Usages de femmes et sauvagerie dans l ethnographie grecque d Hérodote à Diodore et Strabon - article ; n°1 ; vol.10, pg 137-150
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Usages de femmes et sauvagerie dans l'ethnographie grecque d'Hérodote à Diodore et Strabon - article ; n°1 ; vol.10, pg 137-150

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Description

Travaux de la Maison de l'Orient - Année 1985 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 137-150
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 64
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Suzanne Saïd
Usages de femmes et sauvagerie dans l'ethnographie grecque
d'Hérodote à Diodore et Strabon
In: La femme dans le monde méditerranéen. I. Antiquité. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean
Pouilloux, 1985. pp. 137-150. (Travaux de la Maison de l'Orient)
Citer ce document / Cite this document :
Saïd Suzanne. Usages de femmes et sauvagerie dans l'ethnographie grecque d'Hérodote à Diodore et Strabon. In: La femme
dans le monde méditerranéen. I. Antiquité. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1985. pp. 137-150.
(Travaux de la Maison de l'Orient)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/mom_0766-0510_1985_sem_10_1_2034USAGES DE FEMMES ET SAUVAGERIE
DANS L'ETHNOGRAPHIE GRECQUE
D'HËRODOTE A DIODORE ET STRABON
Suzanne SAID
D'Hérodote à Diodore et à Strabon, l'ethnographie grecque a donné plu
sieurs exemples de peuples qui sont gouvernés par des femmes ou qui les mettent
en commun. Elle les a situés dans les lieux les plus divers: à l'extrême Nord du
monde habité, avec les Scythes, les Sauromates ou les peuples du Caucase; à l'e
xtrême Sud, avec les Auses qui sont les derniers des Libyens; à l'extrême Est, avec
les Indiens, sans parler de l'extrême Ouest et de l'île du Soleil, perdue dans
l'Atlantique.
On sait comment Bachofen, dans son livre sur le droit de la mère (Das Mutt
errecht, Stuttgart 1861) a tiré parti de ce fait pour reconstruire une évolution
générale de l'histoire de l'humanité, où le pouvoir féminin tient une place qui
réjouissait déjà en 1903 «le groupe français d'études féministes» et qui ravit
encore aujourd'hui F. d'Eaubonne (Les femmes avant le patriarcat, Paris 1976).
A partir des convergences qu'il constatait entre les coutumes des Lyciens telles
que les décrit Hérodote (1), ce que Strabon raconte des pratiques en matière de
dot et d'héritage d'un peuple d'Espagne, les Cantabres (2), et des renseignements
fournis par Polybe sur les Locriens Epizéphyriens (3), il concluait que le matriar
cat n'était pas un accident propre à un peuple ; c'est au contraire la marque carac
téristique d'une certaine période de l'histoire de l'humanité, partout reproduite
parce que la nature humaine est la même chez tous. Toujours à partir des témoi
gnages des Anciens, en particulier des textes d'Hérodote qui attestent l'existence
d'une promiscuité plus ou moins généralisée chez des peuples aussi divers que les
Massagètes (au Nord de l'Asie) d'une part, les Nasamons et les Auses (en Libye)
d'autre part (4), Bachofen posait l'existence de ce qu'il a appelé «l'hétairisme»,
époque primitive caractérisée par une sexualité non réglée. Enfin, il déduisait des
traditions anciennes qui situaient les Amazones tantôt dans le voisinage de la
Scythie (5), tantôt en Libye (6), l'existence d'un «Amazonisme» qui aurait été,
lui aussi, universel, et aurait marqué dans l'histoire de l'humanité la transition
entre l'hétairisme et le matriarcat.
1. Cf. 1.173.
2. Cf. 3.4.18.
3. Cf. 12.5.5-11.
4. Cf. 1.216, IV.172, 180.
Cf. Diodore de Sicile, 2.45^6. 5.
Cf. de 3.52-55. 6.
La femme dans le monde méditerranéen
TMO 10, Lyon, 1985. 138 S.SAID
Les études de S. Pembroke (7) ont prouvé que les témoignages de l'ethno
graphie ancienne n'étaient pas aussi sûrs que l'avait cru Bachofen. La confronta
tion du texte des Histoires avec tout ce que nous apprennent les inscriptions funé
raires lyciennes (les unes anciennes — V-IVèmes siècles av. J.C.— et écrites en
lycien, d'autres plus récentes et écrites en grec) nous permet de conclure que la
structure de la famille chez les Lyciens, tout en n'étant pas identique à celle de la
famille grecque, s'en rapprochait beaucoup plus que ne le donne à penser la des
cription d'Hérodote.
La leçon vaut la peine d'être retenue. En prolongeant les travaux de Pemb
roke, on pourrait être tenté d'écrire l'anti-Bachofen dont rêvent tant d'historiens
de l'Antiquité. Mon propos sera beaucoup plus limité. Je me bornerai à une étude
du thème de la communauté des femmes dans les textes ethnographiques en m 'a
ttachant à définir la fonction logique de ce thème dans le discours de ce « club
d'hommes» (8) qu'est la cité grecque. Car la communauté des femmes est une
véritable aberration dans le contexte socioculturel de la Grèce ancienne. De fait le
mariage et la filiation légitime qu'il instaure sont les fondements de la commun
auté familiale et, au-delà d'elle, de la société politique. Et l'adultère (qui se
limite en Grèce aux rapports sexuels qui risquent de faire planer un doute sur la
légimité des enfants) est sévèrement réprimé par une loi dont on attribue l'origine
à Solon. Encore en pleine époque classique, dans une Athènes où la vengeance pri
vée a quasiment disparu, «le tribunal se voit interdire en termes formels de décla
rer meurtrier quiconque a surpris tin homme en flagrant délit d'adultère et s'en est
vengé» (9).
Dans les Histoires d'Hérodote, la communauté des femmes, qui se confond
avec un accouplement généralisé et public, s'intègre dans une représentation par
faitement négative de la sauvagerie. Je renverrai, pour le détail de la démonstrat
ion, à l'article qu'avec M. Rosellini j 'ai consacré aux « Usages de femmes et autres
nomoi chez les 'sauvages' d'Hérodote» (10) et je me contenterai de rappeler le
schéma qui commande la description d'Hérodote.
«L'accouplement... à la vue de tous» est pratiqué aussi bien par les peuples
du Caucase que par les Indiens ou les Auses de Libye (11). Il ravale à l'animalité
ceux qui s'y livrent (12) et va de pair avec des modes d'alimentation étrangers à
l'humanité civilisée, qui consomme des céréales cultivées et cuites, ainsi que des
viandes bouillies ou rôties dans le cadre rituel du sacrifice (13).
7. Cf. « Last of the matriarch?. A study in the inscriptions of Lycia » , Journal of Economic and Social His
tory of the Orient, VIII, 1965, p. 214-247; «Women in charge: The function of alternative in early
greek tradition and the ancient idea of matriarchy », Journal of the Warburg and Courtauld Institute,
XXX, 1967, p. 1-35 et «Locres et Tarente.· Le rôle des femmes dans la fondation de deux colonies
grecques», Annales ESC XXV, 1970, p. 1240-1270.
8. Lysias, Sur le meurtre d 'Eratosthène, 30.
9. Cf. H.I. Marrou, Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris, 1948, p. 63.
10. ASNP ser.III, vol. VIII, 3,1978, p. 949-1005.
11. Cf. Hérodote 1.203 ; III. 101 ; IV. 180.
12. Cf. IV.l 80: «Ils s'accouplent à la manière des bétes».
13. Voir J.P. Vernant, «Le mythe prométhéen chez Hésiode» dans Mythe et société en Grèce ancienne,
Paris, 1974, p. 191-4, et les études rassemblées sous la direction de J.P. Vernant et M. Détienne dans La
cuisine du sacrifice en pays grec, Paris, 1979. DE FEMMES ET SAUVAGERIE 1 39 USAGES
Car les Indiens sont tantôt du côté de l'omophagie (avec les habitants des
marécages qui «se nourrissent de poisson cru» (14) et les Padéens qui sont «des
mangeurs de viande crue» (15)) tantôt du côté du végétarisme (avec ceux qui « ne
tuent rien de vivant» et «se nourrissent exclusivement d'herbe» (16)). De même,
les habitants du Caucase « vivent pour la plupart exclusivement des produits de la
forêt sauvage» (17). Quant aux Auses, ils font suite aux Lotophages qui «vivent
en ne mangeant que le fruit du lotus» (18) et aux Machlyes qui «usent également
du lotus» (19) et doivent apparemment partager leurs pratiques alimentaires.
Ces peuples en marge de la culture sont tous situés aux confins de l'univers.
C'est clair pour les Indiens qui sont «en Asie, les premiers du côté de l'aurore et
du lever du soleil» (20). Mais c'est tout aussi vrai des habitants du Caucase qui
est pour Hérodote une montagne du bout du monde et marque la limite de la
Caspienne à l'Ouest (21). Cela vaut enfin pour les Auses qui sont les derniers des
«Libyens nomades qu

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