Un intellectuel azerbaïdjanais face à la Révolution de 1917 : Sämäd-ağa Ağamaly-oğlu - article ; n°4 ; vol.8, pg 528-559
34 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un intellectuel azerbaïdjanais face à la Révolution de 1917 : Sämäd-ağa Ağamaly-oğlu - article ; n°4 ; vol.8, pg 528-559

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
34 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1967 - Volume 8 - Numéro 4 - Pages 528-559
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Guy Imart
Un intellectuel azerbaïdjanais face à la Révolution de 1917 :
Sämäd-ağa Ağamaly-oğlu
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 8 N°4. Octobre-Décembre 1967. pp. 528-559.
Citer ce document / Cite this document :
Imart Guy. Un intellectuel azerbaïdjanais face à la Révolution de 1917 : Sämäd-ağa Ağamaly-oğlu. In: Cahiers du monde russe
et soviétique. Vol. 8 N°4. Octobre-Décembre 1967. pp. 528-559.
doi : 10.3406/cmr.1967.1722
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1967_num_8_4_1722UN INTELLECTUEL AZERBAÏDJANAIS
FACE A LA RÉVOLUTION DE 1917 :
SÀMAD-AGA AGAMALY-OGLU*
Contribution à l'étude des mouvements politico-culturels
parmi ks « minorités ethniques » de l'ancien Empire russe
durant le premier quart du XXe siècle
L'étude des courants de pensée politiques et culturels parmi les
« allogènes » de Russie, et plus particulièrement parmi les turcophones
qui constituent la masse la plus active et la plus homogène, a été
amorcée en France il y a tout au plus une trentaine d'années1. Elle
a déjà permis de nuancer très fortement une thèse selon laquelle la
Révolution de 1917 serait un phénomène essentiellement russe, natio
naliste dans ses manifestations sinon dans ses principes, aboutissement
d'un siècle de lutte d'intellectuels, d'ouvriers et de paysans russes
contre une autocratie préoccupée de problèmes principalement
— révolution qui aurait surpris des peuples soumis, passifs et étrangers
à ses aspirations, ne les entraînant dans son sillage que par raccroc.
Cette opinion, que l'on rencontre aussi bien parmi les adversaires
• L'orthographe varie d'un auteur à l'autre et, bien sûr, selon les systèmes
graphiques employés. On trouve :
— en azerbaïdjanais : (lè- j\ ^J^mIp I . — S. a. Agamali Ogly (puis Agamalb
ogly). — Сэмэдара Абамалы Оклу.
— en russe : C-a АглмАЛА-оглу. — C-a Агамалы-оглы.
— en français : Agamali ogli et Amagaly-oglu. Nous avons adopté ici, ainsi
que pour toutes les citations en azerbaïdjanais, le système de translittération
fondé sur l'actuelle orthographe cyrillique et préconisé pour les langues de
l'U.R.S.S. par Giljarovskij et Krylova {Sovetskaja Bibliografija, 5, 1960, pp. 37-
44, repris le Bulletin des Bibliothèques de France, 6, 1961, pp. 283-292). Les
noms et mots russes sont donnés d'après le système de translittération habituel.
1. Cf. bibliographie in fine, ouvrages de A. Bennigsen et Chantai Lemercier-
Quelquejay ainsi que de J. Castagne. SAMAD-AGA AGAMALY-OGLU 529
du régime soviétique — russes et non russes — que, voilée, jusqu'à
une date récente, chez certains soviétiques, fait bon marché d'une
masse de quarante à cinquante millions d'allophones ayant leurs
problèmes propres — historiques, politiques, sociaux, culturels — , et
qui, pour s'être manifestés tardivement (à partir de 1905 surtout),
n'en ont pas moins orienté de façon décisive la pensée et l'action des
dirigeants russes du POSDR, avant et surtout après 1917.
De même que les questions polonaise et juive (problème du Bund)
avaient dominé le débat doctrinal au sein des organisations marxistes
des années 1890-1903, de même il est à peine exagéré de dire que ce
sont les problèmes nationaux afférant aux peuples turcophones et
caucasophones qui orientent, sur plus d'un point, la pensée de Lénine
après 1905. L'U.R.S.S. doit pour une bonne part maintes de ses caracté
ristiques actuelles (multinationalisme, fédéralisme, glissement vers
l'Asie de son point d'équilibre interne) à une masse allophone dont
l'attitude, conditionnée par un mouvement — profond encore qu'in
connu — de renaissance nationale et culturelle, se révéla partout déci
sive, à Ufa comme à Bakou, sur l'Amour comme au Turkestan.
Les deux révolutions, de Février et d'Octobre 1917, révèlent un
peu partout des hommes politiques de premier plan, non russes pour
la plupart. Il en est parmi eux qui firent tout de suite figure de
« personnages historiques ». Mais beaucoup, dont l'action et la pensée
furent pourtant d'un grand poids et que leur rôle secondaire même
permet de saisir à un niveau plus humain, demeurent, un demi-siècle
après la tourmente, oubliés ou méconnus.
Samâd-aga Agamaly-oglu est de ceux-ci1. Deuxième président de
la R.S.S. d'Azerbaïdjan, son rôle politique fut original et il serait
erroné de ne voir en lui, comme ce fut parfois le cas, que le secrétaire
de N. Narimanov ou, simplement, le porte-parole de S. M. Kirov,
haut-commissaire de la R.S.F.S.R. à Bakou.
Sur le plan culturel, il se trouva, au moment où la défection du
gadidisme, devenu mouvement nationaliste anti-russe, compromettait
la participation des peuples anciennement musulmans à l'élaboration
du régime nouveau, à la tête d'un mouvement de renaissance en pays
turcophone aussi authentiquement national que sincèrement léniniste.
Car Agamaly-oglu n'a rien du militant « monolithique ». Il hésitera,
fera parfois fausse route, mais, toujours respecté de ses amis comme
de ceux qui se trouvent dans le camp opposé2, il sera toujours un
1. Son nom ne figure dans aucune encyclopédie — pas même au tome 51 de (cité' BSE) — ni histoire de l'Azer- la Bol'saja Sovetskaja Enciklopedija infra
baïdjan ou du PC azerbaïdjanais antérieure à 1956. En 1066 paraissait à Bakou
une petite brochure élogieuse éditée par le PC azerbaïdjanais. Cf. indications
bibliographiques, infra, p. 558.
2. « И fut aimé de son peuple et ne fit jamais de mal à personne », déclare,
quarante ans après, M. Ahmed Caferoglu, professeur à l'Université d'Istanbul, 530 GUY IMART
révolutionnaire humaniste, à la fois convaincu et insatisfait, sincère
en tout cas.
Personnage officiel, se disant lui-même léniniste, ses opinions
peuvent sembler, au premier abord, ne refléter rien d'autre que les
thèses bien connues de la propagande officielle. En fait, on n'oubliera
pas que cette orthodoxie léniniste en matière de politique nationale
ne fut une pratique effective que pendant fort peu de temps : de
1922-1923, date à laquelle prennent à peu près fin les tâtonnements
doctrinaux, jusqu'en 1933-1934, moment où s'amorce la campagne
stalinienne qui devait aboutir, trois ans plus tard, à Г « épuration »
des cadres allophones.
Surtout, il nous paraît intéressant d'essayer de montrer comment,
par la seule logique de son évolution personnelle, un oriental se trouva
en harmonie avec la pensée d'un homme nourri d'idéaux et de culture
européens ; comment, processus à notre avis caractéristique du
monde soviétique ex-musulman, s'amorce dans l'intelligentsia turco-
phone de Russie, non sans parallélisme avec russe
du xixe siècle, une synthèse entre gadidisme « turcophile » et marxisme
« occidentaliste ».
L'œuvre écrite d'Agamaly-oglu est assez mince. Elle a un caractère
nettement publicisté et polémique. Agamaly-oglu fut un excellent
journaliste ; en attestent tous ses écrits, qui, par le style et le choix
des sujets, portent la marque du temps. Le vocabulaire est marxiste,
fortement teinté, en cette époque de communisme de guerre, de termes
opérationnels (« front », « attaque », « arrière », « manœuvre », etc.).
Mais les mots et les expressions du terroir ne manquent pas, surtout
lorsqu'Agamaly-oglu écrit dans sa langue maternelle. Les exposés
théoriques, les discussions dogmatiques sont rarissimes : cet aspect
des choses ne l'intéresse visiblement pas. Le plus souvent, il s'agit de
réflexions, présentées avec simplicité et bon sens, sur les événements,
leurs causes proches et lointaines, leur aboutissement souhaitable.
Ces réflexions portent essentiellement sur trois thèmes qui s'enchaî
nent logiquement et dominent autant d'étapes dans la vie ď Agamaly-
oglu : modernisation, islam et Orient, langue et culture nationales.
Il y a là un développement de la pensée d'Ismaïl bey Gasprinskij1 et
une réponse au slogan miisavatiste et sultangaliéviste, repris plus tard
par le théoricien du pantouranisme, Ziya Gôk Alp : « Nous appartenons

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents