Hymne à Georgine
292 pages
Français
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Description

La vie d'une femme ordinaire, en Afrique. Son éducation et son parcours, depuis l'enfance, le pensionnat, le mariage, jusqu'à sa mort tragique et la palabre traditionnelle funéraire. Cette femme, l'épouse de l'auteur, il en a été séparé de longues années, à cause de leurs communes aspirations à une vie meilleure. D'où une biographie partagée entre deux modes de vie et de pensée, entre deux mondes culturellement éloignés. Le tout est un hymne multicolore à sa compagne...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 août 2008
Nombre de lectures 268
EAN13 9782296196087
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PRÉFACE

Voici un livre qui vient enrichir la littérature congolaise de la
RDC pour ne pas dire africaine. Beaucoup d’écrits littéraires ont vule
jour dans ce pays mais sanstoustoutefois offrirun intérêtparticulier.
Le livre de Bilo O’ssour me semble répondre magnifiquementà ce
qu’on peutattendre d’un écritlittéraire. C’estque, d’abord, cetexte se
range parmi les mieuxécrits. Ensuite le sujetchoisi ne peutlaisser le
lecteur indifférentetpousse àune attente curieuse.
Ceci dit, il convientde souligner etde préciser le genre:une
autobiographie. Unevraie autobiographie. L’auteur a perdula
personne qu’il a aimée etqu’il continue d’aimer avec la même passion
après la disparition de cette dernière. Depuis leur première rencontre
auCongo, dans le Bandundu, région d’Idiofa, jusqu’audernier instant
de Georgine en Italie, l’auteur nous faitrevivre jour après jour les
sentiments, les idées, les démarches, les dialogues conjugaux, les
cadres, les contextes familiauxet tribaux, scolaires, sociauxet
politiques qui ontjalonné le parcours de savie avec elle.
On estici dansune lignée littéraire précise : il s’agitd’un écrivain
qui réinvestitdans sa création l’expériencevécue avantle moment
matrimonial avec la personne aimée non pas d’une manière
anecdotique mais continue. Ensuite sa rencontre avec celle qui
deviendra sa bien aimée. Puis le déroulementde leurvie à deux
jusqu’à la disparition de la bien aimée.
Réel etsincère, le récitcouvre lavie d’une femme ordinaire mais
régulière. Maints éléments de culture etd’éducation localesy
transpirentà suffisance depuis l’enfance jusqu’à la palabre
traditionnelle funéraire. Au-delà du vécuscolaire en pensionnat, du
ritetantmoderne quetraditionnel dumariage etde sonvécu, l’auteur
meten exergue de longues années de séparation entre son épouse et
lui-même aulendemain de leurs communes aspirations àunevie
meilleure. D’où une biographie d’une épouse partagée entre deux
modes devie etde pensée, entre deuxmondes culturellementéloignés.

Méprisant touteuphémisme, l’auteur porte auxnuesun abrégé de
raresvertus conjugales aumilieude quelques affres et vissicitudes de
lavie. Ainsi enfreint-ilvolontiers ce que l’on eûtsecreappelé «ts
conjugaux» envue d’une pédagogie à souhaitcorrectrice de certaines
mœurs... contrastantes d’avec de nombreuses etsingulières qualités
d’une fiancée, d’une conjointe etd’une mère. Letouten hymne
mult; poicolore à sa compagneurun public de cœur etd’esprit
métissés...
C’est une nouveauté dans la littérature africaine. Une
autobiographie sous forme d’un hymne. Poétique malgré la longueur
de la matière à raconter. Minute après minute, l’écriture s’yestbien
adaptée aurécit. Sans doute certains noms pourraientdérouter :
kassapards,terme par lequel les étudiants de l’Université de
Lubumbashi se désignententre eux;lakam,terme désignantle lieude
résidence des jeunes filles élèves dans les cités missionnaires
catholiques ; etc.
Hymne en prose cadencée, en prose poétique, poème en prose ou
prosopopée à la fois qui faitparler Georgine partie maistoujours plus
présente ‘biloïquement’ :toutcela à la fois ne peutqu’être mérité,
salué etchanté avec l’auteur.
« Tumetournes le dos !tume laisses seule ici ! jour etnuit! sous
le soleil etla plureprends-moi... reprends-moi aie !umilieude nos
enfants. Situne le peux vraimentpas, bonvoyage donc...
Embrasseles aunom de Maman... Tenezbon. Tenezfort. »

6

Georges Ngal

Je serais menteur. Foncièrement menteur, si je nous
hurlais une vie de saints. Nous avions aussi nos bas.
Surtout les miens propres. En effet, je vivais chargé
d'un panier de défauts. Etrangers à ma conscience.
Réels pourtant...Perpétuer cette femme revient en
devoir à mes pages...Calamités et griffes céderont au
regard de ses vertus que Vertu couve.

I

Notre ère. Trentième jour de mars 1963. Une fillettevoitle jour à
Tshampere. Secteur Dwe. Congo-Kinshasa. On la nomme
GEORGINE.
Aînée des septenfants de sa mère, Pauline Abumbele. Son père
gère avec éclatla comptabilité de plusieurs Secteu:rs d’Idiofa
Bulwem, Banga, Sezo, Kipuku... Par sa mère elle descend dupeuple
Bamputu. Etabli jusqu’auxconfins septentrionauxd’Idiofa. Ma
souche partage avec la sienneune fraternité séculaire. PreuvCee ?t
adage commun :mwan ompur, mwan ombun. En effetmon père avait
coutume de célébrer l’hospitalité légendaire dusouverain peuple
Pende autantque la fraternité originaire entre les Ambun etles
Bamputu. Mais je ne connaissais alors que les assiettes de ma mère. Et
la compagnie des autres bambins.
Georginevientaumondetrois mois et trois jours après le décès de
ma mère. Loin de la mission catholique Mwilambongo. Peuaprès, je
monte en deuxième primaire. C’estlaveille de la Révolution
Populaire Muleliste.
Etle destinvoulutqu’elle s’approchâtde moi. Elle arrive donc à
Banga. D’oùmes parentstirentorigine. Hormis Yassa-Lokwa et
Kanga. Nous n’eûmes nullementà nous connaître alors. En effetleur
séjour de Banga coïncida avec le mien dans la contrée de Kipuku.
Mon père, prématurémentretraité,yavaitéludomicile.
A Banga la petite écolière assimile rapidementma langue. Au
détrimentduloride Sezo. Elle lie de nombreuses amitiés avec nombre
de ses condisciples. Elle se souviendratoujours des Zunga-Zunga.
Pascaline en premier... La fougère de brousse. L’étourdissementde
son père devantla mimique en dance bunda. Le petitcommerce de
pain. De poisson salé. D’alcool... par les soins de sa mère.
Un souvenir particulier : « Souventles camarades de mon père lui
disaienten ma présence : comptable,ta fille-ci restera chezles
Babunda, elle sera notre femme. » Toutlui demeure gravé à l’esprit...

Débutdes années soixante-dix. Nombre d’agents administratifs de
l’ère Kasa-Vubupassentletablier à ceuxduParti Unique. Georgine
quitte Banga pour Bulwem. Auregretde ses amis de quartier. Et
d’école. L’irréprochable chef Zunga-Zunga salue donc avec amertume
le départde la famille Mayaka. Peuaprès, il se retire lui-même dans
ses plantations de Ndumba, Secteur Kipuku.
PartoutGeorgine brille par l’apprentissage immédiatetspontané
des parlers locaux. L’école primaire lui souritbien. La récolte des
champignons. La cueillette des chenilles de brousse. A l’occasion elle
découvre la chanson classique d’encouragementà la maternité dans
nos contrées :Ombim a nsa nkong adia wa nga mwan / akal nze mwan
mbila, nze wa n’ épa ?../oucette autre de la même obédience :Mukar
ekob mayéyé / mukar ekob mayéyé / mukar ekob mwan a na kasina ?..
/ kasin mwan a me mayéyé ngiope question mayéyé / ngiope question
mayéyé yandi kudila mayéyé…//Ces refrains rendent une sorte de
prise en charge alimentaire des mères par leur progéniture lors des
récoltes oudes cueillettes. Triste donc le sortde la femme stérile. Ils
traduisentaussiune sorte de pédagogie. Tantpréventive que funéraire.
A l’endroitd’éventuels sorciers de nos clans...
Georgine gardera à l’esprit un genre detroc d’avec des enfants
Kamtsa. Produits deteneur moderne contre quelques poignées de
chenilles. Elle en assimile sanstarder jusqu’auxexpressions
commerciales classiques. Et traditionelles par surcroît! Aupointd’en
émerv! Des leiller des originairesustres bientMais l’éard !tape de
Bulwem comme celle de Sezo ne durèrentpasune éternité pour la
famille.
Seconde moitié des années soixante-dix. Sous lachefferiede
Mazinga. Un amoureuxdu travail bien accompli. Kipukuestbaptisé
Collectivité Pilote. Un nouveaucomptableyarrive : Origène Mayaka
Mopene Shene. L’adolescente s’yretrouve donc comme parachutée.
Centre-oriental duTerritoire.
Je m’apprête à finir les Humanités. Georgine entre dans sa
treizième année d’existence. Mais je n’eustoujoursventni de la
famille ni de la fillette :mon séjour auPetitSéminaire me disposait

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