Figures de violence
162 pages
Français

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Description

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la violence n'a plus pour seul témoin le protagoniste présent au moment des faits. Elle a désormais pour contemporaine une société de lecteurs, de spectateurs, de joueurs et d'internautes. Cet ouvrage souhaite précisément interroger l'apport des différentes pratiques médiatiques dans le processus de transmission de la violence et témoigner de la constante transfiguration de ses contours émotionnels, dont les fictions culturelles, sociales ou politiques tirent parfois profit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 32
EAN13 9782296484788
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FIGURES DE VIOLENCE
ESTHÉTIQUESCollection dirigée par Jean-Louis Déotte Pour situer notre collection, nous pouvons reprendre les termes de Benjamin annonçant son projet de revue :Angelus Novus. « En justifiant sa propre forme, la revue dont voici le projet voudrait faire en sorte qu’on ait confiance en son contenu. Sa forme est née de la réflexion sur ce qui fait l’essence de la revue et elle peut, non pas rendre le programme inutile, mais éviter qu’il suscite une productivité illusoire. Les programmes ne valent que pour l’activité que quelques individus ou quelques personnes étroitement liées entre elles déploient en direction d’un but précis ; une revue, qui expression vitale d’un certain esprit, est toujours bien plus imprévisible et plus inconsciente, mais aussi plus riche d’avenir et de développement que ne peut l’être toute manifestation de la volonté, une telle revue se méprendrait sur elle-même si elle voulait se reconnaître dans des principes, quels qu’ils soient. Par conséquent, pour autant que l’on puisse en attendre une réflexion – et, bien comprise, une telle attente est légitimement sans limites –, la réflexion que voici devra porter, moins sur ses pensées et ses opinions que sur les fondements et ses lois ; d’ailleurs, on ne doit plus attendre de l’être humain qu’il ait toujours conscience de ses tendances les plus intimes, mais bien qu’il ait conscience de sa destination. La véritable destination d’une revue est de témoigner de l’esprit de son époque. L’actualité de cet esprit importe plus à mes yeux, que son unité ou sa clarté elles-mêmes ; voilà ce qui la condamnerait – tel un quotidien – à l’inconsistance si ne prenait forme en elle une vie assez puissante pour sauver encore ce qui est problématique, pour la simple raison qu’elle l’admet. En effet, l’existence d’une revue dont l’actualité est dépourvue de toute prétention historique est justifiée… »Alain NAZE,Portrait de Pier Paolo Pasolini en chiffonnier de l’histoire. Temps, récit et transmission chez W. Benjamin et P. P. Pasolini, tome 2, 2011.
Alain NAZE,Temps, récit et transmission chez W. Benjamin et P. P. Pasolini.Walter Benjamin et l’histoire des vaincus, 2011.
Laurence MANESSE CESARINI (sous la dir.),L’enseignement de la philosophie émancipe-t-il ?, 2011.
Danielle LORIES et Ralph DEKONINCK (sous la dir. de),L’art en valeurs, 2011.
Sous la direction deRichard Bégin, Bernard Perron et Lucie RoyFIGURES DE VIOLENCE
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-96145-6 EAN : 9782296961456
Présentation Richard Bégin Bernard Perron Lucie Roy Dans son sens étymologique, la « banalité » désigne ce qui s’éprouve et se juge en commun. Ainsi, parler, comme on le fait régulièrement, d’une banalisation de la violencedansetparles médias invite à réfléchir sur la relation médiatique que la société actuelle entretient avec la violence ou l’événement tragique. Il se peut fort bien en effet que la société actuelle se voit progressivement façonnée par les « phénomènes médiatiques » qu’elle engendre. Ces phénomènes médiatiques ont de particulier qu’ils mettent fréquemment en scène des faits terrifiants, troublants ou choquants rendus visibles à toute heure du jour sur les grands et petits écrans, dans les jeux vidéo et dans l’Internet. Quotidienne, la violence n’a plus rien de l’épreuve unique, exceptionnelle et singulière, en ceci que les représentations de la violence sont nombreuses et immédiatement partagées. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989 jusqu’aux attentats du 11 septembre 2001 en passant par le phénomène Internet duBum Fightet les jeux de guerre en ligne, la violence n’a plus pour seul témoin le protagoniste présent au moment des faits. Elle s’éprouve en « réseau » et son événement s’inscrit dans un parcours médiatique en permanente extrapolation. L’existence de la violence est ainsi devenue inséparable de la médiation qui en fonde le projet, la transmission et la réception. L’intérêt d’interroger l’apport des différentes pratiques médiatiques dans le processus de transmission de la violence tient sans doute aux modifications sociétales auxquelles elles sont susceptibles de donner cours.
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Ce collectif est né de la volonté de créer une sorte d’agora, un 1 colloque Internet dans ce cas-ci, où chacun pourrait intervenir pour témoigner des idées qu’il se fait de la violence et des façons qu’elle a de s’exprimer. En guise d’ouverture à la discussion, un certain nombre de collaborateurs ont proposé de courts textes aux orientations variées. Les interventions ont été nombreuses et le nombre de lecteurs inespéré. Dans la mesure où nous avons convié le plus grand nombre possible de collaborateurs, d’intervenants et d’internautes à prendre part aux discussions entourant la violence, ce projet devait avoir une portée éthique. Nous pensions, en effet, que discutant de la violence en tant que phénomène social, il fallait bien que cette problématique retourne à la société. Le présent collectif est ainsi le fruit de réflexions nourries par la collectivité puisque les collaborateurs ont soumis leur texte à révision à la lumière des interventions auxquelles ils ont donné lieu. Aux termes du processus, il est apparu opportun de donner à lire l’ensemble des réflexions suscitées par le colloque Internet, et de le faire en délinéant le parcours des réflexions qui y sont proposées. Cet ouvrage, qualifié à juste titre de « collectif », se divise en trois parties dont les frontières sont toutefois perméables : « Violence et société », « Jeux et enjeux de la violence » et « L’Histoire et les récits de la violence ». La première de ces trois parties comprend des questionnements qui vont de l’exercice du pouvoir à celui de la médiation sociale et culturelle de la violence. Dans « Everyday Violence, Screen Culture, and the Politics of Cruelty : Entertaining Democracy’s Demise », Henry A. Giroux remarque, de diverses façons, que le pouvoir politique étatsunien s’en prend aux marginaux dont font notamment partie les sans-abris, les obèses et les Noirs. En raison du défaut d’entreprise dont les sans-abris sont les exemples, la tendance est, dans l’application des pratiques sociales intégrées par un grand nombre, presque de regretter le fait « qu’ils dorment, s’assoient, sollicitent, se couchent ». Dans «Violence d’une mémoire occultée », Émilie Houssa propose une lecture de l’action documentaire qui ne connaît pas d’équivalences immédiates avec le documentaire dont ont 1 Ce colloque Internet a par ailleurs fait partie de la galerie des activités du groupe de rechercheFigura qui a été initié par Bertrand Gervais (UQAM), l’un des cosignataires du colloque en ligneFigures de violence.
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sait qu’il est parfois utilisé à des fins de propagande. L’action documentaire se reconnaît, selon elle, à la volonté « de contrer certaines évidences médiatiques » et au fait d’empêcher l’exercice médiatique de l’oubli qui, dans certains cas, constitue un acte de violence. Alain Brossat prétend dans « Moralisme anti-violence et démocratie policière » que « la violence comme telle nesignifierien en particulier ». La violence est, par lui, soumise à une reproblématisation, dans la mesure où son sens paraît assorti au contexte dans lequel elle émerge et, encore, à une série de présomptions à caractère politique en vertu desquelles elle s’exerce. Les différentes formes de la violence sont ce qui l’intéressent, celle-là même des ouvriers qui, comme il le dit, est l’expression de la « vaillance » et celle-là encore qui, à cause de son effet dérangeant, s’exerce par refus de la part de l’autorité de voir que des événements se produisent de manière inattendue. Le texte « Violence et confession. Les combats de Grisélidis Réal » de Marie-HélèneLarochelle fait état du travail romanesque de cette romancière. Pour affirmer son identité de péripatéticienne, Grisélidis Réal fait violence aux pratiques romanesques habituelles qui sont moins affranchies. Conséquemment, il s’agit moins de récits à caractère romanesque ou à caractère fictionnel que d’un travail romanesque auquel est assortie la revendication d’une identité, celle d’un être qui est devenu un personnage social à cause de la fonction qui est la sienne. Ce texte de Marie-Hélène Larochelle se situe à la jonction des deux premières parties du collectif. C’est dire qu’il clôt la première consacrée à la violence politique et sociétale, et entame la deuxième qui examine les systèmes de médiation grâce auxquels elle s’exprime ou est dénoncée. La deuxième partie du présent collectif, qui s’intitule « Jeux et enjeux de la violence », accueille, en effet, des textes qui accordent leur faveur à l’examen de la violence soumise à médiation grâce à certains appareils (télévision, jeux vidéo, téléphone portable, etc.). C’est le cas dans le texte « Pourquoi les médias aiment-ils tant la violence ? » de Bernard Dagenais. L’auteur examine les systèmes de communication et remarque que la violence de toutes les espèces y est favorisée. Il suppose, à juste titre, que le développement des systèmes de communication qui s’adressent à un large public a connu un nouvel essor depuis que l’Internet est mis à disposition de l’ensemble de la population d’une partie de la planète. Avec, pour conséquence, que les pratiques violentes qui étaient hier réservées à quelques-uns font, pour
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certains internautes, l’« objet » d’usages privés. Bernard Perron et Guillaume Roux-Girard examinent les jeux vidéo réputés pour le privilège qu’ils accordent à la violence et font état de leurs mécanismes. Dans « Entre synchronisation et action : son et violence dans les jeux vidéo d’horreur », ils insistent sur l’aspect ludique de l’exercice de cette violence. Ils considèrent que, puisqu’il participe d’une certaine manière au réalisme des actions violentes, le son encourage la participation du joueur. Souvent oublié, le son demeure, pour eux, un élément fondamental de la ludicitédans la mesure où il a lui-même un caractère ludique, c’est-à-direréaliste. Suit le texte de Richard Bégin qui, dans « Violence et culture numérique : Autour du phénomène duHappy Slapping», compare de façon provisoire cette « pratique consistant à filmer l’agression physique d’une personne à l’aide d’un téléphone portable » au Slapstick. Il le fait en n’oubliant pas de noter les différences qui, en matière de violence, les séparent. Si, à une époque, les pratiques du Slapstick étaient faites de façon volontaire, ce n’est pas nécessairement le cas aujourd’hui ou, en tout cas, ce ne l’est plus sitôt que l’image de la victime est non seulement soumise, comme le note avantageusement l’auteur, à une médiation mais à une circulation des images. Dans ce cas, en effet, l’« image de soi » est devenue l’objet d’une agression à caractère figural. Le texte de Stephen Prince, « The Imaginary World of Media Violence », convie à réfléchir sur les rapports au vu, au su et à l’invu, au méconnu (les morts en Irak, les pertes humaines associées à l’ouragan Katrina, etc.). Ces rapports, qui participent de la violence, dévoilent un large pan de son exercice. Ils laissent, en effet, à penser que l’écranfait écran à la violence réelle et que la tendance est à la favoriser lorsqu’elle est fictive. C’est à une réflexion sur l’imaginaire de la violence à laquelle ce texte nous convie. Cette invitation trouve par ailleurs son prolongement dans la troisième partie du collectif.Le premier texte de cette dernière partie, « A Violent Ethics: Mediation and the Death Drive » de Todd McGowan, fait se rencontrer l’éthique (de la violence) et la subjectivité (l’imaginaire de la violence). Bien que l’éthique invite à réfléchir sur les incidences sociales et culturelles qui font immanquablement époque, elle est le fait de la subjectivité que l’auteur aborde sous un angle psychanalytique. Dans son texte se croisent ainsi deux imaginaires, celui de la subjectivité et celui des récits qui, « esthétisant » la violence, invitent au plaisir. Dans le deuxième texte,
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