Victor Hugo Louis-Philippard ? - article ; n°1 ; vol.38, pg 267-282
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Description

Cahiers de l'AIEF - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 267-282
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Guy Rosa
Victor Hugo Louis-Philippard ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1986, N°38. pp. 267-282.
Citer ce document / Cite this document :
Rosa Guy. Victor Hugo Louis-Philippard ?. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1986, N°38. pp.
267-282.
doi : 10.3406/caief.1986.1982
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1986_num_38_1_1982VICTOR HUGO LOUIS-PHILIPPARD ?
Communication de M. Guy ROSA
(Paris)
au XXXVII* Congrès de l'Association, le 25 juillet 1985
« Une ancienne notabilité du temps de Louis-Philippe ».
Le mot est de Karl Marx et désigne Victor Hugo. Avouons
que cette qualification lapidaire résume l'image reçue de la
vie et de la carrière du poète pendant la Monarchie de Juillet.
Il fait bon visage à la révolution, mais n'y participe pas ;
il exécute la commande gouvernementale d'un Hymne aux
morts de Juillet, mais flirte avec le roi Joseph ; en juin 1832,
il pétitionne contre l'état de siège, mais rédige ainsi l'épitaphe
des amis de ГАВС : « Emeute du convoi de Lamarque.
Folies noyées dans le sang ». Contre l'interdiction du Roi
s'amuse, iJ mène un procès retentissant, mais prend la précaut
ion d'en désintéresser le roi et d'innocenter le ministère en
dénonçant les menées d'une cabale littéraire ; s'il avoue enfin,
en publiant Littérature et philosophie mêlées, avoir changé
de couleur politique, celle qu'il revêt semble bien pâle : gris
de souris à peine rassurée.
Jusqu'en 1835, il donne le sentiment d'une double hésita
tion: entre les tendances politiques modérées — bonapartisme,
résistance et mouvement, car aucune sympathie n'est jamais
manifestée aux républicains — , et entre les diverses formes
de l'intervention politique : souhaitant une tribune mais
refusant d'être tribun, magnifiant le rôle de la presse sans y
prendre part, faisant tour à tour devoir au poète, au dramat
urge surtout, d'intervenir dans l'histoire présente et d'attendre
la compréhension des générations futures. 268 GUY ROSA
Cette irrésolution-là cesse d'abord. Comité des monuments
inédits, candidature à l'Académie, commission de la propriété
littéraire : Hugo entre dans la politique par le détour des
institutions culturelles. Entreprise confirmée et, la famille
royale aidant, couronnée de succès dans les épisodes plus
connus qui suivent, de la fête de Versailles en 1837 à la
pairie. Du même coup s'aplanissent les irrégularités du choix
politique. Tandis que la France s'assagit et commence de
s'ennuyer, Hugo devient gouvernemental. Des six discours
prononcés à la Chambre des Pairs, un seul prend position
contre le ministère, celui sur la propriété des œuvres d'art ;
encore est-ce avec une extrême timidité, et les trois qui sont
politiquement importants — sur la Pologne, sur la pétition
de Joseph Bonaparte, sur le pape Pie IX — tendent à réduire
un mince dissentiment entre le gouvernement et la majorité
de la Chambre (1). On sait la fin : cette proclamation de Ja
régence, illégale (2), de la duchesse d'Orléans qu'on dirait
faite avec un courage accru du sentiment de s'être fourvoyé.
Le plus souvent, cette conduite indécise ou terne est ren
voyée à des motifs personnels. Les admirateurs du Hugo de
l'exil, qui sont aussi ceux des raideurs effervescentes de sa
jeunesse, apprécient peu le double démenti que s'inflige
rétrospectivement J 'ultra-royaliste catholique et, d'avance, le
républicain socialiste. Verdict signé Henri Guillemin : « Tout
ce grand tumulte intérieur (entendons celui de Cromwell, des
Orientales et du Dernier Jour d'un condamné) n'aboutit qu'à
la plus pauvre, à la plus facile des révoltes : la revendication
du droit à l'amour ; autrement dit, Hugo aura, publiquement,
une maîtresse. [...] Il va choisir, à défaut de la gloire, les
honneurs ; à défaut de la grandeur, les grandeurs d'institu
tion. [...] Il renonce [...] et ne vise plus qu'à s'assurer un
(1) Dans les trois cas, il s'agit de détails de procédure ou 4e rédaction.
(2) Après la mort du duc d'Orléans, une loi confia la régence au
second fils de Louis-Philippe, le duc de Nemours. L'opposition « de gauche »,
dont Lamartine, avait demandé que la régence fût confiée à la duchesse
d'Orléans, qui était jugée beaucoup trop favorable aux libéraux par le Roi,
Guizot et Thiers. Ceci éclaire l'intervention conjointe de Hugo, d'Odilon
Barot et d'Emile de Girardin en février 1848. VICTOR HUGO LOUIS-PHILIPPARD ? 269
rôle politique eminent ; non point, comme Lamartine, par
la voie de l'opposition, mais au contraire par la faveur et
l'estime méritée du Roi. Le vicomte Hugo entre à la chambre
des Pairs [...]. Il approche la cinquantaine ; il « réalise » ;
il fait une fin ; il s'assied. Il a de l'argent » (3).
L'envers du tableau est au paragraphe suivant : l'audace
suicidaire du double adultère publiquement constaté, Claude
Gueux, Les Misères. Mais, même si l'on ajoutait d'autres
indices — cette Fantine tirée d'un commissariat, l'antithèse
d'un galérien et d'une duchesse, l'attention toute nouvelle au
peuple rencontré dans la rue, écouté, noté... — , le mal serait
fait. La politique de Hugo se nomme alors abandon et ambit
ion ; on attendra 1850 pour y prêter plus d'attention (4).
Sans nier les appétits ni les distractions, il faut corriger
ce à quoi conduit leur prise en compte exclusive : une méconn
aissance de la pensée politique de Hugo entre 1830 et 1848
qui fait sous-estimer sa cohérence et sa continuité au-delà de
février. Une fois réduits en effet à la contradiction entre les
nécessités d'une carrière et les appels d'une conscience, les
mots d'ordre hugoliens ne forment plus qu'un système de la
mauvaise foi, exactement « philistin ». La liberté revendiquée
se dégrade en défense corporatiste des amoureux et des
artistes ; la « substitution des questions sociales aux ques
tions politiques » (5) devient l'aveu, retourné en programme,
d'une désertion politique drapée des prestiges pâles d'un
humanitarisme mou ; les plaidoyers pour la « civilisation »
se traduisent sommairement en langue ministérielle : « Enri
chissez-vous par le travail et par l'épargne » ; le bonapartisme
(3) H. Guillemin, V. Hugo par lui-même, Le Seuil, « Ecrivains de tou
jours », 1951, p. 15-16.
(4) De fait, les biographies et même les études spécialisées ignorent
ordinairement la période 1830-1848 lorsqu'il s'agit des engagements poli
tiques de Hugo. C'est, en partie, la conséquence de l'attention accordée à
la carrière et surtout aux amours et aux deuils.
(5) La formule apparaît, à notre connaissance, dans Littérature et philo
sophie mêlées (V. Hugo, Œuvres complètes, édition chronologique sous la
direction de Jean Massin, t. 4, p. 1002 ; nous désignerons désormais cette
édition par les initiales O.C, suivies du numéro du tome). Elle sera
souvent reprise ensuite. 270 GUY ROSA
de Hugo, jamais aussi éloquent, serait au poète ce qu'est au
Roi le Retour des cendres : le vernis d'une gloire d'emprunt
imprudemment appliqué sur le mercantilisme bourgeois.
Outre le soupçon, Hugo est ici victime de deux injustices.
Le contraste de cette époque de sa vie avec les débuts et
avec l'exil conduit à tirer sens d'une coïncidence et à ident
ifier abusivement le développement de sa carrière avec le
régime ; le régime lui-même souffre du discrédit jeté sur lui
par la triple tradition des républicains vainqueurs, de la Jeune
France impatiente — dont on oublierait presque qu'elle
applaudissait le dramaturge prétendument embourgeoisé — ,
et des conservateurs grand teint, Balzac en tête. En réalité,
pacifique et prospère, l'époque fut brillante dans l'ordre de
la civilisation : grands hommes d'Etat, intelligentsia remar
quablement active et féconde, chemins de fer, routes et ca
naux, instruction primaire, réforme du code p

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