La vie douce-amère d un enfant juif
120 pages
Français

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La vie douce-amère d'un enfant juif , livre ebook

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Français

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Description

Tranches de vie vécue plutôt qu'analyse historique, l'auteur nous conte huit ans de vie un peu décousue, entre enfant juif caché à la campagne et mère très malade, puis dix ans de séjour dans les Maisons d'Enfants de déportés de la Commission Centrale de l'Enfance. Et, de même que sur les clichés d'époque, où les orphelins de maisons d'Enfants sont souvent souriants, il faudra sans doute, dans ce récit, y regarder de plus près. Peut-être y verra-t-on alors quelques bleus à l'âme, ou encore les fantômes de cicatrices jamais vraiment refermées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 303
EAN13 9782336274287
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Graveurs de mémoire
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Jean-Claude LEPRUN, Une jeunesse malgache (1942-1966), 2009.
Jeannine PILLIARD-MINKOWSKI, Eugène Minkowski 1885-1972 et Françoise Minkowska 1882-1950. Eclats de mémoire, 2009.
Jacqueline ADUTT-THIBAUT, Mon Avenue Montaigne, 2009.
Michel MALHERBE, Fonctionnaire ou touriste ? Mémoires d’un globe trotter, 2009.
Jacques-Thierry GALLO, Mon histoire avec Dieu. Un témoignage vivant, 2009.
La vie douce-amère d'un enfant juif

Daniel Baron
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296118188
EAN : 9782296118188
Sommaire
Graveurs de mémoire Page de titre Page de Copyright Dedicace Prologue Du côté de la Normandie 1943-1945 - 1 Du côté de la Normandie 1943-1945 - 2 Du côté de Saint-Maur, et de l’Orne 1946-1948 Du côté du Raincy-Plateau Mars 1948 – Juillet 1948 Du côté d’Andrésy Octobre 1948 - Juillet 1949 Du côté du Raincy-Plateau, le retour Octobre 1949 – Juillet 1950 Du côté du Raincy-Coteaux Octobre 1950 – Juillet 1952 Du côté de Livry-Gargan Octobre 1952 – Juillet 1954 Du côté de Montreuil Octobre 1954 – Juillet 1956 Du côté d’Arcueil Octobre 1956 – Avril 1958 En guise de fin En guise d’épilogue
À Raymonde, ma compagne de toujours, lectrice attentive, correctrice inlassable, qui n’a cessé de me soutenir et de m’encourager.

À Katy Hazan, première lectrice extérieure au cercle de famille, qui m’a encouragé à persister et signer.

À Claudie Bassi-Ledermann, qui m’a relu avec bienveillance et dont la pertinence des conseils m’a permis d’aller au bout du récit.
Prologue


Je ne sais si, ce jour-là, les auspices étaient bons, mais ils étaient bruyants. Je m’impatientais de voir le jour, et j’entendais des sons inhabituels, mélange de vrombissements, de sirènes et d’explosions. Je tressautais dans ma confortable baignoire, mais je sentais, par tout mon cordon, venir des ondes d’angoisse. Pourtant, comme le dit l’Ecclésiaste, le temps était venu, le temps de la guerre et le temps de la vie. Ma mère, perdue parmi les réfugiés, en cet été 1940, le jour-même de l’été pour être précis, se faufila hors du fleuve des fuyards, et par un habile crochet se retrouva dans un petit village du Loiret. Les habitants consentirent à lui prêter une grange et c’est ainsi que je vins au monde entre le bœuf et l’âne gris. J’étais un fort et gros bébé, décidé à surclasser, en matière de bruits, les armées du Reich. Celles-ci continuaient sans relâche les bombardements de femmes, d’enfants et de vieillards sur les routes de l’exode.
L’armée allemande prit le dessus sur les civils, et les militaires français, ceux qui n’étaient ni morts ni prisonniers, rentrèrent chez eux.
Mon père, démobilisé après la « drôle de guerre », rentra aussi chez lui. Le 20 août 1941, il fut arrêté pour délit d’être né juif, interné plusieurs mois à Drancy, à Compiègne ensuite, puis déporté, sans retour, en mai 1942, à Auschwitz où il mourut le 14 juillet.
J’avais deux ans. J’étais insoucieux de sa présence et soixante années n’ont pas suffi à gérer son absence.
Du côté de la Normandie 1943-1945
1
Dans la gare, il y avait beaucoup de monde, des soldats en vert-de-gris, allant d’un pas sûr, et des civils aux mines fatiguées et aux trajectoires incertaines. Les trains aussi étaient de deux sortes, les militaires, bariolés de taches vertes et noires, et les civils, aux wagons fripés datant sans nul doute de la guerre précédente. C’était un peu curieux cette façon de camoufler les trains militaires, comme si, d’en haut, on ne voyait pas les voies et ce qu’il y avait dessus. Personnellement, j’aurais camouflé les rails, mais on ne m’avait pas demandé mon avis, ni sur l’art du camouflage, ni sur le voyage en Normandie vers laquelle nous allions en ce début d’été 1943. Mon frère résumait ça d’un « on t’a pas sonné » qui, généralement, ne m’empêchait pas de continuer à parler. Aujourd’hui, cependant, ma main dans celle de ma mère me transmettait une sorte de malaise diffus, des ondes incertaines qui me privaient de réplique.
La hauteur de la gare, le brouhaha qui semblait flotter sous son plafond, la vapeur s’échappant de la locomotive, puis les sifflets du chef de gare, tout, pourtant, m’enveloppait d’excitation. Bien vite cependant, le choc monotone des roues, parfois brisé par le chuintement des aiguillages ou le sifflet de la locomotive, eut raison de mon émerveillement et je sombrai dans un méchant sommeil. Sans doute avions-nous dû changer de train pour nous retrouver bien fripés dans cette gare du Fidelaire, petit village de Normandie, dans la région d’Évreux.
Roger, le patron, qui nous attendait, ponctua son « bonjour » d’un geste délicat de deux doigts vers sa casquette, sans cesser de mâchouiller un mégot baveux qui semblait collé à ses lèvres. Il prit nos valises et nous hissa à leur suite sur une charrette attelée à un magnifique cheval gris, dont la puissance me parut encore plus grande à le voir de si près, si haut, si large, et pourtant si paisible.
- Il s’appelle Hector, c’est un percheron et il est sans doute plus âgé que vous deux réunis, dit Roger en nous désignant des yeux.
- Voilà qu’en plus, il est âgé et percheron, le cheval, pensai-je.
- Eh hue dia !
À cet instant seulement, j’eus vraiment la sensation d’avoir quitté la maison et troqué Saint-Maur et la banlieue pour un autre univers, peuplé d’un silence aux chants d’oiseaux, ponctué du joli bruit des fers d’Hector sur la route aux pommiers tordus.
J’étais fasciné par l’immense croupe du percheron qui faisait tressauter sa queue coupée court, et je fus bien étonné de voir celle-ci se soulever pour nous offrir deux ou trois crottins, sans que le cheval ne modifie son pas tranquille.
À l’arrivée, la famille entière nous attendait : Thérèse, la patronne, petite et voutée, en fait un peu bossue, les vieux, Grand-père et Grand-mère, et enfin, la fille de la maison, dotée d’un curieux prénom, Muguette, sans doute d’usage en Normandie…
C’était gentil de nous accueillir avec un vrai produit de la ferme, un bol de lait tiède « Et qui vient just’ d’sortir d’la vache », avec sa peau jaune et vaguement fripée qui surnageait par morceaux. Le lait passa tout juste, mais au contact de la peau, ma gorge fut prise d’un spasme, mon ventre se crispa, et je vomis de suite le bon produit normand, avec, en prime, les restes du goûter. On mit cela sur la fatigue du voyage, sans que personne ne se fâche, puis on me conduisit à ma chambre. J’étais content d’être sur mon lit, pour faire un peu le point, dans la pénombre de ma nouvelle chambre que je partagerai avec mon inévitable frère. Muguette avait sa chambre à côté ; c’était déjà une grande fille, dans les douze ans peut-être, bizarrement coiffée à la Jeanne d’Arc, avec une barrette sur le côté pour retenir une mèche. Comme tout ce qui était femme, elle était revêtue d’un tablier à carreaux, moche, à l’image de tout ce que je voyais ici, le temps, la ferme et les machines qui traînaient un peu partout. Les chiens, les poules et les canards, que j’avais entrevus à l’arrivée, faisaient un peu exception : ils n’étaient pas vraiment moches, ils se contentaient d’être sales.
Bientôt Muguette vint me chercher et, nous prenant par la main avec mon frère, elle nous fit faire la visite de son domaine. Avec son sourire et sa gentillesse, elle était déjà plus belle.
La ferme était immense, cent fois le pavillon peut-être, avec des bâtiments dans tous

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