirmant un modèle économique homo­ le reste, aussi bien pour les grands domaines gène, on ne se donnait pas les moyens de que pour les lopins familiaux, le problème éco­ prendre en considération les réalités variées. nomique se posait uniquement en termes d'ex­ Une conséquence de la logique industrielle tension de la zone d'opération du capital, par transposée était l'accent traditionnellement mis voie d'assimilation des espaces nouveaux et par sur la recherche de la viabilité économique des éviction des formes déviantes. L'agriculture, entreprises agricoles, sur,la base des critères espace générateur de richesses nécessaires aux micro-économiques. L'approche traditionnelle secteurs non agricoles, est une réserve en at­ de l'agriculture restait ainsi fondamentalement tente d'assimilation, voilà l'idée force tradition­.e classique de nelle qui a déterminé la conscience économique l'agriculture restait ainsit jusqu'à très récemment. Dans ce contexte, catastrophiste : les paysans devraient quitter la l'agriculture paraissait comme un espace amor­ terre, les entreprises paysannes devraient dispa­ phe, résiduel, hérité du passé et destiné à dispa­ raître, la mécanisation devrait accélérer les pro­ raître tôt ou tard sous l'action assimilatrice du grès dans les domaines de la productivité et de la système économique dominant2. L'Association capitalisation5. Cependant, et là commençaient française des journalistes agricoles (AFJA), les contradictions, à défaut de produire une dans son rapport de 1981, soulignait qu'une telle analyse d'économie politique concernant l'agri­ approche avait toujours cours : « Aux yeux culture, on lui substituait en fait la politique de nombre d'intellectuels, de décideurs, l'agri­ agraire des États. Autrement dit, contrairement culture, venue du fond des temps, est une aux postulats de l'approche micro-économique activité résiduelle, la survie d'un monde ar­ dominante, on persistait à penser l'agriculture chaïque3. » en termes d'interventions de l'État, et non L'idée de la déviance agraire fut illustrée ens d'économie civile, dans le cadre de aussi bien par le comportement économique­ laquelle l'État serait un simple élément super­ ment « pervers » du gros propriétaire foncier, posé. que par celui, non moins « pervers », de l'agricul­ Constatant que l'évolution selon la logique ture familiale. Le premier réagit à la hausse des industrielle se faisait attendre, on concluait à la prix en faisant diminuer l'offre, pour réaliser ses nécessité des interventions de l'État pour accélé­ rentes sans gaspiller la fertilité de ses terres. La rer la modernisation. Cependant, l'agriculture seconde réagit à la baisse des prix en faisant européenne, au même moment, était victime croître l'offre, étant donné qu'elle dépend abso­ non de l'archaïsme, mais précisément de la lument de la réalisation d'un revenu monétaire modernisation : déjà pendant les années 60, on fixé d'avance. Dans les deux cas, le comporte­ signalait un peu partout des problèmes de sur­ ment « non rationnel » fut classé du côté des équipements, une productivité agricole augmen­ formes non orthodoxes et l'on a considéré qu'il tant plus vite que la moyenne sociale, des pro­ s'agissait d' « anomalies » de caractère résiduel ductions en excédent dans un nombre croissant en passe d'être liquidées par l'extension du de produits fondamentaux. Cette situation d'effi­ modèle économique. cacité agricole excessive se manifestait sous le A la difficulté de penser une configuration régime des exploitations familiales (family propre à l'agriculture, due aux rendements dé­ farming), et nullement sous celui des grosses croissants et à l'offre limitée du sol productif, entreprises utilisant du travail salarié et de l'in­ s'ajoutait une évacuation totale du problème vestissement capitaliste. agraire par le renvoi à une métaphysique des Sur ce point, il sera utile de rappeler que, lois générales du devenir économique, notam­ malgré les options de la théorie traditionnelle en ment à propos de la concentration du capital et faveur d'une agriculture d'entrepreneurs, la poli-