Avoir des enfants dans un monde en péril ? - Les clés d un enjeu de société
43 pages
Français

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Description

Du fait de l’urgence environnementale, il est essentiel de se poser la question de la pertinence morale de mettre au monde des enfants, ainsi que l’impact d’un tel choix. Luka Cisot livre dans cet essai le fruit de ses recherches et de ses réflexions sur le sujet : une approche en profondeur et toute en subtilité, laissant les champs ouverts, sans réponse simpliste.Qu’il s’agisse de la situation écologique, de tensions géopolitiques, de la pandémie en cours ou de la polarisation des discours, la reconfiguration sociale contemporaine repose le sens de la procréation, alors que les nouvelles techniques de la reproduction font tomber de plus en plus d’obstacles biologiques. Les équilibres écologiques imposent des limites aux activités humaines. Pour réduire l’empreinte écologique de l’humanité, la démographie est l’une des trois variables principales. Cet ouvrage investigue les différentes facettes qui éclairent cette variable, à la lumière de l’urgence environnementale contemporaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mai 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782364292222
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture

Titre
Luka Cisot





Avoir des enfants dans un monde en péril ?

Les clés d’un enjeu de société










www.yvesmichel.org
Sommaire
1. Introduction
2. Normes sociales
3. Nouvelles technologies de la reproduction
4. Écologie et démographie
5. Productivisme et gérontocratie
6. Dépeupler la Terre ?
7. Cesser de se reproduire ?
8. Conclusion
9. Bibliographie

Remerciements
Merci à David et Alexandre pour leurs relectures attentives et éclairées.


1.
Introduction
Lorsque se présente le choix de faire ou non un enfant, de nombreuses interrogations émergent. Les réponses à ces questions peuvent être influencées par de nombreux facteurs : « instinct » biologique, désir socialement construit, envie profonde, dégoût viscéral, stabilité du couple, sécurité ­financière, pression familiale, contraintes professionnelles, conséquences physiologiques, instabilité psychique, perte de liberté personnelle, peur des responsabilités, envie de réparer le tort causé par ses propres parents, normes sociales, perspectives d’avenir, vision du monde, etc. À ces facteurs traditionnels s’ajoutent depuis quelques décennies des considérations environnementales, qui prennent une dimension nouvelle avec l’entrée dans l’Anthropocène et la perturbation irréversible de certains équilibres ­écologiques.
Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes nés entre la fin du siècle dernier et le début du siècle actuel, ainsi que pour les chercheurs, les professionnels et les militants en contact permanent avec l’actualité scientifique et politique. Lorsqu’on est quotidiennement confronté aux informations sur la dégradation de l’écosystème planétaire et à la distance croissante entre la gravité de la situation et les dysfonctionnements des processus économiques, administratifs et militants (inertie, intérêts cachés, détresse sociale, enjeux électoraux, facteurs humains, lobbies, cruauté patronale, propagande, ego surdimensionnés, sabotages internes de collectifs militants, etc.), la décision très personnelle de la reproduction se retrouve confrontée aux pires aspects de l’humanité et à l’abstraction de l’urgence environnementale d’échelle globale.

Les réticences liées à cet état d’urgence sont renforcées par le fait que le monde ­contemporain est traversé de pauvreté, de concentration malsaine de richesses, d’égoïsmes, de manipulations, de mensonges, de destruction, d’autodestruction, de cynisme, de déni, de souffrance, d’indifférence, de désastres et de violence. On pourra argumenter qu’il n’est pas démontré que ces problèmes sont nouveaux. Mais ce qui l’est certainement, c’est l’accès illimité aux informations à leur propos et leur articulation avec la catastrophe écologique planétaire en cours. Quel est alors le sens de mettre au monde un enfant qui vivra une époque vraisemblablement marquée par le déclin civilisationnel, l’effondrement et la violence ? Est-il moralement justifiable, étant donné l’état du monde, de donner naissance à un être humain qui pourrait vivre jusqu’en 2100 (si l’espérance de vie actuelle des pays européens se maintient) ?

Ce texte explore différents éléments de réponse à ces interrogations qui peuvent émerger lorsque l’on fait face au dilemme de la procréation dans un contexte fortement marqué par l’incertitude. Il ne se veut pas exhaustif et se focalise sur le lien entre dimensions environnementales et morales, plutôt que sur les perspectives ­psychosociales (abondamment traitées ailleurs). Il tente d’apporter des arguments permettant de se construire une opinion et de prendre position. Précisons toutefois que ces idées sont profondément ancrées dans le contexte privilégié des hommes blancs des classes moyennes ­d’Europe occidentale. Ces ­propositions prennent en effet racine dans un parcours singulier de plus de 15 ans, composé de réflexions personnelles, de lectures et de discussions animées. Ce cheminement, tant intellectuel qu’émotionnel, a débuté par le refus catégorique de se reproduire et se termine avec le choix de mettre un enfant au monde. Dans un monde dévasté. Ces pages exposent des craintes, justifiées ou non, et les pensées qui ont mené à les dépasser pour décider d’assumer la responsabilité de la naissance d’un être humain du xxi e siècle, malgré la peur. Elles ne sont pas pour autant un plaidoyer pour l’enfantement, mais plutôt un exercice d’éclaircissement des tensions qui, ensemble, constituent un profond dilemme.

Le premier jet de ce texte date de 2018. Durant les nombreuses phases de réécriture qui ont suivi, l’actualité mondiale a été marquée par des événements marquants : la prise de pouvoir de Jair Bolsonaro au Brésil, l’augmentation de la tension entre milieux révolutionnaires et conservateurs, les incendies en Amazonie, en Australie et en ­Sibérie, les inondations en Europe et en Chine, ­l’attaque du Capitole à Washington suite à la défaite de Donald Trump aux élections américaines, la pandémie de Coronavirus (toujours en cours), etc. Mais cette période a aussi vu l’émergence du mouvement des grèves du climat, la reprise de nombreux soulèvements populaires et le renouveau des mouvements antiracistes et féministes. Les évolutions culturelles obtenues par ces mouvements ont permis à quelques langues jusque-là marginalisées de se délier et ­d’affirmer l’absurdité que peut représenter la décision de se reproduire dans un monde littéralement en flammes.
Malgré la médiatisation de ce discours, la question de savoir s’il est moral ou non d’avoir un enfant en ce début de xxi e siècle reste un tabou difficile à aborder en public. Surtout si c’est l’angoisse générée par de sombres perspectives qui motive le choix de ne pas avoir d’enfant. Le fait que les normes dominantes n’aient pas fondamentalement évolué laisse celles et ceux qui se questionnent dans un certain isolement, puisque fonder une famille est largement considéré comme une étape incontournable de la vie d’un individu. Peut-être que ce livre leur permettra de se sentir moins seuls, de trouver du réconfort, d’appuyer une intuition sur des arguments construits et d’avancer dans leur réflexion. Peut-être pourront-ils ainsi mieux assumer le choix d’avoir un enfant ou de ne pas en avoir. Car cela constitue sans doute la ­décision la plus difficile à prendre dans la vie d’un être humain évoluant en Anthro­pocène, du moins pour ceux chez qui ce désir se manifeste.


2.
Normes sociales
Il existe toute une série d’arguments, biologiques et culturels, qui expliquent la prégnance universelle de la norme sociale voulant qu’un individu adulte devrait avoir des enfants : reproduction de l’espèce, transmission du patrimoine génétique, maintien de la lignée familiale, transmission des richesses accumulées, grandeur de la Nation, contribution à la prospérité économique, maintien des structures patriarcales, financement des retraites, etc. Le discours nataliste se retrouve jusque dans les discours du Pape François, pourtant réputé progressiste, qui accusait en 2014 l’individualisme et l’appât du gain d’être responsables de la dénatalité, cette dernière menant à une vieillesse marquée par « l’amertume de la méchante solitude ». En France, on retrouve ce type de discours au sein de différents partis de centre droit, de droite et d’extrême-droite, comme l’a illustré le ralliement de nombreux de leurs membres aux manifestations de 2012-2014 menées par le collectif d’associations « La Manif pour tous ». En Suisse, le parti « Le Centre » (autrefois « Parti démocrate-chrétien ») construit également son discours autour de la famille avec enfants comme norme et se positionne explicitement comme le « parti des familles » (la famille étant d’ailleurs une notion dont les caractéristiques n’ont rien d’universel et de permanent et qu’il convient de convoquer avec la plus grande précaution).

Si la pression sociale est plus puissante dans les milieux conservateurs et religieux où l’enfantement n’est pas une option mais un devoir, ce n’est pas pour autant que la norme du ménage composé d’une maman, d’un papa et de deux ou trois enfants est absente des milieux progressistes, ceci, malgré un indicateur conjoncturel de fécondité en baisse constante et malgré les transformations sociales, féministes et juridiques des cinquante dernières années. Les normes conjugales et professionnelles se sont certes reconfigurées, mais le discours dominant présente toujours le désir d’enfants comme une évidence, faisant des personnes qui ne souhaitent pas devenir parents des objets de curiosité, voire de dénigrement. La parentalité est encore considérée comme une étape incontournable d’un parcours de vie réussi. Fonder une famille serait la clé du bonheur et de la réussite tant personnelle que sociale. Si ce n’est plus autant un impensé qu’avant les années 1970, avoir des enfants relève désormais d’une logique d’épanouissement de soi : une vie pleine et entière se construit au sein d’une famille hétérosexuée, même à l’époque de la hausse du nombre de familles monoparentales, recomposées ou homoparentales. Ne pas avoir d’enfant serait donc générateur d’une prétendue souffrance.

C’est que l’État renforce, lui aussi, les représentations natalistes, en octroyant des incitations économiques aux personnes qui nourrissent le renouvellement démographique : allocations familiales, congés parentaux, subvention de l’accueil de jour, etc. On reproche dès lors aux célibataires éternels et aux couples sans enfants d’être responsables du vieillissement de la population des pays riches et de la destruction du futur économique de la Nation par diminution du nombre de consommateurs et de contribuables. Dans la vie de tous les jours, la norme dominante se transforme en pression sociale lorsqu’on se voit poser des questions tant informelles et banales qu’insidieuses et brutales, pouvant résonner comme des reproches : « Tu as des enfants ? », « Et toi, c’est pour quand ? », « Et toi, quand est-ce q

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