Toxicomanie : historique et classifications - article ; n°4 ; vol.7, pg 549-586
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Description

Histoire, économie et société - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 4 - Pages 549-586
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Jean Dugarin
Patrice Nominé
Toxicomanie : historique et classifications
In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année, n°4. pp. 549-586.
Citer ce document / Cite this document :
Dugarin Jean, Nominé Patrice. Toxicomanie : historique et classifications. In: Histoire, économie et société. 1988, 7e année,
n°4. pp. 549-586.
doi : 10.3406/hes.1988.2395
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1988_num_7_4_2395TOXICOMANIE : HISTORIQUE ET
CLASSIFICATIONS *
par Jean DUGARIN et Patrice NOMINÊ
INTRODUCTION
Peut-on parler d'un phénomène social avant qu'il ne soit reconnu en tant que tel
et que le mot pour le désigner ne soit apparu ? L'usage immémorial est là pour nous le
rappeler : nul besoin de classer des produits sacrés ou leurs utilisateurs. Et pourtant,
certain usage s'est vu, tardivement certes, qualifié de phénomène social dans la mesure
où il est apparu comme tel à un moment bien précis de l'évolution de l'humanité. Trai
ter d'un tel sujet peut se faire selon deux axes, celui de l'historique d'un usage collectif
des drogues et celui d'un usage individuel et des réactions sociales qu'il a entraînées. Le
pouvoir attribué au produit a pu être diversement interprété et utilisé, il n'en reste pas
moins posé le problème de ce qu'il régit et du degré d'autonomie ou d'hétéronomie
qu'il autorise. Dans cette double optique, nous nous limiterons volontairement ici, à
évoquer d'une part l'historique de l'usage des principaux produits devenus objet de ce
qu'il est convenu d'appeler toxicomanie dans le monde occidental, et, d'autre part,
l'historique des réactions sociales à ces usages.
Sur le plan des substances utilisées vont ainsi apparaître successivement : les plant
es, leurs extraits, les produits de la chimie minérale, de la chimie organique (extrac
tion d'alcaloïdes), des molécules semi-synthétiques puis synthétiques. Dans les derniè
res décennies, la mise au point d'un psychotrope était dérivée des constatations empi
riques des usages traditionnels ou des effets fortuits repérés lors de l'administration
d'autres médications. De plus en plus, les molécules synthétisées peuvent être imagi
nées directement à partir d'un savoir d'évolution extrêmement rapide dans le domaine
de la chimie moléculaire et dans celui de la biochimie du système nerveux central.
Au-delà du revers de la médaille, intrinsèque à ce « génie chimique » de l'homme, on
commence à voir apparaître des chimistes clandestins « bricoleurs » de molécules aux
effets secondaires aléatoires. Le foisonnement des molécules synthétisées légalement ou
illégalement risque de poser quelques problèmes aux appareils de contrôle mis en place.
On pourrait craindre sur ce plan que nous ne soyions passés en quelques millénaires de
l'âge du sorcier à celui de l'apprenti sorcier.
(*) Article reproduit avec l'aimable autorisation de « Confrontations Psychiatriques » — 1987 (n° 28) :
Les Toxicomanies. HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ 550
LES OPIACËS
Des origines au début du XI Xe siècle.
Les premières références à l'utilisation d'opiacés dans l'histoire, dans l'état actuel
des connaissances, ont été décryptées à partir des tablettes sumériennes de Nippur. Ces
plaquettes d'argile gravées en caractères cunéiformes font mention d'un emploi d'opium
aux époques sumérienne et babylonienne. Pour l'instant donc, il est considéré que l'or
igine de cet usage se situe dans les plaines de Mésopotamie 3000 ans, probablement plus,
avant J.-C. Le Papyrus d'Ebers découvert en 1 873 et rédigé à Thèbes date du XVIe siè
cle avant J.-C, sous Aménophis 1er, pharaon de la XVIIIe dynastie ; parmi une liste
d'autres remèdes il cite l'opium. Ultérieurement, sous Ramsès II, treize siècles avant
J.-C, il y est encore fait référence en précisant une indication : « les enfants qui crient
trop fort ». En Europe, au néolithique, on en retrouve des traces ; des fouilles archéo
logiques des abords de cités lacustres situées en Suisse ont mis à jour des variétés non
sauvages de pavot, en suggérant une culture et éventuellement un usage.
Les civilisations avancées de l'Antiquité l'ont utilisé très précocement puisque, ou
tre les Egyptiens, les Grecs et les Romains en ont parlé, et que de nombreux objets re
trouvés dans tout le Bassin méditerranéen s'ornaient de représentations du pavot blanc.
Une des premières mentions connues en Grèce remonte à Hésiode au Ville siècle avant
J.-C Les origines sémantiques pour l'Occident sont bien là, puisque, entre autres, Mor-
phée a prêté son nom au premier alcaloïde extrait de l'opium au début du XIXe siècle
(la morphine) et que le « Nepenthes », drogue de l'oubli, mentionné dans l'Odyssée et
assimilé au pavot, se retrouve cité à plusieurs reprises dans la littérature romantique et
dans les poèmes de Baudelaire. L'usage en est également précocement controversé chez
les savants et philosophes entre le Ve et le Ille siècle avant J.-C puisque Hippocrate,
Hérodote et Théophraste en parlent comme médicament de la douleur alors que Diago-
ras de Mélos met déjà en garde à son propos. C'est à l'époque de Mithridate, roi du
Pont ou d'Andromaque l'ancien que remonterait la thériaque ; préparation complexe
qui, en plus de l'opium, comprenait plusieurs dizaines de drogues et dont la carrière fut
très longue puisque la composition qui portait encore ce nom a disparu du Codex en
France au début du XXe siècle. Dioscoride, 77 ans après J.-C, parle avec précision du
suc obtenu par incision des capsules de pavot et nommé en tant que tel alors «opium».
Dans l'antiquité romaine, l'usage de l'opium est bien connu ; ainsi, et entre autres,
Virgile y fait référence au 1er siècle avant J.-C, et Pline l'ancien, au 1er siècle après J.-C,
mentionne des débats contradictoires à son sujet. Au Ile siècle après J.-C, Galien em
ploie de façon habituelle la thériaque, et l'empereur Marc Aurèle l'utilise quotidienne
ment pour traiter ses céphalées. Durant le Moyen Age, les médecins arabes diffusent
largement l'opiophagie et l'on retrouve mention de l'opium dans toutes les pharmacop
ées empiriques du Moyen-Orient et du Maghreb ; Avicenne, célèbre médecin et philo
sophe arabe, mourut d'ailleurs intoxiqué par l'opium en 1037 en Perse.
Bien que certains auteurs aient fait l'hypothèse de l'introduction de l'opium en
Inde par les armées d'Alexandre le Grand au IVe siècle avant J.-C, il semble plus plau
sible que l'opium y ait été introduit, ainsi qu'en Perse, par les Arabes au Vie siècle
après J.-C ; mais on sait avec certitude que le pavot fut cultivé en Inde à partir du
XVe siècle. C'est au XI Ile siècle que les croisés réintroduisirent en Europe l'opium
dont on fit un usage médical parallèlement à la thériaque. Il est à noter qu'au XVe TOXICOMANIE : HISTORIQUE ET CLASSIFICATIONS 551
siècle, les drogues préparées par les apothicaires étaient tirées de la « Materia Medica »
de Dioscoride (imprimée dès cette époque) ainsi que de l'herbier de Rufinus ; elles
comprenaient aussi des métaux introduits par les Arabes. Au début du XVIe siècle,
Barbosa, un Portugais qui voyageait avec Magellan, écrit : « l'opium que la plupart des
Maures et des Indiens mangent », suggérant ainsi une importante consommation habi
tuelle. L'opiophagie est également très répandue à cette époque en Turquie. Au XVHe
siècle en Europe c'est à un médecin anglais, Thomas de Sydenham, que l'on devra une
préparation encore prescrite aujourd'hui et qui a joué un rôle non négligeable pour les
romantiques opiophiles du XIXe siècle, le célèbre laudanum de Sydenham.
Du début du XIXe siècle à nos jours
Au début du XIXe siècle, le commerce de l'opium allait, pour des raisons comp
lexes, centrer le premier grand problème international autour de ce que l'on appelera

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