Aux yeux du souvenir
232 pages
Français
232 pages
Français

Description

Ce livre est une invitation à un voyage dans le passé. Un grand-père octogénaire retrace ses débuts dans la vie, depuis l'école d'un village de Lorraine jusqu'à une caserne de Tunisie. Il explique à ses petits enfants leurs origines familiales tout en évoquant le monde rural des années trente que vient bouleverser la guerre : l'expulsion, les années d'occupation en Rhône-Alpes, le retour dans une province meurtrie, les études et le service militaire au Maghreb.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 12
EAN13 9782296487352
Langue Français
Poids de l'ouvrage 17 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Aux yeux
du souvenir
Les jeunes années d’un Mosellan
1928 - 1952

© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56845-7
EAN : 9782296568457

Paul Clémens

Aux yeux
du souvenir

Les jeunes années d’un Mosellan
1928 - 1952

L’Harmattan

À Claudette, la compagne de ma vie,
à mes enfantsBrigitte, Michel, Irène, Monique,
en nous souvenantde Pierre avec beaucoupdetendresse,
àmes petits-enfantsChloé, Marion, Pacôme, Nathan, Lou, Nina,
etàmesanciensélèvesde Metz, La Roche-sur-ForonetDole.

Routes : traits simples,
voiesferréesexistantesdans lesannées trente :hachures,
gares (Guébling, Dieuze, Bénestroff, Léning):petits rectangles.

AVANT-PROPOS
I
l m’arrive defredonner un refraind’autrefois:
Combien j’aidoucesouvenance
Du joli lieudemonenfance…
Jesonge alorsàmon villagenatal quej’ai quitté àl’âge de douze ans.Quandjele
revisite– rarement ilest vrai – j’éprouve delajoie,maisaussi unegrandemélancolie.On
meregarde àpeine,jesuis unétrangerdepassagesur mapropreterre.Jemesensécartelé,
les souvenirs vivacesdu passé chassent lavision présente et se bousculentdans ma
mémoire.Qu’il soitbeau ou non,lelieudenotre enfancelaisse dans l’âmeune empreinte
ineffaçable.Tenez, avez-vous vu par hasardlefilmRue Cases-Nègres?L’action sepasse
àla Martinique dans l’entre-deux-guerres.On yévoquelavie d’un village antillaisde
cette époque-là.Les jeuxdes gamins,lesbêtises qu’ils font,leurattitudeface àleurs
parents ou instituteurs, certainsdétailscommelavisite du maître d’école chezdes gens
modestes,pour leurdire :“Vous savez,votregarçonestéveillé et travaille bien,il pourrait
faire desétudesetdevenirenseignant… il ya desbourses pour vousaider”.Toutcelam’a
rappelémonenfance; j’éprouvais unesensation intense de déjà-vu, et pourtant,quelle
différenceprodigieuse detypehumain, de climat, devégétationavecmon villagenatal,
qui vaparaître bien fade encomparaison !Cetteplongée dans lepassé aravivé en moi une
foule desouvenirs.
Aveclavieillessel’avenir serétrécit,ou plutôt ilest leprésent quandon regardeses
petits-filset petites-filles.Or il mesembleparfois quemesenfants, et surtout mes
petitsenfants ignorentd’où jeviensau juste, comment j’ai grandietdequellemanièrej’ai vécu
dans monenfance etadolescence.C’est pouréclairer leur lanternequej’aiécrit les pages
qui vont suivre.J’y rapporte des faits tels quejelesai vécus,tels qu’ils m’apparaissentdans
lesouvenir, etcertaines réactions sembleront forcément naïveset puériles, car jeremonte
àmonâgeleplus tendre.Pour qu’oncomprennemieux mon histoire,jela commente
souvent, àmamanièresansdoutesubjective(commentêtreimpartial quandon parle de
soi ?) ; lamémoire, du reste, est sélective et tend,peut-êtreinconsciemment, àlaisserdans
l’ombre certaines réalitésetà en mettre d’autresen valeur.
Les premièresannéesdel’existenceproduisent sur unenfant, cette ciremolle, des
impressions puissantes quicontribuentàfaçonner soncaractère.Et,petits,nous imitons
instinctivement les grands, à commencer par nos parents, et puis lesautresenfants, car
nous voulonsêtre bien vusd’eux, estimés, etéviterde devenir la cible deleurs moqueries.
Ah !leregard d’autrui,sourcilleux ou gouailleur,quellefortepre!ssion sur nousQu’on
songeparexemple àlatyrannie des modes.Mais les usageset lescomportements ont
e
bienchangé depuis lesannées trente duXXsiècle.Aussi faut-il,si l’on veutbien me

- 9

comprendre, situer les faits dans leur contexte d’époque et ne pas y appliquer les critères
e
duXXIsiècle.Lesconformismes,s’il yenatoujours,nesont plus les mêmes.
Jen’ai pas toujours respectérigoureusement l’ordre chronologique desévénements,
leurdatation m’échappeparfoiset jelesai plutôt regroupés par périodeset par thèmes.On
trouvera donc des retoursenarrière àplusieurs reprises.Enfin j’aicrubonde donnerdes
précisions historiqueset surtout géographiques, complétées pardes notes, aucas où l’on
voudraitconcrètement voir les lieux oùa commencél’aventure demavie.

L’auteur (1929).

- 10

Chapitre un

LE VIEUX VILLAGE PRÈSDUCHÂTEAU

C’est en effet lasignificationde cetoponyme,“Bourgaltroff”,villageoù jesuis né
1
le8août 1928 (à8 heuresdu matin !).Pourquoicenom germanique àpeinefrancisé en
Mosellefrancophone?Jem’enexpliquerai par lasuite.
Où lesituer ?Àenviron soixantekilomètresau sud-estde Metz, àune cinquantaine au
nord-estde Nancy, àquelquequarantekilomètresd’un saillantdelafrontière allemande
(entreCreutzwald etPetite-Rosselle).Si l’on veutabsolument savoir,il fautdéplier
“l’accordéon”dela carte Michelin n°307 (Meurthe etMoselle-Meuse-Moselle).Une
fois repéréelapetiteville deDieuze,le chef-lieude canton,l’on remontevers lenord
sur 8kilomètres jusqu’àuncroisement,on yest:levillage deBourgaltroffest juste à
gauche.
Leplateau lorrain qui s’étend en grosentre Meurthe, Sarre etMosellen’est pas vraiment
plat ;si l’altitudemoyenne avoisinelesdeuxcentcinquantemètres,ilest sillonné de
vallonsetboursouflé de collines.
Bourgaltroffest justementadossé àune de ces hauteurs qui leprotège du nord,la
“Bosse desVignes”dont leversant méridionalabruptétaiteffectivement recouvertde
vignequi onts –disparuaujourd’hui –produisant uneméchantepiquette.En 1940,un
soldatduRoussillon m’a dit:“Ilestemm’buvablevotreving,on’ndiraitdu vinaigre!
Dans les vignes il yavaitbeaucoupd’arbres fruitiers,surtoutdescerisiers,quevisitaient
régulièrement les garnementsdu village“au tempsdescerises”bien sûr !

1Autreimpressionen lisant lenomdeBourgaltroff:“Ondirait un nombulgare!” m’a dit un
jour un professeurderusse àlafaculté deDijon.Ilest vrai que beaucoupdenomsdeBulgariese
terminenten -off ou -ovcomme enRussie et qu’uneville delà-bas s’appelleBourgas ;combinez
lesdeuxélémentset vous obtenez presqueBourgaltroff !

- 11

Vers l’ouest du villages’élèventdescollinesboisées qui formentcommeunepetite
chaînemontagneuse allongée :la Forêtde Bride,jadisBoisduRoy, dépassant parfois
les troiscents mètresd’altitude!C’est fort modestemaisconstitueunejolietoile de
fondverte.Vers l’estendirectiondeBassing (etSarrebourg) lepaysage est unesuite de
petites plaines, devallonsetde collines trèsarrondies,parfoisen mamelons.Quandon
monte au nordsur leplateau versBénestroff,onaune assezbellevue; par tempsclair,
ondistinguefortbien lesVosgesavecle(Mont)Donon quiculmine àmillemètrescôté
sud-est ;en plein sudonaperçoit l’étangde Lindrequi,paraît-il, est l’undes plus grands
deFrance(620 hectares,si mamémoirenemetrahit pas).Larégionentrelesboisde
Bride etSarrebourgestcelle desétangs (classéeréservenaturellerégionale denos jours),
plansd’eau fort nombreuxetdetoutesdimensions ;Bourgaltroffa d’ailleurs lesienàun
kilomètre au nord.Vers lesud et l’ouestc’est le Saulnois,paysdu sel (cequ’évoquentdes
nomscommeChâteau-Salins,laminusculesous-préfecture ducoin, Salonnes, Marsalet
peut-êtrelarivière Seille).
Mais revenonsau village.Enbas vers lasortieouestcouleun ruisseau qui sejette
dans la Seille àDieuze, àhuit kilomètresau sud; il reçoit lenomde Spin un peuenaval
du village, après sonconfluentavecles ruisseauxdeBédestroffetdeGuébling.Comme
pas maldelocalitésdu plateau lorrain,Bourgaltroffaunelonguerueprincipale assez
large; il yavaitautrefoisdes tasdefumierentreles fermeset la chaussée,sur les “usoirs”,
espacesagricolesen quelquesorte.MaisàBourgaltroffc’était moins net qu’ailleurs, car
uncertain nombre d’habitants travaillaient non pas laterre,maisallaientàl’usine(lasaline
deDieuze) ouau “chemindefer”commeondisait, c’est-à-dire àlagare deBénestroffà
six kilomètresau nord,petit nœudferroviaireoù se croisaientàl’époqueles
lignesMetz2
Strasbourg, Sarreguemines-Nancyetd’où partait lapetiteligneBénestroff-Avricou

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents