Les industriels et le développement durable
398 pages
Français

Les industriels et le développement durable , livre ebook

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398 pages
Français

Description

Le développement durable séduit désormais le monde de l'industrie et y est partout revendiqué avec force. Comment s'est-il imposé dans l'action industrielle ? Ce livre étudie le processus d'institutionnalisation du développement durable en s'appuyant sur l'exemple de l'industrie du ciment. En faisant l'apprentissage du développement durable, les industriels concourrent largement à sa construction.

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Publié par
Date de parution 01 octobre 2012
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296505575
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Laura MICHEL
LES INDUSTRIELS
ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Lopgioqliutieqsues
Le cas de l’industrie cimentière
Les industriels et le développement durable
Logiques politiques Collection dirigée par Yves Surel
Créée en 1991 par Pierre Muller, la collection « Logiques politiques » a pour vocation principale de publier des ouvrages de science politique, ainsi que des livres traitant de thématiques politiques avec un autre angle disciplinaire (anthropologie, économie, philosophie, sociologie). Elle rassemble des recherches originales, tirées notamment de travaux de doctorat, ainsi que des ouvrages collectifs sur des problématiques contemporaines. Des séries thématiques sont également en cours de développement, l’une d’entre elles visant à publier des ouvrages de synthèse sur les systèmes politiques des États-membres de l’Union européenne. Dernières parutions Cécile Pelaudeix, Alain Faure & Robert Griffiths (eds),What Holds the Arctic Together?,2012.Xabier ITÇAINA et Julien WEISBEIN (sous la dir.),Marées noires et politique. Gestion et contestations de la pollution du Prestigeen France et en Espagne. Christophe VOILLIOT,Éléments de science politique, 2010 Sous la direction de Sylvain BARONE et Aurélia TROUPEL, Battre la campagne. Élections et pouvoir municipal en milieu rural, 2010. Isabelle ENGELI,Les politiques de la reproduction, Les politiques d'avortement et de procréation médicalement assistée en France et en Suisse, 2010. André-Louis SANGUIN,André Siegfried. Un visionnaire humaniste entre géographie et politique, 2010. Bruno PALIER et Yves SUREL (dir.),Quand les politiques changent. Temporalités et niveaux de l’action publique, 2010. Amandine CRESPY et Mathieu PETITHOMME,L’Europe sous tensions, 2009. Laurent GODMER,Des élus régionaux à l’image des électeurs ? L’impératif représentatif en Allemagne, en Espagne et en France, 2009.
Laura MICHEL Les industriels et le développement durable
Le cas de l’industrie cimentière
© L'Harmattan, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99353-2 EAN : 9782296993532
À Jeanne, Patrick, Liliane et Jacques
1 Introduction
Quelle situation étonnante de trouver aujourd’hui les industriels du ciment à côté d’associations environnementales, pour promouvoir le développement durable, alors qu’ils s’opposaient il y a peu encore dans une série de contro verses. De fait, le développement durable connaît depuis quelques années un succès certain dans le monde industriel. Au début des années 2000, de grandes entreprises industrielles commencent à mobiliser ce concept pour qualifier certaines de leurs pratiques. Le développement durable devient ainsi le maître mot de nombre d'industriels, dont certains peuvent se targuer de diriger des entreprises sélectionnées, après audit, par les nouveaux fonds de placement « éthiques » ou « responsables ». Les cimentiers développent euxmêmes à cette époque toute une activité partenariale autour de leurs sites, visant à impliquer élus locaux, associations ou ONG environnementales. Le « Management environnemental », le dialogue territorial et bientôt la lutte contre le réchauf fement climatique, sont des stratégies investies d’abord parallèlement mais bientôt réunies sous le label du « développement durable ». Cette évolution est surprenante chez des industriels longtemps ancrés dans des positions défensives à l’égard de l’environnement et peu soucieux des nuisances qu'ils pouvaient générer. On peut ainsi se demander comment le terme de développement durable, apparu dans les débats onusiens des années 1980, est devenu une référence désormais systématiquement mobilisée par les industriels du ciment. Lorsqu’on se réfère aux origines intellectuelles du développement durable, un tel engouement des acteurs économiques peut surprendre. Né dans les cercles internationaux, le développement durable trouve en effet son fondement dans une critique du modèle de développement économique occidental centré sur la seule croissance économique, mesurée exclusivement à travers l’indicateur du Produit intérieur brut (PIB). La position critique la plus radicale s'exprime dans l'idée d'une « Croissance zéro », issue du Club de Rome (Meadows et al., 1972) voire d’une décroissance (Roegen, 1995). Moins radical, 1 Le présent ouvrage est tiré d’une thèse : L. MICHEL, (2003),Les industriels, l’environnement et la négociation de l’action publique. Le cas de l’industrie cimentière, Thèse pour le doctorat en science politique, Montpllier 1. Le nom de toutes les personnes interviewées a été changé. Je remercie chaleureusement JeanPierre Gaudin pour ses précieux conseils tout au long de ce travail.
l’écodéveloppement va dominer un temps les débats internationaux dans les années 1970, mettant l’accent sur la nécessité d’une meilleure répartition des richesses, autour de concepts tels que les « besoins fondamentaux » (Sachs, 1980). Si l'écodéveloppement introduit une dimension environnementale, l’approche est d’abord centrée sur les besoins humains. Le débat va cependant progressivement s’éloigner de ces premières origines avec l’apparition du «sustainable development», traduit en français par « développement durable ». Celuici s’inscrit dans la filiation de l’éco développement, mais apparaît moins critique à l’égard du modèle de croissance économique occidental. Le terme, apparu pour la première fois en 1980 dans une publication de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN), financée conjointement par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) et leWorld Wildlife Fund(WWF), (PNUE, UICN et WWF, 1980) met l’accent sur la nécessaire conservation des ressources naturelles, soulignant que les êtres humains doivent tenir compte du caractère limité de ces ressources et des « besoins des générations futures ». Adopté par le rapport Brundtland (World Commission on Environment and Development, 1987) le terme va alors connaître une diffusion planétaire. Si le développement durable reste centré sur la notion de développement dans le rapport Brundtland (Zaccai, 2011), il contribue néanmoins à recadrer le débat sur la durabilité de la croissance économique : We have in the past been concerned about the impacts of economic growth upon the environment. We are now forced to concern ourselves with the impacts of ecological stress degradation of soils, water regimes, atmosphere, and forestsupon our economic prospects” (WCED, 1987: 5). La Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED) tenue à Rio en1992 marque une étape cruciale dans la diffusion du concept de développement durable mais ce n’est qu’avec la signature du Protocole de Kyoto en 1997 – « Rio+5 » – qu’apparaissent les trois piliers – économique, social et environnemental – classiquement associés au dévelop pement durable. Ainsi, au fil des débats internationaux qui lui ont donné naissance, le sustainable development,s’est démarqué du concept originel d’écodévelop pement pour déplacer son centre de gravité du pilier social vers les piliers environnementaux et économiques. Alors que l’écodéveloppement, pourtant à l’origine du travail de la Commission présidée par G. Brundtland, insiste sur les enjeux de développement local dans les pays en développement, le concept de développement durable est centré sur la nécessaire conservation des ressources naturelles dans le rapport de l’UICN tout comme dans le rapport Brundtland (Aggeri et Godard, 2006). Cette logique va se renforcer avec la montée en puissance de la problématique du réchauffement climatique qui va devenir prégnante, voire « obsessionnelle » (Brunel, 2007). Ainsi, en 1992 la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio
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de Janeiro, fait de l’environnement le pilier essentiel du développement durable au détriment du volet humaniste. Symptomatiquement, elle aboutit à la signature de trois conventions internationales, qui toutes portent sur l’environ nement. En particulier, la convention cadre sur les changements climatiques (9 mai 1992) donnera lieu à l’adoption du protocole dit de Kyoto en 1997 qui va mobiliser toutes les énergies, tandis que les questions sociales seront beaucoup moins présentes. De manière similaire, si la Commission européenne semble avoir fait du développement durable une valeur partagée, en réalité, sa vision apparaît relativement restrictive, très recentrée sur l’environnement (Theys, 2005). La Stratégie de développement durable européenne de 2001 consacre elle aussi la lutte contre le réchauffement climatique comme axe essentiel du développement durable. Plus restrictivement encore, l’environnement luimême est alors progressivement appréhendé essentiellement au regard de sa contribution à la compétitivité économique dans le domaine de l’efficacité énergétique en particulier (Pallemaerts et Gouritin, 2007). Dans le même temps, les travaux des économistes prônant la mise en place d’instruments économiques (tels que les marchés d’émissions) plutôt que réglementaires trouvent un écho grandissant. De même la thèse de la croissance durable inspirée du modèle économique de Solow – dite également de « soutenabilité faible » – basée sur l’hypothèse d’une substituabilité entre « capital naturel » et « capital créé par les hommes », inspire les politiques basées sur l’innovation technologique et l’adaptation pour satisfaire les besoins des générations futures. Ainsi, l’effet de rupture introduit par le développement durable doit être nuancé. Présenté comme radicalement nouveau, celuici s’inscrit en grande partie dans la continuité des politiques environnementales, qui ellesmêmes se présentent comme des politiques constitutives organisant le compromis entre acteurs aux intérêts hétérogènes (Lascoumes, 1994) et ménageant largement les intérêts économiques. Ce recentrage progressif du développement durable sur la durabilité de la croissance économique et de la compétitivité, ne permet pas pour autant de comprendre comment le développement durable s’institutionnalise concrè tement dans l’industrie. Le parti pris de cette recherche a été de centrer le regard, non sur la transformation des programmes de politiques publiques au regard du développement durable, mais sur la mutation concrète d’un secteur industriel donné, considéré comme un système d’action organisé, confronté entre autres, à des programmes de politiques publiques environnementales puis de développement durable. Pour ce faire, nous avons choisi de suivre les transformations d'un secteur très traditionnel de l’industrie lourde : celui de l'industrie cimentière. Il s'agit d'un secteur de base de l'ère industrielle, sur lequel repose la construction de toutes les infrastructures d'équipement d'un pays moderne. À ce titre, l'industrie cimentière a été l’un des six secteurs clés du premier Plan (Plan Monnet, 1946 52), à la base de la reconstruction et de la modernisation de la France d'après guerre. Il s'agit ainsi d'une industrie tout à fait caractéristique du modèle
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