Un marrane d aujourd-hui
288 pages
Français

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Description

Ce récit autobiographique met en scène une condition juive subie par l'auteur enfant, sans aucune explication familiale, ce non-dit favorisant un violent refoulement sexuel et affectif. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, Louis-Albert Revah trouva rue d'Ulm le terrain de son éducation sentimentale. Une carrière de fonctionnaire parlementaire ne combla cependant pas sa solitude, dont il s'échappa par la passion musicale. Seul un long travail psychanalytique le réconcilia avec lui-même.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2007
Nombre de lectures 98
EAN13 9782296915428
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

UN MARANNE D’AUJOURD’HUI
Juif, mais pas simplement
Du même auteur :


JULIEN BENDA, un misanthrope juif dans la France de Maurras, Plon, 1991.

BERL, un juif de France, Grasset, 2003.


© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris


http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr


ISBN : 978-2-296-03832-5
EAN : 9782296038325

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Louis-Albert REVAH


UN MARANNE D’AUJOURD’HUI

Juif, mais pas simplement


L’Harmattan
Graveurs de mémoire


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À ma mère,
à mes frères,
à Jean.
Chapitre I JUIFS ET ISRAÉLITES
Tout semblait avoir bien commencé. Les lilas, le printemps de ma naissance, fleurirent avec un mois d’avance. J’étais le premier né du jeune et beau couple que formaient mes parents, comme en témoigne encore la photographie prise l’année précédente, après la cérémonie du mariage, où ils se tiennent appuyés contre la balustrade du Luxembourg, elle, grande, élégante, dans sa robe longue, lui, l’allure estudiantine, le visage éclairé de l’intérieur, que mange le sourire. J’étais aussi le premier petit-fils de trois grands-parents comblés, et fis même la joie, la dernière, d’une arrière-grand-mère, ancienne directrice d’école, née à Paris sous Napoléon III, et la fierté d’un arrière-grand-père, quatre ans avant son départ pour Auschwitz, propriétaire d’un café boulevard de Bonne Nouvelle, né à Salonique au temps de l’empire ottoman. En ma toute petite personne se rejoignaient l’Orient et l’Occident, les profondeurs patriarcales et la brillance parisienne. À peine né, je joignis les mains ; la bonne soeur dit à ma mère : il sera évêque, ce qui ne tomba pas dans l’oreille d’une sourde. C’était le temps perfide de l’assimilation.
Celle-ci, à dire vrai, s’essoufflait. Entre 1918 et 1939, la population juive de Paris doubla ; parmi les nouveaux arrivants figuraient, avec leur fils, mes grands-parents paternels venus de Berlin où ils n’avaient fait qu’une halte entre 1916 et 1920, depuis Salonique. Mon grand-père y avait fait ses études à l’école allemande, jusqu’au brevet ; l’empire ottoman, dont Salonique fit partie jusqu’en 1912 était dans la zone d’influence du Reich et après son mariage, il en gagna la capitale avec sa femme pour y rejoindre un frère. Après les terribles événements de 1918 – 1919, le couple quitta Berlin pour Paris où était déjà installée une sœur de ma grand-mère. Cette arrivée massive de juifs étrangers n’avait rien pour plaire aux israélites de France ; ma famille maternelle en faisait partie, dont les deux branches résidaient en France dès avant la Révolution, l’une en Alsace, l’autre en Lorraine, à Épinal, avant de s’établir à Lyon au cours du XIX° siècle. Ils en craignaient la remise en cause de leur propre francité, moins assurée qu’ils ne se plaisaient à le croire malgré une proportion de juifs tués à la guerre en rien déshonorante par rapport à celle des Bretons. Ils déploraient l’antisémitisme de la Pologne, de la Roumanie et de l’Allemagne nazie, mais les conséquences pour eux-mêmes ne leur en apparaissaient qu’indirectes, avec l’invasion de juifs persécutés qui mettait à mal la traditionnelle hospitalité française. La chose est bien connue. Nul n’en a mieux témoigné qu’Emmanuel Berl dans ses Pavés de Paris. Impitoyable envers les juifs polonais qu’il n’hésite pas à qualifier « d’immigration de déchet », sa compassion pour ses « coreligionnaires » d’outre-Rhin ne témoigne d’esprit de solidarité qu’inconsciemment : le drame des juifs allemands, écrit-il, est qu’ils sont allemands, ce que n’aurait certes pas contredit le désormais célèbre Victor Klemperer, dont le témoignage est au demeurant bouleversant.
Les visages de l’Europe et de la France s’étaient assombris : je naquis sous un éphémère deuxième cabinet Blum, dix jours après l’Anschluss. Mais, je l’ai dit, le printemps était magnifique cette année-là à Paris, et notre famille baignait dans l’euphorie. Mon père, fils d’immigrés et naturalisé depuis cinq ans, venait d’être reçu à l’agrégation d’espagnol, premier, à vingt ans. Cela adoucissait singulièrement le sentiment d’une mésalliance qu’auraient pu éprouver mes grands-parents maternels, lui, journaliste parlementaire à l’agence Havas et issu d’une famille de soyeux lyonnais, elle, institutrice à l’angle de la rue de Rennes et du boulevard Raspail, en face de son domicile.
Mon père, sa mère et sa sœur, avant de s’installer dans le pavillon de Créteil, alors petite cité maraîchère et siège d’une abbaye littéraire, que ma mère reçut en dot, venaient de l’avenue Parmentier, dans le 11 ème arrondissement, quartier populaire et un des hauts lieux de l’immigration juive. Le jeune agrégé, qui avait d’ailleurs fait ses études au lycée Janson de Sailly, n’en rabattait rien de sa superbe. C’est avec aplomb qu’il avait répété devant une examinatrice de licence incrédule : eh bien oui, souviens-toi-z-en, Rodrigue ! De même, il avait, péremptoire, déclaré au jury d’agrégation qui lui offrait le poste recherché d’Oran, et à la grande fureur de celui-ci, qu’il n’entendait pas enseigner au lycée, mais entreprendre des recherches. Ce n’était pas alors discours fréquent. De fait, il ne tarda pas à accomplir un premier voyage au Portugal, sur la trace des Marranes auxquels il devait consacrer son existence. Comment aurait-il pu imaginer que, deux ans plus tard, à mon grand-père bien introduit dans les milieux politiques de droite qui sollicitait pour son gendre un passeport, afin qu’il puisse rejoindre avec sa famille à Madrid l’école des Hautes études hispaniques à laquelle il avait été nommé, Jérôme Carcopino, célèbre historien de Rome et ministre de Pétain, ferait répondre que la délivrance de ce passeport paraissait bien inutile, M. Révah n’ayant désormais guère d’avenir dans l’Université française ?
Que de familles, françaises, européennes, peuvent faire penser à cet épisode fameux de la Ruée vers l’or, où Charlot est suivi à son insu par un ours redoutable, lequel disparaît de son champ de vision chaque fois qu’il se retourne. Du rire pour conjurer la terreur. Jamais le pavillon de banlieue, qui avait abrité des petits bourgeois compassés, ne retentit d’autant de rires jeunes, cosmopolites et imbibés. « Je suis grec, mais grec moderne, pas grec ancien », ce braillement éthylique d’un participant à ces agapes, souvent évoqué par ma mère, symbolise pour moi l’avant-guerre familial. La Grèce, mon père s’y rendit d’ailleurs à cette époque, pour recueillir des proverbes judéo-espagnols, et non la part d’héritage qui revenait à sa mère au lendemain de la mort de son grand-père, comme l’en soupçonnaient ses cousins qui le dénoncèrent à l’armée comme déserteur (il était né grec) et le fi

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