Un pamphlet contre Nabonide, dernier roi de Babylone - article ; n°1 ; vol.18, pg 13-28
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1992 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 13-28
Un pamphlet en babylonien rédigé sous Cyrus contre Nabonide, le dernier roi de Babylone, voulut démontrer que le nouveau roi était beaucoup plus babylonien que son prédécesseur. Ce n'est pas qu'un texte de propagande perse, il doit être l'œuvre de membres du clergé de Marduk, le dieu national des Babyloniens que Nabonide avait négligé au profit du dieu Lune, sa divinité de prédilection. Il n'a pu être rédigé que dans un milieu connaissant parfaitement la tradition, les points fondamentaux de l'idéologie royale, la personnalité de Nabonide et les habitudes de sa cour.
The Babylonian poem known as Verse Account of Nabonidus was meant to show how Cyrus had become in every way more Babylonian than the last king of Babylon he had supplanted. Far from being a mere piece of Persian propaganda it was written most probably by some cleric of Marduk, the national god whom Nabonidus had neglected because of his attempt to propel the Moon god to the status of chief god. The poem must have originated in circles well learned in the Babylonian tradition and the royal ideology as much as familiar with Nabonidus's personality and courtiers.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 43
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Sylvie Lackenbacher
Un pamphlet contre Nabonide, dernier roi de Babylone
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 18 N°1, 1992. pp. 13-28.
Résumé
Un pamphlet en babylonien rédigé sous Cyrus contre Nabonide, le dernier roi de Babylone, voulut démontrer que le nouveau roi
était beaucoup plus "babylonien" que son prédécesseur. Ce n'est pas qu'un texte de propagande perse, il doit être l'œuvre de
membres du clergé de Marduk, le dieu national des Babyloniens que Nabonide avait négligé au profit du dieu Lune, sa divinité de
prédilection. Il n'a pu être rédigé que dans un milieu connaissant parfaitement la tradition, les points fondamentaux de l'idéologie
royale, la personnalité de Nabonide et les habitudes de sa cour.
Abstract
The Babylonian poem known as "Verse Account of Nabonidus" was meant to show how Cyrus had become in every way more
"Babylonian" than the last king of Babylon he had supplanted. Far from being a mere piece of Persian propaganda it was written
most probably by some cleric of Marduk, the national god whom Nabonidus had neglected because of his attempt to propel the
Moon god to the status of chief god. The poem must have originated in circles well learned in the Babylonian tradition and the
royal ideology as much as familiar with Nabonidus's personality and courtiers.
Citer ce document / Cite this document :
Lackenbacher Sylvie. Un pamphlet contre Nabonide, dernier roi de Babylone. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 18 N°1,
1992. pp. 13-28.
doi : 10.3406/dha.1992.1973
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1992_num_18_1_1973DHA 18,1 1992 13-28
UN PAMPHLET CONTRE NABONIDE
DERNIER ROI DE BABYLONE
Sylvie LACKENBACHER
CNRS Paris
A la fin du 7e siècle avant notre ère, après la chute de l'empire
assyrien, Babylone retrouva son indépendance et devint pour un
siècle et demi la capitale d'un empire qui disparut à son tour en 539,
lorsque Cyrus, vainqueur de son dernier roi, Nabonide, entra dans
Babylone et incorpora la Mésopotamie à l'empire perse, mettant
ainsi fin pour toujours à l'histoire millénaire des royaumes
mésopotamiens. La succession sur le trône de Babylone ne s'était pas
déroulée sans heurts après la disparition de Nabuchodonosor : son
fils avait été déposé par son propre beau-frère Nériglissar et
Nabonide lui-même était monté sur le trône de Babylone, en 556, à la
suite d'un complot qui avait chassé le jeune fils de ce dernier ; n'était pas d'ascendance royale, mais se voulait le
continuateur de ses grands prédécesseurs, ce qui ne l'empêcha pas
d'avoir une conduite à part, ne serait-ce qu'en résidant pendant dix
ans loin de Babylone, dans l'oasis de Teima, en Arabie. Les aspects
mystérieux de cette conduite, comme de sa personnalité et même de 14 Sylvie Lackenbacher
son sort après qu'il eut perdu le trône, fascinent encore les
historiens 1 .
Loin de détruire ou même de piller Babylone, Cyrus traita la
ville et ses habitants avec respect et se déclara prêt à révérer le dieu
national : le clergé ne pouvait que se soumettre, mais il n'avait
aucune raison pour ne pas se rallier à un souverain magnanime qui
respectait V establishment. La déposition du dernier roi du dernier
royaume mésopotamien qui nous apparaît comme un tournant dans
l'histoire du Proche-Orient ancien ne semble pas avoir suscité de
grands troubles en Babylonie, ce qui ne signifie pas que toute la
population ait accepté de bon gré une dynastie étrangère, ni que
Nabonide n'ait gardé aucun partisan 2.
Sous le règne de Cyrus fut rédigé en babylonien une sorte de
pamphlet en vers qui nous est parvenu sous la forme d'une tablette en
mauvais état conservée au British Museum 3. Ce poème critique
violemment Nabonide et fait l'éloge de celui qui prit sa place. Il
veut démontrer que le nouveau roi était bien supérieur à l'ancien,
qu'en particulier il était beaucoup plus «babylonien» par ses actions
que son prédécesseur et s'inscrivait tout à fait dans la tradition des
meilleurs souverains mésopotamiens. Ce pamphlet, peut-être
destiné à lutter contre des opposants fidèles au roi détrôné, n'est-il
qu'un texte de propagande perse dicté par le nouveau pouvoir et
imposé aux Babyloniens ? Est-il l'oeuvre d'une poignée d'érudits
«collaborateurs», ou bien les Perses ont-ils trouvé un climat
favorable et des lettrés babyloniens prêts à les soutenir ?
1. Voir le livre récent de P. A. BEAUL1EU, The Reign of Nabonidus, King
of Babylon 556-539 В. С, Yale Near Eastern Researches 10, New-
Haven/Londres 1989. On y trouvera toute la bibliographie antérieure.
C'est ce livre qui est à l'origine des quelques réflexions proposées ici.
2. BEAULIEU,p. 232.
3. Il est connu des assyriologues comme «Verse Account of Nabonidus»
et a été publié par S. SMITH, Babylonian Historical Texts Relating to
the Capture and Downfall of Babylon, Londres, 1924.
A.L. OPPENHEIM en a donné une traduction améliorée dans
J.PRITCHARD éd., Ancient Near Eastern Texts Relating to the Old
Testament (- ANET), Princeton 1955, p. 312 s^. Certains passages se
trouvent dans Beaulieu, op. cit., en particulier p. 214 sa. D'autres écrits
de l'époque font une propagande plus ou moins ouverte pour ou
contre Nabonide, mais aucun n'a ce caractère de pamphlet. DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 15
Le pouvoir et les dieux-
Four les Mésopotamiens, le pouvoir appartenait aux dieux qui
le déléguaient au souverain de leur choix et, dans la relation entre le
monde divin et celui des hommes, l'image divine et le temple qui
l'abritait jouaient un rôle fondamental. Pour s'intéresser à ce qui se
passait sur terre, les dieux devaient en effet s'incarner dans une
image qui résidait au milieu des hommes dans sa maison. Il fallait
que l'image comme le temple fussent «convenables», «appropriés»,
c'est-à-dire conformes à certaines normes — sur lesquelles nous ne
savons presque rien — qui impliquaient un ensemble de signes
distinctifs ; cela concernait en particulier le plan des sanctuaires et
les attributs des statues divines. Le bâtiment ou l'image qui
n'obéissaient pas à ces règles, gage de leur validité et de leur
spécificité, ne pouvaient être acceptés par les dieux : ils étaient
inutiles et même sacrilèges. L'un des devoirs essentiels du roi,
intermédiaire privilégié entre les hommes et les dieux, était donc de
veiller à la conformité comme au bon état des images divines et de
leurs demeures 4 .
Chaque ville de Mésopotamie avait sa divinité tutélaire, qui
veillait sur son sort et dont elle partageait la gloire ; à Babylone,
c'était le dieu Marduk et son temple, l'Esagil, un nom sumérien que
l'on peut traduire par «Temple-au-pinacle-élevé» 5. Dans ce cas
précis, celui de la capitale de la Babylonie, l'importance
exceptionnelle de la divinité et de sa ville d'élection fut affirmée
solennellement à la fin du Ile millénaire avec la rédaction de
Yenuma elish, l'Epopée de la Création qui expliquait comment
Marduk était devenu le souverain des dieux pour les avoir sauvés en
triomphant dans le combat cosmique opposant les jeunes dieux aux
plus anciens 6 . Le récit de la création se termine par la construction de
Babylone et de l'Esagil par les dieux eux-mêmes, suivie d'une sorte
de sacre de Marduk dans l'Esagil. Babylone et le temple de Marduk
étaient donc le centre du monde, d'origine surnaturelle et
4. Pour tout ce qui concerne le temple, l'image divine et le roi bâtisseur,
voir mon livre, Le palais sans rival. Le récit de construction en Assyrie,
Paris 1990.
5. J. BOTTERO - S. N. KRAMER, Lorsque les dieux faisaient l'homme,
Paris 1989, p. 667.
6. Probablement sous le règne de Nabuchodonosor 1er, voir BOTTERO-
KRAMER, op. cit. p. 603 et note 1, et p. 654. Pour la traduction de
Yenuma elish, voir p. 604-653. 16 Sylvie Lackenbacher
l'emportaient de ce fait sur tous les autres sanctuaires. L'enuma elish
était récité chaque année lors de la Fête du Nouvel An : il n'était
donc pas question d'oublier la prééminence du dieu, de son temple et
de sa ville, tous trois indissociables 7.
Il fallait pourtant admettre qu'une catast

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