Un monde à part au cœur de la grande entreprise : le cas des employés du gaz à Paris dans la seconde moitié du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.17, pg 119-138

Jean-Pierre Williot

Description

Histoire, économie et société - Année 1998 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 119-138
Abstract The Parisian gas company is a very good example of the big enterprise during the second half of nineteenth century. Many employees were engaged in a parallel direction with the growth of production and gas consumption. The firm was managed on the hierarchical system, so clerks had a leading pari in the working. Nevertheless, their tasks were simple : transcripts of daily activities, open the mail and correspond with consumers, reckon in one's head all the data. In return, employees of Parisian gas company profit by social advantages. But, at the end of century, they expected a real personal status.
Résumé Les employés de la Compagnie Parisienne du Gaz constituent un bon champ d'étude d'un groupe social en formation au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La croissance de leur nombre fut associée au développement de l'entreprise. Fortement hiérarchisée, cette société est caractéristique de la grande entreprise multifonctionnelle. Malgré la durée de la concession, le recrutement des agents fut tardivement homogénéisé. Le travail était pourtant peu diversifié, basé sur la compilation des données et le suivi de l'exploitation, toutes occupations qui privilégiaient l'écrit et la fonction de copiste. En revanche, très tôt, un statut apparut sans être formalisé, par l'octroi de privilèges sociaux et la distinction évidente avec la précarité ouvrière. Mais cette œuvre, destinée à conserver le personnel, n'empêcha pas à la fin du siècle la revendication d'un véritable statut.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 23
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Williot
Un monde à part au cœur de la grande entreprise : le cas des
employés du gaz à Paris dans la seconde moitié du XIXe siècle
In: Histoire, économie et société. 1998, 17e année, n°1. pp. 119-138.
Résumé Les employés de la Compagnie Parisienne du Gaz constituent un bon champ d'étude d'un groupe social en formation
au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La croissance de leur nombre fut associée au développement de l'entreprise.
Fortement hiérarchisée, cette société est caractéristique de la grande entreprise multifonctionnelle. Malgré la durée de la
concession, le recrutement des agents fut tardivement homogénéisé. Le travail était pourtant peu diversifié, basé sur la
compilation des données et le suivi de l'exploitation, toutes occupations qui privilégiaient l'écrit et la fonction de copiste. En
revanche, très tôt, un statut apparut sans être formalisé, par l'octroi de privilèges sociaux et la distinction évidente avec la
précarité ouvrière. Mais cette œuvre, destinée à conserver le personnel, n'empêcha pas à la fin du siècle la revendication d'un
véritable statut.
Abstract The Parisian gas company is a very good example of the big enterprise during the second half of nineteenth century.
Many employees were engaged in a parallel direction with the growth of production and gas consumption. The firm was managed
on the hierarchical system, so clerks had a leading pari in the working. Nevertheless, their tasks were simple : transcripts of daily
activities, open the mail and correspond with consumers, reckon in one's head all the data. In return, employees of Parisian gas
company profit by social advantages. But, at the end of century, they expected a real personal status.
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Williot Jean-Pierre. Un monde à part au cœur de la grande entreprise : le cas des employés du gaz à Paris dans la seconde
moitié du XIXe siècle. In: Histoire, économie et société. 1998, 17e année, n°1. pp. 119-138.
doi : 10.3406/hes.1998.1977
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1998_num_17_1_1977UN MONDE A PART AU CŒUR DE LA GRAND ENTREPRISE
LE CAS DES EMPLOYÉS DU GAZ A PARIS
DANS LA SECONDE MOITIE DU XIXe SIECLE
par Jean-Pierre WILLIOT
Résumé
Les employés de la Compagnie Parisienne du Gaz constituent un bon champ d'étude d'un
groupe social en formation au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La croissance de leur
nombre fut associée au développement de l'entreprise. Fortement hiérarchisée, cette société est
caractéristique de la grande entreprise multifonctionnelle. Malgré la durée de la concession, le
recrutement des agents fut tardivement homogénéisé. Le travail était pourtant peu diversifié,
basé sur la compilation des données et le suivi de l'exploitation, toutes occupations qui privilé
giaient l'écrit et la fonction de copiste. En revanche, très tôt, un statut apparut sans être formalis
é, par l'octroi de privilèges sociaux et la distinction évidente avec la précarité ouvrière. Mais
cette œuvre, destinée à conserver le personnel, n'empêcha pas à la fin du siècle la revendication
d'un véritable statut.
Abstract
The Parisian gas company is a very good example of the big enterprise during the second
half of nineteenth century. Many employees were engaged in a parallel direction with the growt
h of production and gas consumption. The firm was managed on the hierarchical system, so
clerks had a leading pari in the working. Nevertheless, their tasks were simple : transcripts of
daily activities, open the mail and correspond with consumers, reckon in one's head all the
data. In return, employees of Parisian gas company profit by social advantages. But, at the end
of century, they expected a real personal status.
Un article récent sur l'identité et l'évolution des employés de bureau met
fort bien en évidence la difficulté que l'historien peut avoir à tenir un discours
général sur ce monde fluctuant des employés l. D'une taxinomie difficile à
établir, encore moins facile à saisir dans la représentation qu'il offrait de lui
même, ce groupe social tient pourtant un rôle essentiel dans le grand mouve
ment de massification des classes moyennes lié à l'industrialisation de la fin
du XIXe siècle.
1. D. Gardey, « Du veston au bas de soie : identité et évolution du groupe des employés de bureau
(1890-1930) », Le Mouvement Social, n° 175, avril-Juin 1996.
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Les employés du gaz d'une grande compagnie - la seconde d'Europe en
termes de puissance capitalistique durant la seconde moitié du XIXe siècle -
offrent aux problématiques qui intéressent désormais l'historiographie française
un champ d'étude assez riche. En premier lieu, les agents de la Compagnie
Parisienne du gaz, qui détenait le monopole de fabrication et de distribution
du gaz manufacturé au moyen d'un réseau à Paris, entre 1856 et 1905, incar
nent bien le développement du personnel des sociétés multifonctionnelles.
Depuis longtemps mise en évidence à propos des compagnies ferroviaires, la
croissance du personnel des entreprises de réseau est également à dater du
milieu du siècle pour les grandes sociétés gazières. D'autre part, la multiplica
tion des tâches a contribué à créer un nombre important de bureaux articulés
selon une structure très hiérarchisée. On peut donc se demander s'il en résul
tait une variété de situation ou au contraire une homogénéité du personnel
soudé par une commune identité. On peut même Ure dans l'émergence de ce
groupe d'employés le creuset d'une culture d'entreprise de service public der
rière les intérêts d'une industrie privée. Enfin, en raison de l'existence d'ar
chives homogènes, sur une longue période, concernant une seule entreprise, le
cas du gaz parisien permet de souligner combien la mobilité professionnelle
était ici dépendante de qualités personnelles privilégiant le comportement à
défaut d'un savoir-faire ou d'un diplôme spécifique.
Un groupe en constante évolution
Un nombre croissant d'employés
La Compagnie du gaz comptait deux catégories de personnels. Le person
nel fixe rassemblait les employés que l'on dénommaient généralement
« agents », bien que le premier terme soit apparu dès l'origine dans certains
règlements, ainsi que les ouvriers dits « à traitement fixe », graisseurs et all
umeurs de réverbères, dont le travail n'était pas lié à la saisonnalité de la pro
duction de gaz. Par opposition, les ouvriers des usines constituaient le
personnel variable. Pour ces derniers, les emplois offerts étaient nombreux
mais l'embauche articulée sur le rythme de la fabrication n'était jamais défini
tive. Au contraire, le recrutement des employés au sein de la Compagnie leur
assurait une place durable. Toutes conditions de travail mises à part, la diffé
rence principale entre les deux catégories apparaissait dans cette instabilité.
S'il y eut un sentiment d'appartenance corporative au sein de la Société, c'est
donc bien parmi ceux qui y furent attachés à long terme qu'il faut le chercher.
Prenons la mesure de leur nombre. Les agents fixes représentaient 37 % du
personnel de la Compagnie en 1856, répartis en 390 employés et 296 ouvriers
à traitement fixe, soit 686 agents sur 1 849 personnes rémunérées par la
Compagnie. À mi-parcours de la durée de la concession, en 1880, 1579
employés et 1 055 allumeurs et graisseurs formaient 42 % des 6 175 salariés
de l'entreprise. En 1905, on comptait 2690 employés et 1 353 ouvriers de ville
sur un effectif total de 7393 personnes, soit 55 %. Si l'on s'en tient aux seuls
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employés, l'on s'aperçoit qu'ils représentaient aux dates considérées 21 %,
25 % et 36 % du personnel de la compagnie gazière.
L'augmentation du nombre d'agents engagés durant une période illimitée
s'est faite de manière continue, au point qu'à partir de 1893, les employés du
personnel fixe furent plus nombreux que les ouvriers du personn