L Algérie en guerre
531 pages
Français
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Description

Personnage central de la guerre d'indépendance, Abane Ramdane retrouve sa place dans cette révolution algérienne à laquelle il a incontestablement imprimé sa marque au cours des trente premiers mois, décisifs, de l'insurrection. L'homme, son engagement et son action, sont restitués dans la complexité du mouvement armé de libération. L'auteur reconstitue, à travers ce personnage, les ressorts intimes de cette guerre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2008
Nombre de lectures 258
EAN13 9782296199804
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Préface

J'ai envie de dire que le plus difficile est fait sur ce sujet qu’ilporte en
lui depuis tant d'années. J'ai été émue d’entendre Bélaïd Abane me
confier un jour avec gravité, mais aussi avec joie et fébrilité, les raisons
de son engagement dans l'élaboration de ces ouvrages. Avec quelle
pudeur aussi (si propre au tempérament algérien, cette pudeur alliée à la
fierté d'être dans le juste !), il se justifiait. Il me mettait en garde contre
les horreurs que je pourraisylire sur cette sale guerre et le colonialisme
dont je suis une héritière. Comme s’il voulait s'en excuser par avance.

Je crois que chaque homme est porteur du meilleur comme du pire et,
malheureusement, je ne sais quel est le déterminant pour que s'épanouisse
plus l'un que l'autre. Comme si l'équilibre du monde ne pouvait tenir que
dans cette dualité obligée.

Quand à cette notion évoquée ensemble, de responsabilité collective
vis-à-vis de l'Histoire, je n'ai pas de sentiment net à ce sujet. Je crois que
j'ai très tôt pris conscience lors de mes premiers cours d'histoire au
primaire et en découvrant le génocide juif, que la "formidable" capacité
de violence de l'homme était une évidence (car je la sentais présente
sourdement en moi d'abord), qu'elle était une constante à l'échelle
historique (et je dirais aujourd'hui à l'échelle biologique) et qu'elle me
concernait dans la mesure où je pouvais la combattre.
C'est peut-être une des raisons pour laquelle j'ai étudié la médecine.
Me confronter à la souffrance, à la violence faite auxcorps, avec la
prétention d'ypallier. La vie plutôt que la mort en quelque sorte. Mais ce
n'est là que prétention et illusion, même partielles, car on sait, lui comme
moi, que la médecine, dans ses préoccupations scientifiques et
techniciennes actuelles, est bien éloignée d'une quelconque quête de
bonheur ni même de douceur pour l'Autre !
Longue, laborieuse et douloureuse démarche que cette question cent
fois retournée pour se persuader qu’il avait légitimité à écrire sur cette

tranche d’histoire algérienne qui fut également son enfance, vécue sous
« forme de brouillard épais ». Cette façon de se préparer à accomplir
cette tâche, à se désengager de sa mission première de médecin, pour
naître à cette seconde vie, celle de témoin et de chercheur de vérité.
Comme si l'une ne pouvait coexister avec l'autre. Je crois cela pour le
vivre moi-même. C'est comme si l’engagement dans la médecine
empêchait tout autre passion. Comme des voeuxou un mariage desquels
on ne peut se soustraire que dans la déchirure. Cette déchirure comme un
exil, celui de l'abandon. Et pour lui, l’abandon de la patrie, une autre
déchirure aussi, sans doute. Comme si le déchirement était un passage
obligé pour mieuxrenaître à une autre dimension. Aurait-il écrit ce livre
en étant resté en Algérie ?

A lire son avant-propos, je me dis aussi que « l'ivresse »de l'exercice
de la médecine comme il l'a pratiquée dans les années soixante dixet
quatre vingt, en Kabylie et à Alger, avec tout le sens social, voire
politique qu'elle recélait, n'a plus cette dimension là, surtout dans la
médecine d'aujourd'hui pratiquée en France. Mon ami Auguste, médecin
malgache, me confie parfois son désarroi face à notre incapacité à aller
de l'avant, à profiter du luxe dont nous disposons pour construire l'avenir,
et l'énergie que nous mettons à nous apitoyer sur nous mêmes, à douter de
tout. Avec 100fois moins de moyens, nous ferions tellement de choses
formidables dans mon pays dénué de presque tout, me dit-il parfois.

Je me prends à rêver quelquefois, comme quand j'avais 20ans, que je
reviendrai un jour à la médecine, la vraie, celle qui a un sens là bas où
elle est véritablement porteuse d'espoir, d'avenir et j'ai envie d'ajouter, de
« douceur » , même s’ilya encore tant à faire. Mais, ce n'est peut-être
que divagation stérile pour me donner bonne conscience.

J'ai envie de dire de Bélaïd Abane, qu’une fois cette tâche effectuée
(ces 2 livres écrits), il passera à une autre écriture, celle librement choisie
où le "Je" sera une évidence !Car, ici, ce sont les faits qui l’ont choisi et
l’ont installé en écriture. On pourrait imaginer qu'ensuite, c'est lui qui
élise son pays de promenade. Mais ce n'est sans doute que fantasme de
romancière inaccomplie ! Est-il plus chercheur de mémoire que
« vagabond » ? L’avenir nous le dira.

IsabelleKlein
Nancy le30mars2008

10

Avant propos

Plongé dans mes pensées, je dévalais la nationale abrupte et sinueuse
qui mène de Larbaa NathIraten (exFortNational) à Tizi-Ouzou, étape
obligatoire sur la route d’Alger.C’était une belle et douce nuit de
printemps.Indépendante depuisunevingtaine d’années, l’Algérie était
calme etsereine.C’était l’époque, au tout début des années 1980, oùle
régime austère deHouariBoumediene ne s’étaitpas encore
complètementeffacé pour céder la place à celui, plus désinvolte, de
Chadli Bendjeddid. Mais, au fond, les deux régimes étaient bonnet blanc
et blanc bonnet ou, selon l’expression bien connue des Algériens, hadj
Moussa et Moussa hadj. Car, sous l’un et l’autre régime, l’Algérie était
l’un des pays les plus sûrs du monde. Le système mis en placeà
l’indépendance, était si « total » que le moindre « frémissement », au
fond d’une vallée, au sommet d’une crête, pouvait être instantanément
localisé et neutralisé, si besoin. Pour bien des Algériens qui survivront
aux horreurs de « la décennie rouge » des années 1990, c’était« le bon
vieux temps ». Ce temps où l’on pouvait dîner à Sétif, voir une pièce de
théâtre à Tizi-ouzou ou assister à un mariage à Chlef et coucher à Alger.

Il m’arrivaiten effetfréquemmenten fin deweek-end, de dîner etde
1
passer la soirée du vendredi avec mes parents, puis de prendre la route,
tard dans la nuit, pour rentrer à Algervia Tizi-Ouzou. Les nombreuses
voitures donton pouvaitapercevoir les lumières scintiller auloin, sur les
routes de montagnes desBenni-Yenni, des BeniDouala, des Ouacifs ou

1
Vendredi estinstitué, depuis l'arrivée aupouvoir deChadli Bendjeddid, comme jour de
repos hebdomadaire. Sous la pression de ceux qu’on appelait alors les
islamoprogressistes, dont le chef de file était Mohamed Salah Yahyaoui, l’Algérie rejoignait
ainsi la Libye et l'Arabie saoudite.

de Ouaguenoun, convergeaient toutes, également, vers le col de
TiziOuzou. Ce sont « les Algérois qui rentrent chez eux », disent avec une
pointe d’ironie les villageois des montagnes kabyles.
J’éprouvais dans ces moments làune sorte de plénitude et un
bienêtre, faits duplaisir pris aumilieudes miens, etla sensation d’être en
totale sécurité. J’avais aussi le sentiment, ressenti avec force, d’êtreun
homme libre en pays libre. Même si, comme bien des Algériens, j’avais
l’impression confuse de ne pas encore jouir des droits inhérents àune
pleine citoyenneté, ilyavait, pour le jeune médecin que j’étais, l’espoir,
partagé partous, d’un monde etd’un avenir ouverts pourtous.
Ce soir là, j’avais aussi la satisfaction d’avoir été utile. Comme
chaque vendredi, je consacrais bénévolement toute la matinée et, parfois,
une bonne partie de l’après midi, à ce petit hôpital intercommunal de
Larbaa NathIraten où, avecune équipe de praticiens généralistes, nous
examinions des dizaines de patients auxquels nous évitions de longs et
incertains déplacementsvers la capitale. Dahmane Djouaher puis Ahmed
Amena, les directeurs qui se sontsuccédés à latête de l’établissementau
cours de cette période, n’ontpas ménagé leurs efforts pour nous faciliter
latâche. Les docteurs MouloudChouli, Mouloud Bouafia, OmarDiboun,
Mokrane Tamd

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