Une veuve et ses filles
273 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Monsieur Naweussi vient de mourir. Il laisse une femme et trois filles. Sa veuve, selon la tradition, épouse le frère de son défunt mari en secondes noces. De ce second mariage naîtront deux filles. Dans la famille et la société, elle a désormais la position de veuve : entre le dénigrement des uns, et l'amitié des autres, elle bénéficie aussi de l'amour discret de son second époux. Elle élève ses filles dans l'adversité, avec courage et obstination... Une veuve et ses filles, c'est le récit de la réalité sociale au Cameroun; d'une vie avec, au fond, la constance et la sagesse, de l'amour et de la tendresse.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2005
Nombre de lectures 348
EAN13 9782336262369
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747579858
EAN : 9782747579858
Sommaire
Page de Copyright Page de titre PREFACE LA VEUVE ET SES FILLES L’épandage d’engrais Le Temps des Récoltes L’héritage familial et le combat de ma mère L’école au sommet de la colline Toko Jean prévoyant Maman, victime du poison Tante Régine et ses sœurs Polygamie et lévirat : Jeux et souffrances des enfants Apollinaire le petit orphelin Mais Papa qu’est-ce qui t’arrive ? Ecolière à Yaoundé Magilan ou « le bonheur interdit » L’école à Mengné et le Catéchisme à Konto Cousin Jacob, un personnage inoubliable de ma vie d’écolière. Les fêtes au pays La fête nationale Yaoundé 1978 La vie communautaire des collégiens Jeunes filles harcelées aujourd’hui, femmes trompées demain La vie de couple et le mensonge de mon frère La rencontre avec Hémoc Le Mariage, mon mariage ! Un mariage à la sauvette Elève et mariée En France, bonjour le froid Un retour précipité A propos du cousin Peter (Pita ou Mita) Une grand-mère en visite en France L’enfant du bonheur Le rêve brisé
Une veuve et ses filles

Jeannette Momo Dounghagni
PREFACE
Pour Jeannette Dounghagni, épouse de mon fils « filos » Momo Joseph, le très remarquable acteur africain aimé de tous pour son rire éclatant dans Le Crabe Tambour, L’Africain, Dien Bien Phu etc... la très affectueuse et respectueuse dédicace de Pierre Patrick Kaltenbach. Et je vais étaler mes qualités ; non par gloriole, on s’en doutera, mais pour honorer la si grande qualité d’une amie. Président des Associations Familiales Protestantes (il y a sans doute plus de Protestants francophones au Cameroun qu’en France !), Conseiller Maître à la Cour des Comptes (l’Afrique aime les grandes institutions traditionnelles de la France lointaine), Sous-lieutenant d’infanterie de marine au 10 e Régiment Inter Armes à Thies, Sénégal, en 1961 et 1962, pays qui vit naître notre second enfant, notre fille Clémentine (ce, en souvenir de tous ces anciens combattants épars au Sud du Sahara).
Ce livre ira droit au cœur de tous ces Français, «Toubabs » qui un jour, et pour toujours, ont aimé l’Afrique. Comme on disait jadis : « Tout homme a deux patries : la sienne et la France. Je dirais : « Tout homme a deux familles, la sienne et l’Afrique ». C’est ce que l’on ressent en lisant ce livre qui n’est pas un livre comme les autres. C’est un livre de paysan qui commence en parlant d’engrais, puis de café, puis d’arachide, un livre d’école, de catéchisme, de dispensaire, où la nourriture est au moins aussi omniprésente que la famille. C’est un peu comme un chant, lointain et proche à la fois, pas vraiment étranger, une berceuse, comme une femme marchant, balancée sous d’invraisemblables fardeaux, sur la piste du retour le soir au village, avec, dans sa voix, beaucoup de noms de pères et de mères, de tantes et de cousines, avec en arrière-champ l’infinie et douloureuse condition faite aux filles et aux femmes.
Que tous nos sociologues des « communautarismes » pasteurs ou journalistes et autres conseillers d’Etat modernistes de l’arrêt Montcho, prêts à trouver du charme à la polygamie, entendent la peine de cette vie de Jeannette et de ses soeurs d’Afrique. Et pourtant pas la moindre haine ! Si peu d’aigreur ! A peine quelques cris de douleur pour cacher telle ou telle description de parfaites et stupides cruautés. Mais la vie l’emporte et voici Jeannette et ses six trésors de Camerounais parisiens : Princesse, Reine, Prince, Roi, Duc et Comte enfin, et cet éclat... de sourire.
Mon frère, mon « fils », son mari, « Momo Joseph », un cadeau dans une vie de « toubab ». Merci pour ce livre tour à tour enfantin, féminin, familial, une leçon lente et douce de sagesse et de tendresse.
Pierre Patrick KALTENBACH Auteur de plusieurs livres, notamment La France, une chance pour l’Islam.
LA VEUVE ET SES FILLES
Maman avait épousé dès son jeune âge, et sur la recommandation de ses parents, Monsieur Naweussi avec qui elle avait eu trois filles. Le couple vivait sous le même toit au quartier Zemto à Baleveng qui est l’un des nombreux villages de Dschang entre la frontière Mbouda et la ville de Dschang. D’ailleurs nous puisions l’eau à la même source que les bagangs (ressortissants de Mbouda). C’est ainsi que certains membres de ma famille parlaient couramment bagang bien que mon père et ma mère, eux, ne parlassent pas cette langue. A la mort de Monsieur Naweussi, sa veuve (ma mère), conformément à un principe coutumier bien établi et pratiqué par tradition, devait prendre pour époux Ndifo Doung Robert, le frère du défunt Naweussi.
On notera que cette coutume, bien codifiée, est très respectée chez nous. Mais le plus souvent, elle est aussi lourde de conséquences. Elle complique la vie intime des familles, crée même quelquefois des discordes et des drames.
Maman eut donc d’abord 3 filles, issues de son premier mariage (Pauline, Delphine et Julienne). Et c’est de sa seconde union que je suis née, ainsi que ma petite sœur Marthe Brigitte.
La case de ma mère, héritage de son premier mari, était située à l’écart de la concession de mon père, à 300 m environ. Notre plus proche voisin était Monsieur Djetio Jean.
Je me souviens que mon papa, alors que j’étais encore petite fille, passait toujours par chez nous, en rentrant du marigot, pour nous demander de remplir quelques tâches quotidiennes : porter sa nourriture au porc que nous élevions, conduire les moutons aux pâturages où on devait les maintenir attachés, etc. J’exécutais tous ces travaux avec mes autres frères et sœurs. C’était ma mission tous les matins.
Dès que j’avais terminé, je retournais aider maman aux travaux champêtres. J’aimais bien. Concernant papa, ses travaux mobilisaient tout le monde. Il y avait alors deux périodes dans l’année où nous étions en permanence au service de papa : celle de l’épandage des engrais et de la cueillette du café.
L’épandage d’engrais
A l’époque de l’épandage de l’engrais aux pieds des caféiers, nous devions d’abord finir les travaux sur les plantations de papa avant de venir en aide à notre maman. Ces périodes étaient riches en enseignements. C’est d’ailleurs au cours de l’une d’elles que j’appris la différence qui existait, dans nos familles africaines, entre les enfants d’une veuve dans une famille polygamique et ceux d’une femme dont la providence avait gardé vivant leur époux.
Par exemple : je considérais les trois premières filles de ma mère comme des sœurs, quoiqu’elles fussent mes demi-sœurs, et nommais demi-sœurs (ou demi-frères) les enfants que mon père avait, ou pouvait avoir avec ses autres épouses.
En cette période de l’année, alors que nous allions épandre les engrais aux pieds des caféiers, chaque enfant s’arrangeait pour être en charge d’un sac d’engrais. Dans chaque sac, il y avait toujours un papier plastique qui assurait son étanchéité.
C’était important pour chacun d’entre nous de disposer de ce précieux sachet plastique une fois le sac vidé de son engrais. Mais ce sac, en principe, restait la propriété de mon père et pouvait servir à la prochaine récolte du café. J’avais remarqué que, lorsque ma petite sœur ou moi-même avions choisi un sac, les autres mamans, épouses de mon papa, ne nous remettaient jamais le sachet de plastique une fois vidé de son contenu, alors qu’il nous revenait de droit.
Ma grande sœur Julienne ne choisissait pas de sac. Elle se contentait de faire le travail exigé et ne réclamait jamais le plastique. Ce comportement m’intriguait. Bien que curieuse de nature, je ne cherchais pas à comprendre et insistais auprès des autres mamans pour avoir ce qui me semblait être mon dû.
Alors l’une d’elles, offusquée, me lança :
« Pour qui elle se prend cette petite bâtarde ! »
Une autre femme, bien moqueuse, ajouta à mon désarroi enfantin :
« Ghoh dzeteh mewu ! » Ce qui veut dire « demandes à ta mère ». Aussitôt, l’un de mes frères m’ordonna de rentrer chez nous. Je pleurais et, surtout, ne comprenais pas pourquoi il me renvoyait ainsi.
Quand j’ai pu poser la question à ma mère, elle me gronda, me dit qu’elle ne voyait pas pourquoi j’insistais pour avoir ce sachet plastique sur les terres de mon père sachant que, dès qu’elle mettr

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