Un seul jour, un seul mot
186 pages
Français
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Description

Les enfants de la guerre ne sont plus jeunes. Au fond d'eux-mêmes, ils restent néanmoins des enfants, curieux, exaltés, écorchés vifs, jamais en repos. C'est qu'il faut beaucoup d'efforts et de persévérance pour retrouver ses jeunes années et faire revivre son père et sa mère quand l'un ou l'autre a été occulté parcequ'ennemi. L'auteur a voulu relater les questions et les incertitudes qui tourmentent un enfant humilié, parfois pénétré d'effroi, mais parfois aussi habité par l'amour et l'espoir qui lui permettront de grandir.

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Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 75
EAN13 9782296470354
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un seul jour, un seul mot
Annette Hippen-GondelleUn seul jour, un seul motLe roman familial d’une enfant de Boche
Préface de Fabrice Virgili
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56161-8 EAN : 9782296561618
en mémoirede Marius D’Hoker, mon grand-oncle français mort pour la France le 11 novembre 1918 à Vrignes-sur-Meuse à l’âge de vingt anset de Garrelt Hippen, mon oncle allemand tombé en Russie le 22 juin 1916 à l’âge devingt-huit ans
PREFACE Comme l’indique le sous-titre de son livre, Annette est une « enfant de Boche ». Une de celles et ceux qui se proposèrent de me raconter leur histoire. Quand je la rencontrai en décembre 2007, nous étions l’un et l’autre à la fin de nos enquêtes respectives. Elle fut l’un des derniers « enfants » dont je recueillais le témoignage, j’avais alors déjà 1 commencé l’écriture deNaître ennemi. Elle avait depuis longtemps retrouvé son père et fait le récit de cette rencontre à travers un album photographique, un album de famille reconstruit cinquante ans après la guerre. Elle avait également écrit et publié le parcours à travers le siècle de sa grand mère, alors depuis peu disparue, à qui elle voulait rendre 2 hommage . Mais bien qu’elle ait raconté son histoire de plusieurs manières, au thérapeute, à l’historien, à sa famille ou ses amis et déjà à des lecteurs inconnus, le cri ou plutôt le hurlement qu’elle avait poussé enfant au cours préparatoire car refusant une remontrance de l’institutrice — vibrait encore. Ce livre en est l’achèvement. Il ne lui suffisait pas d’avoir retrouvé son père, raconté son histoire autour d’elle, il lui
1 Fabrice Virgili,Naître ennemi. Les enfants nés de couples franco-allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Payot, 2009.2 Annette Gondelle,Des Rêves raisonnables, Paris, L’Harmattan, 2006.7
fallait encore la mettre sur le papier pour qu’elle perdure et qu’à tout jamais le secret ou le non-dit soit impossible. Pour maîtriser enfin son histoire : non, ce ne seraient plus les événements, sa grand-mère, sa mère ou un de ses professeurs qui décideraient, mais bien elle, auteure, qui par le choix de chaque mot, par la construction de chaque phrase, ferait de cette écriture ciselée l’outil de la réappropriation de son passé. Plusieurs des “enfants de Boche“ ont éprouvé le besoin de mettre leur vie par écrit, pour eux-mêmes, pour leurs enfants, petits-enfants ; certains, et Annette en fait partie, sont allés plus loin en désirant publier, c’est-à-dire faire un livre. Alors son cri s’achève pour se ranger doucement sur l’étagère d’une bibliothèque. L’histoire d’Annette Hippen devient une part identifiable de l’histoire de ces enfants. Ainsi s’articulent le poids du secret, le rejet, la souffrance, le rêve et la quête d’une mère comme d’un père. Mais, de cette difficulté de vivre sans savoir d’où l’on vient, Annette en a organisé le récit. Son enfance, ce temps du secret comme de la révélation, l’un et l’autre subis au gré des choix des adultes, l’auteure la maintient très loin à distance. Ce n’est pas un « je » enfant qui parle mais « l’enfant » qui grandit dans un jeude miroir avec le monde qui l’entoure, des yeux, des regards, dont elle scrute l’amour ou le rejet, le désir ou la haine, l’indifférence.On chemine avec l’enfant, puis l’adolescente, dans une France des années 1950. Là, Annette découvre le confort moderne d’une salle de bain de l’habitation à loyer modéré où emménageaient ses parents. On la suit en vacances, découvrant la mer, si différente aux yeux de cette petite bourguignonne, ou à la campagne, plus familière. Les vacances des premiers désirs : d’un flirt au bord de la plage mais aussi d’un effrayant regard masculin à l’orée du bois. Une époque où l’on se soucie peu de solliciter l’enfant, de lui faire partager les grandes décisions qui le concernent.
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Partagée entre sa grand-mère et une famille que l’onn’appelait pas encore recomposée, elle poursuit sa scolarité. L’internat, le baccalauréat, l’enfant devenue jeune fille profite d’une scolarité prolongée désormais bien plus largement ouverte aux filles qu’avant-guerre. Au fil des pages, la jeune fille devient jeune femme, sa robe «Courrèges » montre à la fois combien l’enfant a grandi et combien la guerre s’est éloignée. Car, bien que« l’enfant » apprenne à treize ans que son père était un soldat allemand, les traces du conflit demeurent en pointillés. Pourtant, ne devient-elle pas elle-même la trace la plus évidente de l’occupation? À partir du moment où Annette se décide à revenir sur ces traces, elle s’empare de la première personne du singulier, le « Je ». Alors, une quête commence dont les détours se confondent dans la mémoire du Second conflit mondial et la souffrance intime d’une femme qui n’avait d’abord « rien à dire ». L’auteure retrace les étapes de sa recherche, des longs moments d’attente, des accélérations soudaines, de l’identification nécessaire aux victimes de la Shoah, de l’apprentissage de l’allemand, d’une ferme aubord de la mer du Nord ou des Archives départementales de l’Yonne.L’histoire d’Annette Hippen est-elle représentative du parcours de tous ces enfants nésde l’ennemi ? Elle est « une », parmi des dizaines de milliers, probablement cent mille, et l’on retrouve de nombreux points communs entre elle et beaucoup d’autres : une relation entre un père soldat occupant et une mère française qui demeure mystérieuse, un fort sentiment de rejet, une longue mais hésitante quête, la peur et la volonté de savoir sans cesse entrecroisées. Mais l’histoire d’Annette Hippen est bien entendu unique, autant par ce qu’elle dit que par comment elle le dit : une vie singulière avec ses doutes et ses espoirs, ses craintes et ses volontés. Un visage se dessine au fil des pages accompagnant le lecteur dans ce récit d’un très long après-guerre. Aussi,
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quand elle m’a demandé de préfacer son livre, était-il normal quej’accepte. C’était un juste retour des choses : son témoignage au singulier m’avait aidé à écrire l’histoire commune de ces enfants, en aucun cas celle-ci écrite ne devait faire oublier celle de chacun. Bien au contraire, l’inscription désormais possible dans le vécu collectif des « enfants de la guerre », rendait plus facile une prise de parole qui succédait au cri, celui d’une souffrance, d’être de« sous [la] France », c’est-à-dire d’avoir été pensés comme les rejetons de la trahison.  Fabrice Virgili  Historien  Chargé de recherche au CNRS IRICE / Université Paris 1PanthéonSorbonne
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