Vers l éveil d un peuple - article ; n°1 ; vol.100, pg 153-164
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1995 - Volume 100 - Numéro 1 - Pages 153-164
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fote Trolue
Joseph Caihe
Vers l'éveil d'un peuple
In: Journal de la Société des océanistes. 100-101, 1995-1-2. pp. 153-164.
Citer ce document / Cite this document :
Trolue Fote, Caihe Joseph. Vers l'éveil d'un peuple. In: Journal de la Société des océanistes. 100-101, 1995-1-2. pp. 153-164.
doi : 10.3406/jso.1995.1961
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1995_num_100_1_1961l'éveil d'un peuple Vers
Témoignage
de Fote TROLUE et Joseph CAIHE
En 1975, Fote Trolue, étudiant à Montpellier était contre Melanesia 2000 ; Joseph
Caihe a participé sur le territoire à la mise en place du festival.
20 ans après ils échangent leurs points de vue ...
Fote TROLUE : A l'époque de Melanesia d'orchestres locaux au Foyer Fraternel, il y
2000, j'avais 27 ans et j'étais à la faculté de avait des représentants de toutes les îles.
droit de Montpellier. Je venais de terminer En 1975, j'étais étudiant à Bordeaux en
mon service militaire, je l'avais fait après un sciences économiques. A ce moment là, le
report pour les études. J'étais en maîtrise service militaire m'a appelé et Jacques
de droit lorsque l'événement de Melanesia Iékawé m'a proposé de travailler avec eux
2000 est arrivé. tout en m'assurant qu'après Melanesia
2000 je serais appelé sous les drapeaux On avait l'habitude de se réunir entre comme V.A.T. (Volontaire à l'Aide Techétudiants pour parler de la Calédonie et
nique). plus particulièrement du monde kanak.
Pour nous, c'était un événement nouveau, Melanesia 2000 devait faire l'inventaire
il fallait que l'on se réunisse pour échanger du patrimoine culturel kanak car on esti
nos points de vue et également pour mait que les Kanak des Iles et de la Grande
essayer de faire parvenir notre avis sur le Terre n'avaient pas la même manière de
territoire. présenter les offrandes coutumières, les
coutumes ; il y avait des nuances. Cela perJoseph CAIHE : Moi, j'avais 25 ans et j'ai mettrait au peuple kanak de se retrouver et
participé à cet événement à la demande de à long terme de préparer Caledonia 2000,
Jean-Marie Tjibaou et de Jacques Iékawé. symbiose de toutes les cultures qui compos
J'ai été sollicité parce que j'étais avec ent ce Territoire.
Jacques Iékawé co-responsable de la délé
J'allais voir les gens et j'expliquais ; je ne gation calédonienne au premier Festival des
faisais que refléter ce que Jean-Marie arts du Pacifique qui s'est déroulé en 1972
Tjibaou avait écrit à propos de Melanesia à Suva (Fidji).
2000, à savoir qu'il est temps que l'on fasse
Je m'intéressais à la culture. Je faisais l'inventaire du patrimoine kanak et de se
souvent partie de groupes de jeunes au rencontrer entre nous, les Kanak, de mieux
sein de l'Eglise où l'on animait des fêtes et se connaître ; les gens des Iles et de la
des kermesses. J'étais toujours à la tête Grande Terre ne se rencontrent pas facil
ement. Il n' des groupes folkloriques et musicaux. J'ai y avait pas eu de véritables ren
été le premier à promouvoir un concours contres, de véritables dialogues au sein du SOCIETE DES OCEANISTES 154
peaux. J'ai demandé des explications que peuple kanak si ce n'est de temps en
temps entre tribus et si on ne se compren je n'ai pas eues ... Alors, par rapport à l'e
ait pas, on se bataillait... ngagement que j'avais pris auprès des
vieux, des chefs, des petits chefs en les Le message était bien reçu. Ce qui a pro
sensibilisant sur les objectifs de Melanesia voqué un déclic chez les gens c'est qu'une
2000, le fait d'arrêter comme ça subitement organisation, le Comité de Développement,
mon action c'était mentir à tous les gens à présidé par Jean-Marie Tjibaou, a pris les
qui j'avais adressé un certain discours, je choses en main et s'est occupé de la cultu
me suis senti frustré. Je ne pouvais pas re kanak.
accepter de faire le service militaire. J'ai dû La culture kanak est quelque chose d'in combattre cette injustice en refusant de né, on n'organise pas pour porter l'uniforme. En refusant d'obéir aux essayer de promouvoir la culture kanak. On ordres de l'autorité militaire je savais où se rencontre dans des manifestations cou- cela allait me conduire : cela m'a valu deux tumières, on s'exprime sans dire la culture mois de prison mais ces deux mois de prkanak est comme ça, on la vit à travers des ison ont permis d'apporter la lumière à cette événements coutumiers. Mais là, c'est la affaire. Je n'étais pas un antimilitariste toute première fois où l'on dit que l'on se mais je contestais une injustice. J'ai pu rassemble dans un lieu, pour montrer la m'expliquer, les journaux en ont parlé, cela culture kanak, à toutes les autres commun a provoqué un certain remous politique. autés bien sûr, mais c'est surtout pour Après, j'étais tranquille avec ma consciennous, l'occasion de nous retrouver. ce et j'ai pu faire mon service militaire.
Il a fallu suivre les chemins coutumiers et
Après le service militaire, je suis rentré à passer des nuits et des nuits pour palabrer
l'ORTF grâce à Melanesia 2000 : je proavec les gens. Respecter le chemin coutu-
nonçais des discours un peu partout et à mier, c'est à dire qu'il faut rencontrer les
l'époque on cherchait à avoir un journaliste gens dans la tribu pour arriver à la hauteur
kanak. On m'a demandé si j'étais intéressé du chef. Une fois ce sentier coutumier res
par le métier de journaliste. Au départ j'ai pecté, les gens sont très réceptifs au mes
refusé, c'était un monde à part et tellement sage. Les voyaient que notre démar
inaccessible pour nous... Jacques Iékawé a che était sincère. Il fallait du temps pour
été voir mon père pour me forcer d'acceptprovoquer une réunion avec tous les él
er. éments représentatifs de la tribu. L'exigence
que nous avons eue à l'époque était de ne F.T. : Le message de Melanesia 2000
négliger personne. arrivait difficilement au niveau des étu
Les gens posaient des questions et je diants, on apprenait par le biais des jour
leur expliquais qu'au vue de l'évolution du naux qu'il y avait une organisation culturell
pays il est important pour nous, peuple e qui essayait de dévoiler la culture kanak.
kanak, de se retrouver et qu'un jour ou Nous étions quelques années après 68 et il
l'autre se posera la question de notre pré y avait une certaine ambiance au niveau
sence et de notre place dans le pays. On des facultés : l'esprit critique et l'interpella
est confronté aux autres communautés, si tion de soi étaient très développés.
on veut évoluer dans ce pays il faut d'abord Pour nous qui sortions de Nouvelle se déterminer soi-même et se donner des
Calédonie, après les Foulards Rouges, points de repère. Il y a les politiques mais
nous avions notre culture et la recherche nous, nous sommes là pour dire que nous
de notre identité à fleur de peau ; nous avons une richesse extraordinaire qui est avons reçu cela comme la livraison d'une notre culture. On n'avait pas cette différen culture, dans une situation particulière, à ciation entre Kanak des Iles et Kanak de des gens qui faisaient peu cas de notre Grande Terre, on ne se posait même pas la
culture : c'était livrer le peu qui restait de question, on se considérait comme Kanak
notre culture à ceux qui ont toujours maravant tout. A partir du moment où l'on
ché sur nos valeurs. gérait la culture kanak on s'est dit : on est
un peuple uni et indivisible. C'était un discours d'intellectuels de
l'époque mais c'était notre vision de 20000 Après Melanesia 2000, j'ai senti à mon
km. On disait que c'était très dangereux niveau une volonté de stopper mon aventur
parce qu'on allait assister là, à un début de e dans cette entreprise. Un matin, on m'a
folklorisation de notre culture. Ce n'était fait dire que je devais rentrer sous les ANS - MELANESIA 2000 - TEMOIGNAGE 155 20
pas au Kanak à livrer sa culture mais c'était l'époque puisque nous avons eu droit à
aux autres à s'intéresser la culture kanak. deux oppositions des partis politiques de : le RPCR de l'époque et le PALI- Ce n'est pas au Kanak à se d

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