Bahgar en exil
266 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
266 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Bahgar en exil est un recueil d’impressions et de souvenirs du plus grand peintre de l’Egypte contemporaine qui a longtemps vécu en France en exil volontaire avant de partager sa vie entre ses ateliers de Paris et du Caire. Bahgar, c’est un sobriquet pour Georges Bahgory. L’exil dont il s’agit ici est un voyage vers cet Autre européen, une rencontre cosmopolite et un jeu transculturel. C’est une découverte du Paris des années 70 et 80 marquée par le rythme des pas d’un grand marcheur, un flâneur curieux et contemplatif face à la modernité qui le laisse perplexe. L’écriture est le fruit des itinéraires entre Montmartre, l’Alliance Française, le Quartier Latin, Beaubourg, Montparnasse, l’Ile Saint-Louis et çà et là une chambre de bonne, un café, un bistrot, un atelier d’artiste, une galerie d’art et une escale sur l’île Molène ou ailleurs. Toujours à la recherche de l’anecdotique ou de la scène qui fait sens dans un monde propice à la création littéraire, la représentation de la ville de l’exil est ici rendue par un regard d’artiste qui capte les choses et les êtres d’un regard particulier et imaginatif qui donne aux tableaux peints par les mots et aux portraits esquissés de l’homme ou de la femme en Occident un ton vif et inattendu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782916121284
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 1
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 2
© Anibwe2010, Paris ISBN : 978-2-916121-28-4
Éditions Anibwe 1 rue Boyer-Barret, 75014 Paris Tél. 09 81 42 76 94 www.anibwe.com
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 3
Bahgar en exil
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 4
Parus auxeditionsaniBwé
Romans Colette Lanson,La décision Bilguissa Diallo,Diasporama Lauren Ekué,Icône urbaine Doris Kélanou,L’hôte indésirable Lorfils Réjouis,Les cinq colonnes de l’esprit Moussa Kanté,Une soupe d'éléphant pour un nouveau-né Aboubacar E. Sissoko,Bakari Dian Le fils rebelle de Ségou
Essais Juliette Sméralda,Du cheveu défrisé au cheveu crépu Basile G. Kligueh,Le vodu expliqué à mon voisin de Paris W. K. Fleurimond,De la communauté internationale Théophile Obenga,Le siècle d’Obama Sidiki Kobélé Keïta,Autopsie d’un pamphlet Buata B. Malela,Aimé Césaire le « File et la Trame » Pierre Nillon,La Véritable Bible de Moïse Mbépongo Dédy Bilamba,A nous de le faire ! Lauren Ekué, Carnet Spunk
Poésie Herby Glaude,Je cherche mon pays Nzigou Moussavou,Le nostalgium Toussaint Adjati,Parole devêtue
Théâtre Rosa Amelia Plumelle-Uribe,Kongo, les mains coupées
Nouvelles Adri Nyakpekpe,Les mémoires de madame Dovi Adri Nyakpekpe,Les enfants de Mamiwata
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 5
Georges Bahgory
Bahgar en exil Traduit de l%arabe (Egypte) par Suzanne EL LACKANY
EDITIONSANIBWÉ
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 6
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 7
1-obSERvER LE mÉTRO EN DILETTàNTE
Je suis un Oriental, un rêveur, un étranger venu vivre sur cette terre inconnue avec les Européens. Je suis à la re-cherche d’un travail, d’un toit, je cherche le pain, je désire l’amour. Je flâne dans les rues lentement et leurs pas à eux sont hâtifs. Je suis pensif, contemplant beaucoup le monde de cette civilisation que je ne connais pas encore. Je la découvre. Elle me fascine. Parfois, elle me semble antipathique par certains aspects et jusqu’à la nausée. Il y a des instants où je sens au contraire que je suis en train de naître à la vie une seconde fois. Mais la plupart du temps, je flâne comme un acteur débutant dans un film sans qualité. Je suis un Oriental arrivé ici, venu de la lointaine Haute-Egypte. Le soleil orange a teint mon épiderme de la couleur cuivrée du blé. Mes cheveux sont noirs. Epais, frisés et hirsutes. Ma tête ressemble alors à un arbre farouche aux branches gé-néreuses et aux feuilles abondantes. Quand je communique avec les Européens d’ici, ma langue hésite. Ce n’est pas ma langue à moi et je l’ai empruntée aux Européens en l’adaptant à ma manière. J’ai su m’exprimer longtemps avec les quelques premiers mots que je connaissais. Evitant souvent les verbes. Les verbes sont compliqués. Au passé, au présent, au futur. Il y a aussi l’impératif, le passif, le masculin, le féminin et ainsi de suite.
7
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 8
Je parle comme un Indien ou un Japonais ou les habitants des îles inaccessibles, en n’utilisant que le nom de chaque chose. Pas de verbes. En tout cas on me comprend. Pourtant on me demande parfois de répéter les phrases que je dis plusieurs fois. Trois ou quatre. A chaque fois, je prononce ma phrase avec plus de maladresse. Je me sens confus. Honteux, je perds confiance en moi. Enfin, je sors le mot en un seul souffle ir-
rité. Parfois, je sens que le Français comprend bien ce que je veux dire dès la première fois mais il insiste en demandant : comment ? car il refuse d’entendre un étranger prononcer mal les mots de sa langue. C’est pour ça que je redis mes mots une dernière fois en perdant patience car je sens que le Français désire aussi me punir tout comme à l’école primaire lorsque le maître d’école force un élève à répéter la phrase dix fois parce qu’il a fait une erreur. Mon dépit est légitime. D’autant plus que chez nous en Egypte nous avons l’habitude d’entendre mal parler notre langue par les étrangers qui y habitent. Le Grec d’Egypte ne dit-il pas par exemple « Vous es fâché ? » Nous plaisantons pourtant avec eux à ce sujet, sans railleries. Parfois, nous les imitons sans sarcasme. Je vous jure même que, comme un compliment, nous évitions les sons qu’ils ne pouvaient pas prononcer en nous adressant à eux. Vivant au pays des Européens, je me suis dit que je de-vais m’adapter à leur mode de vie. Je vais porter un pantalon en jeans déchiré avec élégance et arrogance. L’arrogance de la mode. Ma tête, je la couvrirai avec un chapeau européen en imaginant mon propre style. Du vin à boire avec les repas. Des cigarettes locales je fumerai. A tous les fromages je goûterai. Des pommes de terre frites je me régalerai. Le métro je le prendrai. Tous les jours, je monterai et descendrai dix fois les
8
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 9
escaliers du métro. Je me perdrai dans ses couloirs infinis à l’air mauvais et fétide. Le nom de la station je lirai et je le garderai bien en mémoire. Je saurai les correspondances à la station Châtelet ou Concorde ou la Motte-Piquet. Certainement, je n’aurai pas à pousser une foule agglutinée et compacte à la porte des métros comme cela se pratique au Caire. Je ne vais pas m’accrocher au plafond d’un bus ou écraser les orteils d’une personne debout près de moi. Il est certain que je vais trouver une place libre pour m’asseoir. Ou un coin dégagé pour me tenir debout. Si je frôle quelqu’un par inadvertance, je lui demanderai pardon. Ce même « pardon » que j’ai entendu répéter autour de moi. Je me rends soudain compte combien est délicat le contact physique. Il est important de s’en excuser. Or dans notre pays les gens sont compressés dans les trans-ports en commun au point de ne former qu’une seule masse géante et compacte. On perd jusqu’à la sensation de toucher un autre individu. Mais ici à Paris, le mot « contact » retrouve tout son sens. J’ai pris un goût bizarre à une occupation divertissante durant les trajets en métro et qui est l’observation par le menu du monde qui m’entoure. Une fois assis dans une rame du mé-tropolitain, après tous les pardons nécessaires et imaginables, je m’égare dans mes pensées. Je commence à étudier les traits des visages dans le métro. Ceux des Parisiens, ceux des tou-ristes venus de pays d’Europe et ceux des étrangers venus du tiers monde comme moi. J’ai pu voir un 111, c’est-à-dire trois petits traits verticaux, très nets et dessinés en creux entre les sourcils de chaque passager. L’idée du 111 m’est venue d’une expression populaire chez nous pour dire que la personne est de mauvaise humeur « Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi tu affiches un 111 ? »
9
BahgarEnExil_150x210 06/05/2010 01:17 Page 10
Au commencement, je pensais que les passagers du métro étaient renfrognés à cause de ma propre personne. Pour une raison ou une autre. J’ai même voulu me lever à un mo-ment donné pour demander pardon à tous un à un. Peut-être j’avais sans le vouloir manqué à une règle de politesse en usage dans le métro. C’est ma tête insolite qui ne plaît pas ? Mes vê-tements négligés ? Mon sac plein à craquer de papiers ? Je m’examinais et je ne trouvais rien qui confirme une de ces hy-pothèses. Pourquoi ces gens ont-ils l’air de bouder ? Pour ne pas me tromper de direction, je regardais les lignes tracées sur un plan collé au-dessus de mon siège. Arrivé à la station où j’allais descendre, j’ai jeté un coup d’œil du côté des passagers et je me suis dit : Voilà, je m’en vais, ils vont en finir avec ma personne et sourire enfin. Mais ils gardaient tous le même air boudeur. Me voici maintenant devenu un des habitués du Mé-tropolitain de Paris. Tous les jours, je le prends. J’ai découvert au fur et à mesure que les Parisiens le haïssent. C’est pour cela qu’ils font la tête quand ils s’y enferment et montrent une mine avec un front qui ressemble aux chiffres d’un 111. Avec le temps, la manie bizarre que j’avais d’observer leur comportement m’est restée. En regardant bien les expres-sions des visages des passagers, je me rendais compte que des yeux pouvaient fuir d’autres yeux. Une fois, une jolie femme était assise en face de moi. Je me suis mis à regarder son visage candide sans aucune arrière-pensée. Elle a machinalement tourné la tête et s’est mise à fixer le carré de la fenêtre et posait le regard sur tout autre objet. Le problème : de la fenêtre on ne peut voir que des parois obscures. Sans doute elle guettait les lumières de la prochaine station. J’étais étonné. Les yeux s’évitaient de la sorte ?
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents