Algérie, une mémoire à vif
167 pages
Français

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Algérie, une mémoire à vif , livre ebook

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Description

Cet ouvrage revisite l'Algérie d'hier pour comprendre celle d'aujourd'hui. Quelle est l'origine de la violence qui se manifeste dans la société algérienne depuis une quinzaine d'années de manière si dramatiquement récurrente ? L'intuition de l'auteur est qu'il faut la chercher dans le passé, dans l'inconscient collectif d'un peuple marqué par des décennies de mensonges et de propagandes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2008
Nombre de lectures 100
EAN13 9782336266855
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://lwww.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan I @wanadoo.fr
9782296061156
EAN : 9782296061156
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Préface Prologue Un enfant de la guerre Un exil impossible Le balcon de Blaise (1) Le balcon de Blaise (2) « Tu es Français, petit misérable ! » Le balcon de Blaise (3) « Moins qu’un homme, bien plus qu’un salaud » Le balcon de Blaise (4) Le balcon de Blaise (5) Actualité de la controverse de Valladolid Le balcon de Blaise (6) Un cauchemar familier Naturaliser les mémoires Retour à la tribu ? Une utopie ? Epilogue
Algérie, une mémoire à vif
ou Le Caméléon Albinos

Brahim Senouci
« Qui cherche la vérité de l’homme doit s’emparer de sa douleur. »
Georges BERNANOS
Préface
Je suis personnellement très reconnaissant à Brahim Senouci de nous avoir permis, grâce à sa franchise et à son parcours très particulier entre l’Algérie et la France, de toucher à certains des ressorts les plus secrets de l’âme et de la sensibilité de ses compatriotes.
La lecture de son « Algérie, une mémoire à vif » provoquera chez tout lecteur français un choc salutaire, tant l’histoire des relations entre son pays et l’Algérie y est rappelée sans ménagements, mise à nu dans sa barbarie, en contraste avec le discours trop souvent proposé en France sur les “bienfaits de la colonisation”.
Nous avons besoin de prendre enfin pleinement conscience de ce qu’ont été sur cette autre rive de la Méditerranée la brutalité des militaires, l’égoïsme des colons, le mépris écrasant pour les “indigènes”. S’agit-il d’un passé lointain, qu’il faut aujourd’hui oublier ou faire disparaître dans les replis de l’Histoire ?
Non, car les traces qui en restent obscurcissent encore le présent de l’Algérie. Le régime bureaucratique et maladroit qui a retardé tout vrai développement des ressources de ce pays potentiellement si riche, l’auteur en donne une image où l’humour cache mal la désillusion.
Il nous permet ainsi en termes simples et clairs de mesurer ce que représente pour les Algériens d’aujourd’hui la tâche d’assumer ce siècle de dénégation de leur culture, de débattre entre eux et avec nous des traumatismes qui en sont nés, de comprendre les formes que prennent leurs comportements les plus familiers, où se mêlent l’angoisse devant un destin incertain et la recherche du confort d’une authentique présence conviviale.
En retraçant avec Brahim Senouci ce trajet tantôt accablant, tantôt humain et fraternel, nous gagnerons ce qui nous est plus que jamais nécessaire : un vivre-ensemble honnête, franc, libéré entre les peuples des deux rives.
Stéphane Hessel
Prologue
Il est question dans cet opuscule de l’Algérie, celle d’hier, celle d’aujourd’hui...
Les événements liés à la conquête et à l’occupation coloniale rapportés dans cet ouvrage sont rigoureusement authentiques. Toutefois, je ne prétends pas fournir au lecteur de clés ou de grille pour les expliquer. D’éminents scientifiques, historiens, sociologues, l’ont fait avec bonheur. Leurs travaux se sont souvent traduits par des livres épais, fourmillant de références, replaçant chaque événement dans son contexte social et historique. Au-delà de l’horreur que suscite la violence, ils se sont attachés à montrer la chaîne complexe des faits qui y ont conduit.
Une telle complexité est absente de cet ouvrage. D’aucuns le trouveront manichéen. Je ne suis pas historien. Je suis juste un Algérien. A l’instar de mes compatriotes, j’ai du mal à me défaire d’une culpabilité aux origines incertaines, du poids de la barbarie prêtée à mes ancêtres. J’entends le discours moral de ceux qui les ont investis puis massacrés au nom de la civilisation.
Pendant longtemps, j’ai vécu mon ascendance comme un fardeau, comme une tare originelle. J’ai été tenté de gommer une algérianité trop pesante, de me défaire d’une mémoire dévalorisante, de trouver la paix par l’oubli. Je n’étais pas seul à éprouver une telle tentation. A l’Université d’Alger, dix ans après l’indépendance, on ne parlait que le français. L’arabe était la langue des arriérés, des laissés-pour-compte.
Paradoxe ? Apparemment. Au lendemain de la débauche de violence qu’a vécu l’Algérie et qui a fini par accoucher de l’indépendance, on aurait pu penser en effet que la population, en particulier ses intellectuels, se serait empressée de renouer le lien avec la patrie “d’avant”, de réintégrer son être culturel, de faire revivre sa langue... Rien de tel. Bien au contraire. Il a fallu les oukases du pouvoir pour imposer une arabisation boiteuse, perçue par les élites francophones comme une agression. L’Algérie s’était affranchie de la tutelle française mais pas de l’image négative de ses origines, image forgée par la propagande coloniale.
Un soir de mai, la télévision française diffuse une émission sur les massacres de Sétif, une diffusion très tardive, à destination sans doute de téléspectateurs insomniaques. Des petits films d’archives en noir et blanc ponctuent les échanges entre les historiens sur le plateau. L’un de ces documents, muet, montre des soldats encerclant une misérable tente. Après sommations, un berger en sort. Bien que ce soit le printemps, il est engoncé dans une djellaba informe et un turban lui mange la tête et la bouche. Ses yeux sont rivés au sol. On ne les voit donc pas. Qu’expriment-ils à cette heure? La peur, ou plutôt le sentiment de résignation face à une mort annoncée qui ne fera la Une d’aucun journal. La scène est très rapide, presque fugace : aucun échange verbal ; il aurait sans doute été superflu. Un soldat vide son arme et le berger s’effondre mollement, comme un ballot de vieux vêtements.
La même scène s’est répétée à l’infini à Guelma, Kherrata, Sétif... Des milliers de ballots de vieux linge ont été précipités dans les gorges de Kef Boumba, enterrés à la va-vite dans d’immenses fosses communes, dissous à l’acide ou brûlés dans des fours. Des historiens l’ont rapporté, des journalistes, des documentaristes également. Toutefois, personne n’a capté un regard, un sourire, les larmes silencieuses d’une mère. Ces milliers de morts ne faisaient événement que par leur nombre. Ils n’avaient pas de visage.
L’Algérie elle-même n’avait pas de visage, hormis celui des chromos rassurants de palmeraies, de coupoles de mosquées ou encore celui de la mythologie coloniale fait de soleil, de rires, de kiosques à musique et d’anisette. Plutôt, elle en avait un ; c’était celui, dissimulé sous son turban, de ce berger résigné.
La liturgie coloniale n’a eu de cesse, pendant plus d’un siècle, de nier l’existence d’une société algérienne présentée comme un ramassis de tribus barbares que seul le glaive pouvait administrer. Rien dans cette société ne trouvait grâce aux yeux de l’occupant. Tout, sans nuance, n’était qu’arriération, brutalité..., toutes choses que la civilisation portée à la pointe de l’épée se promettait de réduire.
Eternelle dichotomie entre le Bien et le Mal, dont on sait les ravages qu’elle exerce encore de nos jours.
De tout temps, les conquérants ont présenté les peuples conquis comme des hordes barbares. Il le fallait pour faire accepter par leurs opinions publiques l’exclusion de ces peuples du champ du droit. Il le fallait pour faire accepter que des nations en principe démocratiques instaurassent des régimes d’exception, Code Noir ou Code de l’Indigénat, pour des populations dont elles s’étaient arrogé la charge sans leur accorder la citoyenneté. Le discours colonial est un discours sans nuance, un discours de l’“ici et là-bas”, du “nous et les autres”. Ce discours a permis à l’expédition coloniale de se déployer dans toute sa brutalité, avec son cortège d’enfumades, d’emmurements, de crimes de masse. Bon nombre d’intellectuels français lui ont apporté leur compréhension, voire leurs encouragements.
Hier comme aujourd’hui, la propagande coloniale s’est construite sur un mensonge.

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