Une enfance malgache
151 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Ce récit est le témoignage vécu d'un enfant puis d'un adolescent, vivant dans un microcosme franco-malgache, où les destins individuels rencontrent l'Histoire. C'était l'époque "coloniale" où le contexte du code de l'indigénat faisait vivre la majorité de la population malgache dans l'extrême précarité et une minorité de colons dans l'opulence. L'auteur fait partager au lecteur sa vie de pérégrinations: Tananarive, Majunga, Diégo-Suarez, jusqu'à l'indépendance puis son départ définitif de ce beau pays dont il aura toujours la nostalgie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2005
Nombre de lectures 162
EAN13 9782336275925
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747578769
EAN : 9782747578769
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Première maison Deuxième maison Troisième maison Quatrième maison Cinquièmes maisons Sixième maison Septième maison Huitième maison Neuvième maison Dixième maison Onzième maison Douzième Maison Treizième maison Quatorzième maison Epilogue 1 Epilogue 2 Epilogue 3 APRES LA FIN DU ROYAUME : Bibliographie
Une enfance malgache

Christian Dumoux
A mes ancêtres et à mes enfants, Adrien, Olivier, Muriel.
Première maison
Il habite une jolie maison, sur une place ronde, au premier étage, dans un quartier « résidentiel colonial » de Tananarive.
Il y a des parquets cirés qu’il ne faut pas salir, sa mère veille au grain de poussière qui pourrait ternir la brillance de la cire encaustique qui embaume le salon. Un jour, il a renversé une goutte de lait au goûter et il a reçu une gifle qui l’a surpris, sa mère est si gentille habituellement.
C’est en marchant avec son père, en rentrant à la maison d’une promenade qu’un autre jour, à trois ans, il a lu son premier groupe de mots : « Garage Citroën », après qu’on lui eut expliqué la subtilité du tréma qu’il avait des difficultés à comprendre. Son père lui avait découpé, dès l’âge d’un an, toutes les lettres de l’alphabet dans de grands morceaux de carton et avait pris la patience de les lui enseigner. Après les avoir apprises et mémorisées, il venait de commencer à lire, faisant l’admiration de toutes les cousines, sœurs et tantes de sa mère. Lisant à haute voix un journal, dans la salle d’attente d’un médecin, le docteur fit des remarques négatives sur le fait qu’un enfant si jeune lise déjà.
Il y eut aussi ce jour où il coinça sa grosse tête dans le fer forgé du balcon. Il était courbé et pleurait. Il fallut attendre l’arrivée du père pour élargir les fers et le libérer... Quelle peur...
Il y eut cet après-midi où il rentra dans la chambre de sa mère, alitée, très malade après la naissance de la petite sœur. Sa mère lui dit : « Tu vois maman a bobo au ventre », et elle lui montra une poche de caoutchouc rouge remplie de glace, pour combattre l’infection qui, comme on le lui expliqua plus tard, était la conséquence de l’ivresse du médecin au moment de l’accouchement.
Son père avait alors une belle voiture blanche, la fameuse traction avant Citroën, et ils allaient souvent au restaurant le soir. Il accompagnait ses parents et se couchait comme eux très tard.
Ils partaient également en week-end au lac de Mantasoa où il eut une insolation qui faillit le faire mourir. Heureusement, sa petite sœur, par ses pleurs, avait fait monter sa mère à l’étage où il dormait et son père avait passé la nuit, après le passage du médecin, à lui placer de la glace sur la tête. Durant de nombreuses années, il allait porter ensuite un chapeau de paille tressée et avoir des maux de tête dès qu’il restait au soleil.
C’était la vie « coloniale » des années cinquante, la moitié du siècle, juste après la deuxième guerre mondiale, mais le petit garçon n’en savait rien. La vie était belle et n’était que joie, rire et « pétillance ».
Deuxième maison
Le décor avait entièrement changé, mais c’était beaucoup plus drôle et il s’amusait bien plus. La maison était celle de « Dadabé », le vieil oncle de sa mère qui « avait de l’argent ». Dadabé était la fierté de la famille. Michel Rajoanarison était le frère de l’arrière-grand-mère et était le premier Malgache à avoir eu son diplôme d’ingénieur des travaux publics. Il avait occupé un haut poste dans la fonction publique et l’enfant était impressionné par cet « oncle Michel » aux cheveux blancs.
C’était une maison traditionnelle entièrement en briques rouges des plateaux malgaches, dans le quartier d’Alarobia, si on pouvait appeler cela un quartier, excentré et éloigné du centre ville. Il n’y avait ni eau courante ni électricité. On puisait l’eau dans un puits profond, plein de mystères et de menaces dans la cour : il ne fallait surtout pas tomber au fond mais il fallait ouvrir une petite porte en bois qui grinçait pour y avoir accès. L’oncle habitait à l’étage et, avec son père, sa mère et sa sœur, ils logeaient dans une partie du rez-de-chaussée où le sol était en terre battue. Il pouvait courir tout autour de la maison dans une cour en terre rouge, comme les hauts murs de clôture fabriquée avec de gros moellons superposés également en boue séchée rouge, mais il fallait faire attention aux jars qui lui mordaient cruellement les fesses s’il passait trop près d’eux.
Ils avaient une poule blanche apprivoisée, qui venait pondre son œuf, chaque jour, dans le berceau de sa petite sœur. Jusqu’au jour où on mangea du poulet dans une drôle d’ambiance et il comprit à l’air gêné de ses parents qu’il ne verrait plus la poule, qu’il ne pourrait plus aller à la recherche du trésor que représentait cet œuf journalier pondu comme une offrande au bébé.
Le soir, son père allumait une lampe à pétrole pour s’éclairer et cela sentait mauvais, mais quel art pour faire naître la lumière magique dans un manchon fragile, en coton, qu’il ne fallait surtout pas briser car sinon, plus d’éclairage...
Ils habitaient tous dans une seule grande pièce et les cabinets tinette étant au fond de la cour, à l’extérieur, il y avait un seau qu’il fallait vider tous les jours...
Le dimanche, c’était en général la fête, car Dadabé invitait la grande famille de sa grand-mère et ils étaient nombreux à manger, à l’étage, l’oie grasse ou la dinde cuites en confit et le bon riz rouge bien meilleur que le riz blanc, les adultes dans une pièce, les enfants dans une autre. Les murs du salon étaient peints dans le style grande fresque qui représentait des fruits, des arbres...
Ce fut lors de l’un de ces repas qu’il entendit une de ses grands-tantes dire à sa mère : « Tu sais, ton mari, il n’est pas honnête, voilà pourquoi vous habitez ici ». Il enregistra l’information, sans vraiment comprendre ce que cela voulait dire, mais comme il l’entendit d’autres fois, un doute s’installa dans son insouciance et sa joie de vivre : on critiquait son père si fort, si autoritaire, qu’avait-il fait de honteux ? Il en découla une inquiétude fugitive, première fêlure des certitudes de l’enfance.
Ce fut lors de ces agapes qu’il découvrit toute la richesse de la cuisine malgache : le « romazava », plat national avec ses brèdes, feuilles vertes qui enflamment et insensibilisent en même temps les papilles gustatives, le « ravototo », feuilles pillées de manioc cuites dans du porc bien gras, le « henaritra », viandes rôties succulentes, et les desserts comme le manioc au sucre et à la vanille ou l’avocat bien mûr écrasé dans du sucre et du rhum.
Un samedi, il y eut cette bagarre entre son père et un oncle parce qu’il avait fait pleurer son cousin du même âge que lui après un échange de coups de poings d’enfants. Alors, le père du cousin, ancien légionnaire démobilisé, naturellement violent dans sa bêtise, voulut battre son père en train de tirer de l’eau du puits, pour venger son fils probablement.
Il eut peur que son père ne se retrouvât au fond du puits. Heureusement, ce dernier prit en main la grande bassine en émaillé qu’il était en train de remplir d’eau pour en assener un coup sur la tête de l’assaillant. L’oncle vacilla et se mit à saigner énormément du front, ce qui arrêta net la dispute.
Il y avait aussi les « bibasses », ces fruits qui étaient, il allait le découvrir beaucoup plus tard, des petites nèfles, que l’on cueillait jusqu’à satiété dans les arbres regroupés dans un coin de la cour.
Il y eut aussi ces deux ou trois journées d’invasion de sauterelles. Il y en avait des milliers dans le ciel et des centaines sur les murs. On les attrapait à pleines mains pour les stocker dans des bouteilles. On les faisait ensuite griller à la poêle, après avoir arraché les grosses pattes et les ailes. C’était un régal de les manger avec un peu de sel.
Il ne se rendait pas encore compte qu’il était au milieu de trois mondes&

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