Aux amis, faux frères et malades imaginaires des Lumières
84 pages
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Description

Ce petit essai, composé entre juin et août 2008, ne se pose qu'un seul défi : faire court. Dès lors, il faut taper plus fort sur la tête du clou. Quitte à se faire mal aux doigts et écraser le bois dont on prétend s'échauffer. On dira que les Lumières se prêtent d'elles-mêmes au jeu. Ne l'ont-elles pas presque inventé, dans la plus célèbre bataille entre idées ? Peut-être. Mais elles n'ont pas tiré les premières. Elles répondent aux noires soutanes, toujours là et bien là. Qu'est-ce pourtant que les Lumières qui, parties d'Europe au tournant du Moyen Âge, entendent rayonner sur le monde et délivrer l'Humanité de ses fables, la raison de ses erreurs, la société de ses malheurs ? On se l'est souvent demandé, et il faut continuer. Faire bref ne signifie pas à tout coup faire simple. Aufklärung, Enlightenment disent mieux un procès historique croissant et multipliant. Lumières désigne plus clairement la pluralité des options, des moments, des pays, des groupes et individus. Par la force des choses, il est beaucoup question de la France. C'est la faute à ma langue, à mes goûts, à la concision, tout autant qu'au lecteur visé. Mais si la France se distingue d'autres pays, elle va dans le même sens, et ne se prive pas de commercer. Lumières veut dire débats et combats. Donc, je débats et me bats, sans oser trop tremper la plume dans l'eau froide.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782304036718
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean Goldzink
Aux amis, faux frères et malades imaginaires des Lumières
L’Esprit des lettres
Editions Le Manuscrit Paris


« L’Esprit des lettres »
Collection coordonnée
par Alain Schaffner et Philippe Zard
« L’Esprit des lettres » présente, dans un esprit d’ouverture et de rigueur, toutes les tendances de la critique contemporaine en littérature française ou comparée. Chaque proposition de publication fait l’objet d’une évaluation scientifique par les directeurs de collection ainsi que par des spécialistes reconnus.


Dans la même collection :
Agnès Spiquel et Alain Schaffner (ed.), Albert Camus, l’exigence morale. Hommage à Jacqueline Lévi-Valens i, 2006.
Jeanyves Guérin (ed.), La Nouvelle Revue française de Jean Paulhan , 2006. Isabelle Poulin, Écritures de la douleur. Dostoïevski, Sarraute, Nabokov , 2007. Philippe Marty, Le poème et le phénomène , 2007.
Philippe Zard (ed.), Sillage de Kafka , 2007
Jeanyves Guérin (ed.), Audiberti. Chroniques, roman, théâtre , 2007.
Emmanuelle André, Martine Boyer-Weinmann, Hélène Kuntz (ed.), Tout contre le réel. Miroirs du fait divers , 2008
Yves Landerouin, Aude Locatelli (ed.) , Musique et littérature , 2008
Hedi Kaddour (ed.) , Littérature et saveur. Explications de textes et commentaires offerts à Jean Goldzink , 2008
Alain Romestaing (ed.), Jean Giono . Corps et cosmétiques, 2009
Jean Goldzink, La Plume et l’Idée, ou l’intelligence des Lumières , 2009
Vincent Ferré, Daniel Mortier (ed.), Littérature, Histoire et politique au 20 e siècle : hommage à Jean-Pierre Morel , 2010.


© Éditions Le Manuscrit, 2011
© Illustration de couverture : RMN / Thierry Le Mage
EAN : 9782304036701 (livre imprimé)
EAN : 9782304036718 (livre numérique)


Du même auteur
H istoire de la littérature française du XVIII e siècle , Bordas, 1988 (rééd. Larousse, 2000).
La Politique dans les Lettres persanes , Presses de l’ENS, 1988.
Charles-Louis de Montesquieu , Lettres persanes , PUF, 1989.
Voltaire : la légende de saint Arouet, Gallimard, 1989.
Stendhal : l’Italie au cœur , Gallimard, 1992.
Voltaire entre A et V , Hachette Supérieur, 1994.
De chair et d’ombre : essais sur Marivaux , Challe, Rousseau, Beaumarchais, Rétif, Goldoni , Paradigme, 1995.
Comique et comédie au siècle des Lumières , L’Harmattan, 2000.
Montesquieu et les passions , PUF, 2001.
Le Vice en bas de soie ou le Roman du libertinage , Corti, 2001.
À la recherche du libertinage , L’Harmattan, 2005.
Beaumarchais dans l’ordre de ses raisons : dialogue posthume avec Jacques Scherer sur les dramaturgies de Beaumarchais , Librairie Nizet, 2008.
La Plume et l’Idée ou l’Intelligence des Lumières , Editions Le Manuscrit, 2009.
Essais d’anatomo-pathologie de la critique littéraire , Corti, 2009.
La Solitude de Montesquieu , Fayard, 2011.


Chapitre premier D’un plat qui fume encore
Le mal des lumières ne peut se corriger qu’en acquérant plus de lumières encore. (Mme de Staël)
Il semble bien que les Lumières ne soient pas un objet historique tout à fait comme les autres. Le Romantisme, la Renaissance, le Classicisme, la Scolastique nous intéressent, ils ne nous émeuvent plus autant. Avec les Lumières, l’Histoire nous repasse un plat encore chaud. Faut-il regretter telle anomalie ? C’était, à travers la Révolution française, le vœu de F. Furet, ce bizarre historien-idéologue à l’ancienne (beaucoup d’idéologie, peu d’archive). « Cessez donc de vous passionner pour ce qui me passionne ! », clamait-il entre Paris et Chicago à des auditoires ébahis. La France devait d’urgence jeter de l’eau glacée sur ses braises, pour en faire des cendres bonnes à couvrir sa tête enfin refroidie. Elle le devait pour devenir à son tour, avec hélas deux siècles de retard, une nation sage, un peuple raisonnable. Apte au business et aux transactions politiques prudentes, entendons minimes ou minimales.
Les Français ont grand tort, disait-il par monts et vaux, de s’attacher à leur passé révolutionnaire ; les Américains bien raison de vénérer religieusement leurs Pères fondateurs et le drapeau domestique (ce que les attardés de France et de Navarre ne font pas, c’est la faute à Voltaire). Mais pourquoi donc ? se demande le candide de service. Réponse du regretté professeur : parce que la Constitution américaine perdure, et que nous en changeons comme de chaussettes. Faute de vouloir connaître la vérité vraie du politique, sise au-delà des eaux polluées. Depuis 1688, l’An I de la glorieuse liberté modérée. Mais la fin approche enfin des bicentenaires excentricités hexagonales : révolutions, grèves, constitutions, nationalisations, anticléricalisme, impôt sur la fortune, fonctionnaires à statuts, intellectuels gauchement contestataires, conflits idéologiques, Code du travail paralysant, préventions envers la richesse, État déclaré providentiel car saisi par la débauche redistributionniste...
Croyant parler d’Histoire et même de science, l’intellectuel communiste repenti écoulait en douce l’idéologie officielle du Marché Commun sous contrôle américain, l’opium des intellectuels en quête de confort. Sa célébrité a passé comme celle des vedettes médiatiques – sitôt disparu, sitôt oublié. Trois tours sous la lumière, et puis la fosse commune des bibliographies, qui nous attend tous en guise de Purgatoire avant le néant. La question demeure pourtant : pourquoi diable tant de passions, tant d’essais autour des Lumières, surtout dans leur version française ?
Rien que sur notre sol en passe de se libérer des traditions et autres avantages mal acquis – l’État se proclame « actionnaire principal et patron », la police chasse l’immigré après le juif, le faciès sert d’étoile – j’en dénombre au moins quatre ou cinq depuis l’an 2000, et nullement destinés au seul cercle des spécialistes blasés. C’est par eux qu’il faut commencer 1 . Car on ne pense pas tout seul, à supposer qu’on pense dès qu’on écrit. Je retiens un expert de la littérature éclairée (J.M. Goulemot), un essayiste fécond (T. Todorov), un philosophe médiologue guère moins disert qu’un média (R. Debray), un cardinal juif promu sur fond de silence papal devant les fours crématoires (J.-M. Lustiger). Qu’est-ce donc, d’après ces textes, que les Lumières ? et pourquoi doivent-ils en parler 2 ?
Été 2008 : que faire des Lumières ?
Pour illustrer l’actualité , comme on dit, du débat , ouvrons la revue Le Débat et commençons par là 3 . Il s’agit de savoir si les Lumières sont « un moment définitivement dépassé de notre histoire » ou « une source d’inspiration vivante ». L’historien polonais K. Pomian est chargé de retracer d’abord « Le temps et l’espace des Lumières » (p. 135-145). Par Lumières, déclare-t-il d’emblée, il faut entendre un siècle à la fois un et pluriel en raison d’une « pluralité de générations, de pays, de milieux, de domaines, d’attitudes, d’intérêts et de courants », et ne pas en subordonner l’approche, comme jusqu’en 1940, à l’influence des gens de lettres sur la Révolution. Il faut donc cesser de vénérer l’Événement franco-français et sa brillante littérature « mondaine » ; s’intéresser aux sciences naturelles , historiques, sociales des Lumières ; ne plus se focaliser sur la seule philosophie hexagonale, « littéraire, anticléricale, étrangère aux problèmes métaphysiques » par son tropisme empirico-sceptique, coupé dès lors de Spinoza, Leibniz, Newton, voire Kant. Il y eut certes Cassirer (1932), Hazard (1935), Wade (1938) 4 , mais leur influence s’exerça avec retard. C’est que, outre le nazisme et la guerre, leur effort se heurtait à « la vision de l’histoire véhiculée par les partis communistes », qui voulaient faire de la révolution bolchévique « le seul héritier légitime de la tradition ² matérialiste, rationaliste et progressiste ² de la pensée européenne ». Cette idée ne se décomposa qu’à partir des années 1960, en France vers 1980, sous l’effet des recherches universitaires et des secousses politiques 5 .
Se dégage dès lors une autre image des Lumières, qui vont « des années 1685/1688 aux année

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