Les métamorphoses de l écologie
254 pages
Français

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Les métamorphoses de l'écologie , livre ebook

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Description

A la fois science fondamentale et appliquée, reliée à des problématiques sociales, économiques, politiques ainsi qu'à une organisation administrative, légale et réglementaire, l'écologie suscite controverses et passions. Cet ouvrage clair et incisif donne une vue d'ensemble critique et concrète du périmètre de cette science en mutation, de ses contraintes, de ses limites et apports, de son instrumentalisation sociale et des débats qui en résultent.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2017
Nombre de lectures 14
EAN13 9782140026782
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alexandra Liarsou LES  MÉTAMORPHOSES DE L’ÉCOLOGIE
Entre science et expertise
LES MÉTAMORPHOSES DE L’ÉCOLOGIE
Collection « Nouveaux regards sur l’écologie » Dirigée par Alexandra Liarsou
A partir des années 1970, les cadres politiques et institutionnels ont fait évoluer l’écologie scientifique vers des dimensions appliquées à la conservation / restauration des espèces et des milieux dits naturels, assujettissant les chercheurs à une fonction d’aide à la décision publique. La gestion de l’environnement suscite de vives controverses et charrie, de manière implicite voire impensée, des représentations de l’homme, de la société, de la nature et de l’économie de production, brouillant la frontière entre science et idéologie. Cette collection a pour but de replacer l’écologie scientifique et la gestion de l’environnement, telles qu’elles se sont structurées sous l’impulsion des conférences onusiennes, dans le fil évolutif des usages et représentations sociales de la nature en intégrant notamment la connaissance historique des interactions sociétés-milieux.
Alexandra Liarsou LES MÉTAMORPHOSES DE L’ÉCOLOGIE Entre science et expertise
Du même auteur Le castor et l’homme d’hier à aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2015. Les sciences humaines et les sciences du vivant face à la crise de la biodiversité, Paris, L’Harmattan, 2014. Biodiversité, entre Nature et Culture, Paris, Le Sang de la Terre,2013.Liarsou, A., Beck, C., Kohler, F., Kreutzer, M., Lévêque, C. et Pech, P. (dir.), Sciences et biodiversité : acteurs, enjeux, temporalités, Paris, L’Harmattan, 2016. © L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr ISBN : 978-2-343-10762-2 EAN : 9782343107622
Introduction générale Au plan environnemental, le foisonnement des activités humaines et leur emprise au sol sont devenus préoccupants depuis de nombreuses décennies. Le constat a été établi que l’ère industrielle est le vecteur de catastrophes de grande ampleur. L’apparition de la notion de pollution à grande échelle, liée à l’emploi de produits comme les pesticides, a contribué à nourrir le sentiment que l’homme et ses modes de développement économique étaient néfastes à ce qui est communément appelé nature, ainsi qu’à l’espèce humaine elle-même. En Europe et encore davantage aux États-Unis d’Amérique, ce type d’affirmation est devenu trivial. Il est présent dans les discours politiques, relayé par les médias et nombre d’organismes de protection de l’environnement. Ces préoccupations ont pour partie engendré le développement de notions telles que risque, aléa, menace et vulnérabilité. La littérature sur le sujet s’est mise à proliférer. Des stratégies de gestion des risques (regroupées sous le néologisme de « cyndinique ») et de gestion des crises ont été élaborées ; les célèbres études d’impact ont été développées. Quantité de normes, de directives et de résolutions sont venues qualifier les risques environnementaux et tenter d’encadrer et/ou de compenser les dommages causés par les activités économiques. Les répercussions des activités humaines sont envisagées à différentes échelles biologiques, écologiques et géographiques. Ces répercussions sont le centre d’attention de plusieurs administrations ainsi que de chercheurs, techniciens et ingénieurs issus de différentes filières et champs disciplinaires. Pour autant, le contenu des discours sur la protection de l’environnement reste très disparate. Pour exemple, il en est ainsi de la notion de restauration des écosystèmes, des finalités de la réparation, des fondements du bon état à retrouver et de la légitimité même d’une intervention humaine en la matière. À ce propos, il faut d’abord rappeler que la naturalité et le caractère néfaste des activités humaines n’ont pas la même
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signification selon les territoires et les pays envisagés. Ainsi, l’optique de retrouver un point de référence antérieur à l’action humaine a davantage de sens pour des Américains que pour des Européens. En Europe, l’action humaine est tellement ancienne qu’elle est totalement imbriquée dans les paysages que nous qualifions parfois de naturels ou sauvages. De même, la question de l’ampleur et de la nocivité du développement économique n’a pas la même signification en Europe qu’aux États-Unis, où des transformations manifestes et sans précédent ont eu lieu dans des zones très peu remaniées et peu fréquentées par les hommes. La prise en compte de considérations écologiques constitue un enjeu financier et un objet pour l’économie. Les représentations néolibérales classiques de l’environnement voient ce dernier comme une externalité et une ressource minimale à maintenir pour qu’il y ait marché et profit. Ainsi, dès les années 1920, l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou a défini, sur la base du concept des externalités, le principe de pollueur-payeur, mis en pratique en 1972. L’économiste Ronald Coase a défini 1 ensuite le principe des permis d’émission en 1960. Concernant la 2 biodiversité , plusieurs types et modes d’estimation ont commencé à être utilisés depuis les années 1980 et 1990 par les économistes. L’objectif était de représenter sa valeur en tant que source de services écosystémiques, comme bien public/commun, ou encore pour la comparer avec des indices tel le Produit Intérieur Brut (PIB). Une estimation a été demandée par l’Europe à un groupe de travail piloté 3 par l’économiste Pavan Sukhdev pour le Sommet de la Terre de Nagoya en 2010. Les auteurs du rapport estimaient alors que les services mesurables fournis par la nature représentaient environ 23 500 milliards d’euros par an (soit 50% du PIB mondial). Cette conception de la variable environnement à laquelle il suffit d’ajuster le système économique est par exemple identifiable dans le principe demitigation banking.Les entreprises s’achètent et se revendent des crédits-compensations pour continuer à polluer. Cette représentation est également perceptible dans le fait d’estimer la valeur de la biodiversité. N’oublions pas que nombre d’intermédiaires se sont intercalés dans lebusinesset sur le créneau de sa environnement
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préservation. Ils y ont trouvé des débouchés professionnels (parfois des métiers de niche) et de la rentabilité. Il s’agit par exemple des bureaux d’études d’impact, conseils juridiques spécialisés, sociétés d’achat-revente de crédits d’émissions, services de responsabilité sociétale des entreprises (RSE, ISO 26000), organisations non gouvernementales (ONG), associations, éco-entreprisesetc.). Actuellement coexistent des théories et modèles économiques distincts, correspondant à différents degrés de prise en compte de la biosphère ainsi qu’à différents référentiels disciplinaires (thermodynamique, attracteurs étranges, théorie du système général, théorie du chaos, auto-organisation…). Il en est ainsi du capitalisme naturel, de l’éco-énergétique, de la bioéconomie et autres avatars. Au sein de chaque modèle, les principes de base sont consensuels mais les indicateurs, valeurs, services, mesures et méthodes diffèrent d’un théoricien à l’autre. Pour résumer, disons simplement que ces courants se fondent tous sur une représentation capitaliste, ethnocentrée et 4 anthropocentrée où la nature n’est qu’une ressource, une réserve de biens et de services, destinée à perpétuer les richesses et le « bien-être » humain ; terme inconsistant mais très en vogue dans les conventions internationales depuis la première conférence sur l’environnement ayant eu lieu à Stockholm en 1972. Tous ces modèles peuvent être considérés comme des facettes de la perspective de développement durable, qui vise la conciliation entre environnement et maintien de la croissance. Pour autant, la régulation des antagonismes économiques, devenus visibles sous l’angle de la prise en compte de la finitude de l’environnement d’une part, de la prise 5 de conscience de la rationalité limitée des individus d’autre part, n’est qu’à l’état larvaire. La voie alternative de ce nouveau libéralisme écologique est celle de la décroissance, théorisée il y a plus de 50 ans par le mathématicien et économiste Nicholas Georgescu-Roegen. Aujourd’hui encore, ce courant de pensée peine à structurer ses plans d’action et à résoudre ses propres contradictions, lorsqu’il s’agit de mettre en pratique un tel système à des échelles non locales ; la décroissance restant davantage un art de vivre qu’un modèle politique applicable.
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Comment entrevoir la place et les conditions d’existence de l’écologie scientifique dans ce jeu idéologique et économique ? Si quelqu’un vous demande ce qu’est l’écologie et comment la définir en quelques mots, il est fort probable que vous vous trouviez confronté à des hésitations pour qualifier cette discipline et pour vous abstraire des querelles médiatiques qu’elle charrie… Même pour un chercheur confirmé non spécialiste d’écologie, ou un étudiant novice de biologie, l’écologie peut sembler un objet difficilement saisissable, tiraillé par des questions épistémologiques mais aussi des perspectives éthiques et des visées politiques excédant le champ de la science. Qui plus est, ne serait-ce qu’en demeurant sur le terrain scientifique, il existe une variété de champs d’étude, de conceptions et de finalités pour la recherche en écologie. Plus que d’autres sciences, l’écologie suscite controverses et engouement auprès du grand public. L’écologie est à la fois science fondamentale et appliquée, reliée à des problématiques sociales, à des orientations politiques, à des enjeux économiques ainsi qu’à une organisation administrative et des obligations légales ou réglementaires. Le magma pléthorique d’ouvrages consacrés à l’écologie sous toutes ses formes (politique, philosophique, scientifique, technique…) peut entretenir la confusion et le lecteur pourrait se désespérer d’obtenir l’éclairage le plus objectif et synthétique possible sur le cadre et les réalités de la discipline écologique. C’est la visée du propos développé dans ce livre. Sont exposés les principaux cadres politiques et institutionnels qui ont fait évoluer les objets d’étude et la place de l’écologie. Sont commentés les rôles parfois délicats endossés par les scientifiques au sein du processus de prise de décision et d’action publiques. Sont présentées les démarches des disciplines spécialisées que sont la biologie de la conservation et l’écologie de la restauration. Enfin, sont abordés les débats qui animent la communauté scientifique au sujet des modalités de protection et de réparation de la nature ainsi que les querelles idéologiques sur l’homme, la nature et l’économie que véhiculent les discours écologiques.En toile de fond, ce livre procure une vision globale très
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simplifiée de l’histoire de l’écologie — depuis les prémices de son e développement à la toute fin du XVIII siècle jusqu’à sa situation e actuelle en ce début de XXI siècle — ainsi que de son organisation conceptuelle et de ses principales méthodes d’analyse. Ce livre n’est donc pas un ouvrage mono-disciplinaire, n’envisageant l’écologie que sous l’angle de la biologie ou de la sociologie et de l’histoire des sciences. Il n’est pas conçu pour l’expert. Il se veut accessible à tous, donnant une vue d’ensemble critique et concrète de cette science en mutation, de ses contraintes, de ses limites et apports, de son instrumentalisation sociale et des débats qui en résultent au sein de la communauté scientifique.
1 Une « bourse carbone » est un marché organisé de négociation-échange de droits d’émission de gaz à effet de serre comme le CO2 et le méthane. Le marché de permis européen ou European Union Emissions Trading Scheme (EU ETS) est le mécanisme d’échange de droits d’émission le plus important dans le monde.
2 C’est la diversité naturelle des organismes vivants. Est considérée la diversité des écosystèmes, des espèces, des populations et celle des gènes dans l’espace et dans le temps. Sont également considérées l’organisation et la répartition des écosystèmes aux échelles biogéographiques.
3 Les Sommets de la Terre sont des rencontres décennales entre dirigeants de la plupart des pays du globe, organisées par l’ONU, pour tenter de définir les moyens de mettre en œuvre le développement durable au niveau mondial (voir chapitre 1 du présent ouvrage).
4 Ethnocentrée au sens de centrée sur les représentations et les modes de vie occidentaux. Anthropocentrée au sens de centrée sur les besoins et les visées humaines ainsi que sur la définition de l’homme telle qu’élaborée en Occident. Pour des précisions sur ces notions, lire : Liarsou, A., (2014).Les Sciences humaines et les Sciences du vivant face à la crise de la Biodiversité. Paris: L’Harmattan.
5 La rationalité limitée est un concept employé en sociologie, psychologie, micro-économie ou encore en philosophie politique. Ce concept suppose que l’acteur considéré (l’individu, l’organisation politique) a un comportement rationnel mais que sa rationalité est limitée par sa capacité cognitive et par l’information disponible (ce à quoi pourraient être ajoutés ses intérêts à court terme). Dès lors, l’acteur va s’arrêter au premier choix qu’il jugera satisfaisant.
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