Les Derniers Magnifiques
118 pages
Français

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Description

Corinne Scemama-Ammar a quitté la Tunisie en 1967, avec toute sa famille ainsi qu'une grande partie de la communauté, celle des Juifs qui vivaient en Tunisie. Aujourd'hui psychiatre à Marseille, elle est allée à la rencontre de ceux qui sont restés malgré eux, pour les aider et les comprendre. A la lumière d'un suivi qui a duré près de dix ans, elle nous livre ce récit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 163
EAN13 9782296810570
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Derniers Magnifiques
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55117-6
EAN : 9782296551176

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Corine Scemama-Ammar


Les Derniers Magnifiques


L’Harmattan
Je souhaite remercier tout particulièrement, pour leur précieuse collaboration :

Solange Dahan et Armand Lasry pour leurs conseils.
Joëlle Ghariani, qui a partagé tant d’amitié dans mes aventures tunisiennes.
Alain Yana, pour le relais qu’il a su prendre auprès des résidants.
Georges et Eliane Tibi, qui sont ma famille en Tunisie.
Les amis de l’ATPJT avec Bernard Allali, Olga Lumbroso, Monique Hayoun, Huguette Demri, Solange et les autres.
Mammi Lilly, que nous aimons tous.
Jacob Lellouche, sur qui j’ai toujours pu compter.
Gilles Zarka, dont la précieuse amitié est née de cette aventure.
Renée Bensoussan, mon professeur devenue mon amie.
Chacun des membres du CJT.
Yechiel Bachaim de l’AJDC.
Mona Lumbroso de l’AJDC pour sa complicité et sa gentillesse.
Gérard Uzan entraînant le CASIM dans notre aventure.
Docteur Chebil et toute son équipe infirmière qui, outre sa compétence, a su lier des liens fraternels avec les résidants.
Tout le personnel du foyer de l’OSE si aimable.
Chacun de mes amis ‘Magnifiques’ du CPA de la Goulette : Esther, Marie, Gaby, Traqui, Roger, Achille, Selbia, Yasmine, Lola, Louise et tous les autres.
À mon père et à ma mère qui ont su nous transmettre l’amour de nos anciens et leur attachement au judaïsme tunisien.
À mes fils Yoann et Lionel, héritiers, je l’espère tant, de ces valeurs.
À Charley, mon époux, pour son soutien constant.
INTRODUCTION
Le désir de faire partager mon expérience est né dès mon premier contact avec les résidants de la maison de retraite de l’OSE (Œuvre de Secours à l’Enfance), à la Goulette, près de Tunis. Je n’avais pas imaginé tout de suite ni sa portée, ni défini clairement ses buts, mais tout m’a poussée dans cet univers.
Émergeant peu à peu du projet que je mettais en place pour eux, l’objectif se précisait doucement ; il s’agissait dans un premier temps d’amener plus près de nous ces vies, tellement en retrait de notre monde. Apparaît dans un second temps le besoin d’écrire pour garder le souvenir de ces personnes, de leur histoire et pour le faire partager.
J’éprouvais un profond désir d’y mêler quelque chose de moi-même, ce quelque chose qui aurait pu exister si l’histoire avait gardé la trajectoire que semblaient lui avoir forgée les siècles.
C’était comme si je devais essayer de rattraper cette pièce du puzzle de la mémoire de notre communauté des juifs de Tunisie, mon histoire. Ce lien à rétablir entre eux et nous m’est apparu soudain comme une évidence.
1. Naissance de mon projet
J’ai participé au mois de mai 1999 au septième voyage culturel de l’association « Art et Traditions Populaires des Juifs de Tunisie » ou ATPJT, accompagnée de mes amis juifs d’origine tunisienne Bernard Allali, Monique Hayoun, Solange Dahan, mais aussi Olga Lumbroso et Huguette Demri, pour ne citer que quelques membres du bureau de notre association. Ce voyage de mémoire sur les traces de l’histoire de la communauté juive de Tunis restera gravé dans ma mémoire. J’ai eu la chance de le vivre avec des coreligionnaires, à la recherche, comme moi, de quelque chose qui n’est plus, mais en quête malgré tout d’infimes perceptions, de détails, d’odeurs qui déclencheraient le souvenir émotionnel, puis le souvenir tout court de leur histoire, de l’histoire de leur famille. J’ai eu aussi le bonheur d’avoir à mes côtés mes parents prêts à me dévoiler les secrets des lieux racontés avec la magie de leurs souvenirs.
C’est ainsi que j’ai enfin accroché une image sur les fameux sandwichs tunisiens de Claude, les sabayons incomparables de chez Bébert. Manino le restaurateur et Journo, le pâtissier revenaient pour un temps parmi nous. Le Petit Matin lu au Café de Paris était de retour tout comme mon père rentrant du travail le vendredi soir avec un bouquet de fleurs, des pâtisseries de chez Bébert et des amandes grillées pour honorer le shabbat entouré de notre famille. J’ai même revu le grand rabbin Pinson, rabbin loubavitch et figure légendaire du judaïsme tunisien de cette période, qui a enseigné le talmud Thora ou keteb à mes frères. Il ne s’agissait plus d’une illusion mais d’une réalité ; le rabbin Pinson était là, priant à la synagogue, et mon père fut tout ému de le revoir.

C’est dans cette ambiance douce et nostalgique que je suis entrée pour la première fois dans la maison de retraite de l’OSE à La Goulette. Les résidants de ce foyer peu ordinaire constituent les survivants d’une communauté, celle des juifs de Tunisie, dont l’histoire très ancienne a connu ses heures de gloire, a rayonné à travers tout le pays et jusqu’aux confins du bassin méditerranéen. Ce moment magique a permis ce magnifique retour au passé. Soudain face à moi, je voyais ces personnes âgées qui auraient pu être mon grand-père ou ma grand-mère. Je ressentais beaucoup de plaisir à imaginer cela ; je les saluais, leur parlais, les interrogeais et bientôt, c’était toute mon histoire qui reprenait vie, l’histoire de ma famille, de ma communauté. Je retrouvais les traces indélébiles et encore vivante grâce à eux, de ma culture, d’un certain judaïsme tunisien auquel je fus arrachée.

L’expression du visage de ces gens avait pour moi une signification oubliée jusqu’alors et de leur regard, d’une profondeur indescriptible, se dégageaient des souvenirs lointains. Leurs visages, leurs sourires ou l’expression d’une tristesse résignée, réveillaient une mémoire enfouie dans un inconscient que je n’avais jusqu’alors jamais soupçonné.

J’ai quitté la Tunisie brutalement à l’âge de six ans, cela fait donc plus de quarante ans et pourtant l’image de ce vieil éventail s’agitant entre des mains tremblotantes, l’expression de ce visage fripé d’un vieil homme courbé sous une kippa en faisaient rejaillir des morceaux dans ma mémoire.
Comment ne pas entendre l’appel de nos ancêtres en pénétrant dans cet établissement ! Ces gens restés là après notre départ me forcent à renouer avec notre histoire.
Mon émotion était telle que j’ai immédiatement ressenti la douleur qui se dégageait de certains des pensionnaires. J’ai croisé la détresse de certains regards. Parmi les résidants de cet établissement, il en est certains dans une grande souffrance psychique. Ils semblent exprimer que leur histoire personnelle a été jalonnée de tant de drames et de douleurs… Et que pour ‘finir’, ils sont là… N’ayant pu être ailleurs.
Cette souffrance silencieuse de mes coreligionnaires de la Goulette m’a donné une envie irrésistible de poursuivre quelque chose avec eux. L’idée d’un rapprochement possible avec ces gens a eu pour moi, à ce moment-là, un effet apaisant.
C’est ainsi que, sous l’égide de L’ATPJT, l’association Arts et Traditions Populaires des Juifs de Tunisie, j’ai construit un projet de soins pour les résidants de l’OSE dès mon retour de voyage, c’est-à-dire en septembre 1999. Il a reçu près d’un an plus tard l’approbation du Conseil communautaire de Tunisie (CJT) et le soutien de l’American Joint Distribution Committee (AJDC). À partir de janvier 2001 et jusqu’en août 2009 ont pu se réaliser près de soixante dix voyages à la rencontre de ces gens qui restent pour moi les ‘Derniers Magnifiques’.
2. Mise en place du projet de soins
Mon projet de soins dans le cadre de ce foyer a consisté à la mise en place d’un soutien psychologique et à la prise en charge spécialisée de certains résidants, en collaboration avec mon confrère le docteur Cheb…, médecin généraliste et urgentiste, en place depuis de nombreuses années et très estimé par les pensionnaires de l’OSE.
J’ai proposé de venir régulièrement à la Goulette, au rythme d’une fois par mois, pour soutenir, soulager et traiter les résidants qui le nécessitaient, mais aussi pour écouter ceux qui le souhaitaient. La réalité de la pathologie mentale m’est apparue évidente chez certains d’entre eux, et c’est ce qui a mis en marche mes vieux réflexes de psychiatre. La mise en place de soins psychiatriques m’a paru nécessaire et urgente. J’ai par la suite pris du recul par rapport à cette position un peu rigide qui ne tenait compte ni de la mentalité locale, ni de la perception de la maladie mentale au Maghreb. J’ai aujourd’hui un avis plus nuancé, sa

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