Circoncision masculine et féminine: Débat religieux, médical, social et juridique
527 pages
Français

Circoncision masculine et féminine: Débat religieux, médical, social et juridique , livre ebook

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Description

Cet ouvrage détaillé présente le débat religieux, médical, social et juridique chez les juifs, les chrétiens et les musulmans autour de la circoncision masculine et féminine.Si aujourd’hui la circoncision féminine fait l’objet d’une campagne nationale et internationale visant à l’interdire, la circoncision masculine est acceptée et rares sont ceux qui osent la critiquer. On estime, à tort, qu’elle est moins grave que la circoncision féminine, voire bénéfique pour la santé.L’auteur dénonce ce mythe entretenu par les Nations Unies et l’Organisation mondiale de la santé. Il démontre que la distinction entre la circoncision masculine et féminine est illusoire, toutes deux étant une violation flagrante de l’intégrité physique que rien ne justifie. Cette distinction est la raison principale de l’échec de la campagne contre la circoncision féminine. On ne peut garantir le droit à l’intégrité physique de la fille si on nie ce droit à son frère.L’auteurSami A. Aldeeb Abu-Sahlieh: Chrétien d'origine palestinienne. Citoyen suisse. Docteur en droit. Habilité à diriger des recherches (HDR). Professeur des universités (CNU-France). Responsable du droit arabe et musulman à l'Institut suisse de droit comparé (1980-2009). Professeur invité dans différentes universités en France, en Italie et en Suisse. Directeur du Centre de droit arabe et musulman. Auteur de nombreux ouvrages dont une traduction française, italienne et anglaise du Coran.

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Informations

Publié par
Date de parution 23 novembre 2012
Nombre de lectures 17
EAN13 9781481041164
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

يمسإاو يبرعلا نقلا زكرمCentre de droit arabe et musulman Zentrum für arabisches und islamisches RechtCentro di diritto arabo e musulmano Centre of Arab and Islamic LawCIRCONCISION MASCULINE ET FÉMININE Débat religieux, médical, social et juridique Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh
Ce livre peut être commandé en ligne auprès de www.amazon.com e 2 édition, 2012
Le Centre de droit arabe et musulman Fondé en mai 2009, le Centre de droit arabe et musulman offre des consultations juridiques, des conférences, des traductions, des recherches et des cours concernant le droit arabe et musulman, et les relations entre les musulmans et l'Occident. D'autre part, il permet de télécharger gratuitement du site www.sami-aldeeb.com un bon nombre d'écrits. L'auteur Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh: Chrétien d'origine palestinienne. Citoyen suisse. Docteur en droit. Habilité à diriger des recherches (HDR). Professeur des universi-tés (CNU-France). Responsable du droit arabe et musulman à l'Institut suisse de droit comparé (1980-2009). Professeur invité dans différentes universités en France, en Italie et en Suisse. Directeur du Centre de droit arabe et musulman. Au-teur de nombreux ouvrages dont une traduction française, italienne et anglaise du Coran. Éditions Centre de droit arabe et musulman Ochettaz 17 Ch-1025 St-Sulpice Tél. fixe: 0041 [0]21 6916585 Tél. portable: 0041 [0]78 9246196 Site: www.sami-aldeeb.com Email: sami.aldeeb@yahoo.fr © Tous droits réservés
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Sommaire Préface par Linda Weil-Curiel ............................................................................................ 6 Introduction ........................................................................................................................ 7 Partie 1. Définition et distribution de la circoncision ........................................................11 Partie2.Ledébatreligieux................................................................................................24Chapitre 1. La circoncision chez les juifs ..........................................................................24 Chapitre 2. La circoncision chez les chrétiens ...................................................................89 Chapitre 3. La circoncision chez les musulmans .............................................................127 Partie 3. Le débat médical................................................................................................178 Chapitre 1. Relation entre le religieux et le médecin .......................................................178 Chapitre 2. Circoncision entre banalisation et exagération ..............................................183 Chapitre 3. Douleur liée à la circoncision........................................................................188 Chapitre 4. Dommages de la circoncision pour la santé ..................................................196 Chapitre 5. Dommages sexuels de la circoncision ...........................................................206 Chapitre 6. Prétendus avantages de la circoncision pour la santé ....................................224 Chapitre 7. Restauration du prépuce ................................................................................260 Partie4.Ledébatsocial...................................................................................................268Chapitre 1. De l'automutilation à la mutilation culturelle ................................................268 Chapitre 2. Influence du milieu sur la circoncision .........................................................276 Chapitre 3. Influence de la religion sur la circoncision ...................................................282 Chapitre 4. La circoncision, moyen de contrôler l'instinct sexuel ...................................286 Chapitre 5. Circoncision et mariage ................................................................................291 Chapitre 6. La circoncision et le système tribal et communautaire .................................300 Chapitre 7. La circoncision et l'instinct de domination ....................................................307 Chapitre 8. La circoncision et les facteurs économiques .................................................318 Chapitre 9. La circoncision et les facteurs politiques ......................................................333 Chapitre 10. Effets psychiques et sociaux de la circoncision ..........................................355 Chapitre 11. Moyens pour lutter contre la circoncision ...................................................367 Partie 5. Le débat juridique..............................................................................................376 Chapitre 1. Interdiction de la circoncision masculine dans l'histoire ...............................376 Chapitre 2. Condamnation internationale de la circoncision féminine ............................380 Chapitre 3. Condamnation nationale de la circoncision féminine ...................................390 Chapitre 4.ONGopposées à la circoncision féminine et masculine ...............................402 Chapitre 5. Circoncision et droits de l'homme .................................................................415 Chapitre 6. Circoncision et dispense médicale ................................................................442 Chapitre 7. Interdiction de la circoncision entre idéal et faisabilité .................................466 Chapitre 8. Circoncision et asile politique .......................................................................484 Conclusion .......................................................................................................................494 Bibliographie ...................................................................................................................496 Table des matières ...........................................................................................................522
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Observations générales Ouvrage détaillé Cet ouvrage est disponible en version française réduite (Circoncision: le complot du si-lence) et en version anglaise complète (Male and female circumcision: religious, medical, social and legal debate). Ces trois ouvrages sont disponibles chez le même éditeur: www.amazon.com. Les arabophones peuvent télécharger gratuitement trois versions en arabe: www.sami-aldeeb.com/articles/view.php?id=131&action=arabic. Translittération L'alphabet arabe se prête à différentes formes de translittération. J'évite la forme savante trop compliquée pour un lecteur non spécialisé. Je donne ici les équivalences de quelques lettres arabes: 'ء + ع ghغkhخ+ w u وdض + د+ y i يdhظ + ذ tط + تshش hح + ـهsص + س jجCitation de la Bible et du Coran Les citations de l'Ancien Testament et du Nouveau Testament sont prises de la Bible de Jérusalem, Cerf, Paris, 1984. Celles du Coran sont prises principalement de la traduction établie par Denise Masson, Gallimard, Paris, 1967. Notes de bas de page Dans les notes de bas de page, je cite le nom de l'auteur et parfois les premiers éléments du titre. Le lecteur est prié de se référer à la fin du livre pour les données bibliographiques complètes. Dates Sauf indication contraire, les dates qui figurent dans cet ouvrage renvoient à l'ère chré-tienne. Pour les noms arabes, nous nous basons principalement sur le dictionnaire biblio-graphique: Al-Jabi: Mu'jam al-a'lam. La date pertinente de décès d'un auteur est indiquée lorsque l'auteur est cité pour la première fois dans le texte ainsi dans la bibliographie. Principales abréviations - Livres de l'Ancien Testament: Genèse (Gn), Exode (Ex), Lévitique (Lv), Nombres (Nb), Deutéronome (Dt), Josué (Jos), Juges (Jg), Ruth (Rt), Samuel I (I S) et II (II S), Rois I (I R) et II (II R), Chroniques I (I Ch) et II (II Ch), Esdras (Esd), Néhémie (Ne), Tobie (Tb), Judith (Jdt), Esther (Est), Maccabées I (I M) et II (II M), Job (Jb), Psaumes (Ps), Proverbes (Pr), Ecclésiaste ou Qohélet (Qo), Cantique des cantiques (Ct), Sagesse (Sg), Ecclésiastique ou Sirac (Si), Isaïe (Is), Jérémie (Jr), Lamentations (Lm), Baruch (Ba), Ézéchiel (Ez), Daniel (Dn), Osée (Os), Joël (Jl), Amos (Am), Ab-dias (Ab), Jonas (Jon), Michée (Mi), Nahum (Na), Habaquq (Ha), Sophonie (So), Ag-gée (Ag), Zacharie (Za), Malachie (Ml).
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Livres du Nouveau Testament: Évangile selon Matthieu (Mt), Évangile selon Marc (Mc), Évangile selon Luc (Lc), Évangile selon Jean (Jn), Actes des apôtres (Ac), Épîtres de Paul: aux Romains (Rm), aux Corinthiens I (I Co) et II (II Co), aux Galates (Ga), aux Éphésiens (Ep), aux Philippiens (Ph), aux Colossiens (Col), aux Thessaloni-ciens I (I Th) et II (II Th), à Timothée I (I Tm) et II (II Tm), à Tite (Tt), à Philémon (Phm), aux Hébreux (He), Épître de Jacques (Jc), Épîtres de Pierre I (I P) et II (II P), Épîtres de Jean I (I Jn), II (II Jn) et III (III Jn), Épître de Jude (Jude), Apocalypse (Ap). AI: Amnesty International. AMM: Association médicale mondiale. av. J.-C.: avant Jésus-Christ. CE: Conseil de l'Europe. Comité inter-africain: Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants. Convention de l'enfant: Convention relative aux droits de l'enfant (entrée en vigueur le 2 septembre 1990). Convention des réfugiés: Convention relative au statut des réfugiés (entrée en vigueur le 22 avril 1954). d. (v.): décédé (vers). Déclaration universelle: Déclaration universelle des droits de l'homme (adoptée et proclamée par l'assemblée générale de l'ONU le 10 décembre 1948). ECOSOC: Conseil économique et social de l'ONU. FNUAP: Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population. h.: calendrier hégire des musulmans. NOCIRC: National organization of circumcision information resource centers. NOHARMM: National organization to halt the abuse and routine mutilation of males. OMS: Organisation mondiale de la santé. ONG: Organisation(s) non-gouvernementale(s). ONU: Organisation des Nations Unies. OUA: Organisation de l'unité africaine. Pacte civil: Pacte international relatif aux droits civils et politiques (entré en vigueur le 23 mars 1976). Pacte économique: Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et cul-turels (entré en vigueur le 3 janvier 1976). UNESCO: Organisation internationale pour l'éducation, la science et la culture. (UN)HCR: Haut commissariat (des Nations Unies) pour les réfugiés. UNICEF: Fonds des Nations Unies pour l'enfance.
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Préface 1 par Linda Weil-Curiel La violence au nom du sacré, violence toujours illégitime et pourtant légitimée par le res-pect de la tradition sacralisée, voilà ce que dénonce avec force M. Aldeeb Abu-Sahlieh en décortiquant les textes des religions dont l'interprétation a permis aux clercs de tous bords de sacrifier tant de victimes, impuissantes devant le couteau. L'un des mérites de cet ouvrage savant est de nous éclairer sur les différentes lectures des écritures et de montrer comment les hommes ont favorisé si souvent le recours à la blessure pour marquer leur attachement religieux. Ce faisant, il n'épargne aucune catégorie d'agents perpétuateurs, qui se recrutent aussi chez les chrétiens, de la torture que constitue la pra-tique de la circoncision des garçons et de l'excision voire de l'infibulation des filles. Car tous sont responsables et coupables: ceux qui prêchent ou disent le droit, celui ou celle qui tient l'arme qui blesse, tout comme ceux qui réclament la coupure et qui savent la souf-france que va subir la chair de leur chair pour l'avoir eux-mêmes éprouvée. Comme si la coupure pouvait être source de bénéfice pour l'enfant soumis de force au marquage presque toujours indélébile de son corps, quand il n'en meurt pas. Et quel bénéfice la communauté des humains peut-elle tirer de cette violence? La pureté? Une élévation spirituelle? Allons donc! Ce marquage des corps asservit puisqu'il tend à enfermer les individus dans une catégorie sans leur consentement, en violant leur intégrité physique, et leur assigne une place, un rôle social auquel ils vont devoir se conformer. Cette dernière réflexion s'applique surtout à la mutilation subie par les filles qui de ce fait devien-nent des reproductrices privées de l'épanouissement sexuel et du bien-être psychique qui l'accompagne. Outre l'indignation devant l'agression intolérable infligée à ces enfants sans défense dans notre société qui se veut égalitaire et laïque, c'est aussi la volonté d'inscrire dans les faits par des décisions de Justice que la loi de la République ne saurait tolérer de distinction dans la protection qu'elle garantit aux enfants, quelle que soit la couleur de leur peau et quelles que soient les convictions de leurs parents, qui a motivé mon engagement dans le combat contre les mutilations sexuelles pratiquées en France. J'admets que jusqu'à présent ce combat personnel s'est cantonné aux mutilations sexuelles féminines, qui me sont apparues plus drastiques que la circoncision, même si je désap-prouve totalement la circoncision des garçons. Or, j'ai appris par cet ouvrage que des formes de circoncision masculine tout aussi pénalisantes étaient pratiquées, ce qui renforce ma conviction qu'il faut s'employer à éliminer toutes ces agressions auxquelles des adultes soumettent le corps des enfants. Est-il un espoir de voir disparaître ces pratiques attentatoires à la dignité humaine alors que les sociétés se fondent et se réfugient dans leurs rites? Pourquoi pas si la raison et la bien-veillance prennent le pas sur la superstition et les élucubrations, en laissant parler notre voix intérieure qui dicte d'ouvrir son cœur plutôt que d'abîmer.C'est la leçon que j'ai retenue de ce magistral ouvrage.
1  Avocate au Barreau de Paris. Elle- a plaidé les procès engagés en France contre la circoncision féminine. Elle lutte dans le cadre de la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles (note de l'auteur).
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Introduction Une grande foule de femmes, d'hommes et d'enfants se massait devant la maison de notre voisin musulman. On distribuait des bonbons pendant que retentissaient, mêlés à des cris stridents d'enfants, les chants des femmes à l'intérieur et à l'extérieur de la maison. J'ai de-mandé à mes parents: Que se passe-t-il? Pourquoi les cris des enfants s'élèvent à l'intérieur? Est-ce parce que certains enfants sont privés de bonbons? Ils m'ont alors expliqué que les enfants se faisaient circoncire. J'avais cinq ans. Je venais d'assister à une circoncision sans en comprendre le sens en raison de mon âge et de mon appartenance à une famille chrétienne qui ne circoncit pas ses en-fants. J'en garde encore le souvenir malgré les années et les distances qui me séparent de cet événement: une fête où certains se réjouissent alors que d'autres pleurent! En 1992, pendant que je faisais ma tournée dans les librairies du Caire, j'ai aperçu un livre en arabe dont le titre était:La circoncision masculine et féminine du point de vue musul-1 man. Sur la couverture étaient dessinés un garçon et une fille entre lesquels passait un couteau rouge. Le titre m'a rappelé mes souvenirs de jeunesse et m'a intrigué: on pratiquait non seulement la circoncision masculine, mais aussi la circoncision féminine! Chose que j'ignorais complètement. Après de longues hésitations, j'ai fini par l'acheter. Mais au lieu de le lire, je l'ai caché au fond de ma bibliothèque, loin de mes yeux. Quelques mois plus tard, j'ai été contacté par l'association libyenneNord-Sudà participer en tant que conférencier à un colloque sur les droits de l'enfant qu'elle organisait en collabora-tion avec le Département de sociologie de l'Université de Genève. J'ai proposé alors aux organisateurs de choisir un des deux sujets: le droit de l'enfant à une éducation pacifique ou les mutilations sexuelles des enfants. A ma grande surprise, les organisateurs ont choisi ce dernier sujet dont je ne savais absolument rien, à part mes souvenirs de jeunesse. Il me fallait donc dénicher le livre acheté au Caire et me mettre au travail pour préparer ma con-2 férence qui avait eu lieu trois mois après, du 30 au 31 janvier 1993 . C'est ainsi que j'ai dû lire une quantité impressionnante de documents et rencontrer des représentants d'organisa-tions travaillant sur ce sujet. Le colloque s'est réuni comme prévu. Un grand nombre de conférenciers venant de diffé-er rents pays y ont participé. Ma conférence était programmée pour la fin du 1 jour. L'assis-tance était fatiguée et se préparait à partir. Mais à peine ai-je commencé ma conférence, j'ai constaté un certain remous. Des visages souriaient et d'autres se crispaient. A la fin de mon intervention, la moitié de la salle a applaudi et l'autre moitié était enragée. Prenant la parole, le président libyen de l'associationNord-Suda dit d'un air fâché qu'il lui semblait que l'ora-teur a oublié l'épisode de Salman Rushdie en s'attaquant aux convictions religieuses d'au-trui. Ce à quoi j'ai répondu que je considérais ses propos comme une insulte et j'exigeais de lui qu'il les retire. Mon intention n'était pas d'attaquer les convictions d'autrui mais de dé-fendre les enfants. Voyant qu'une partie de l'audience m'était acquise, le président s'est excusé. Cet épisode m'a ouvert les yeux. Tout naïf que j'étais, je pensais bien faire en dénonçant la circoncision masculine et féminine; j'ai oublié que je marchais dans une zone minée pleine de tabous religieux et sexuels. Un défi m'était lancé: soit je me tais sur ce que je sais en laissant mutiler quinze millions d'enfants annuellement, soit je m'attaque à cette pratique en 1  Al-Sukkari. 2  Un résumé des travaux de ce colloque dans: Nord-Sud XXI, no 3, 1993, p. 63-182.
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m'engageant à fond. J'ai opté pour cette solution avec le sentiment que je défendais non seulement les enfants mutilés, mais aussi l'honneur de ma profession de juriste, profession qui ne protège pas les enfants contre les mutilations sexuelles. Les juristes, dit-on, ont ceci de commun avec les champignons: tous deux poussent au frais. Or, comme le combat contre les mutilations sexuelles ne rapporte rien, à part les ennuis, les juristes s'en sont lavé les mains. J'ai découvert par la suite que les religieux et les médecins en font de même. Depuis ce jour-là, je ne cesse de porter le fardeau des enfants mutilés sur mon dos. Chaque jour qui passe me fait découvrir de nouveaux amis et de nouveaux ennemis. J'ai commencé par publier sous forme de petit fascicule polycopié les résultats de mes re-1 cherches pour le colloque susmentionné, que j'ai envoyé aux bibliothèques suisses . Cet article a été par la suite publié dans différentes revues en français, en anglais et en espagnol. J'en ai fait parvenir un exemplaire àNOCIRC, une organisation américaine qui lutte contre les mutilations sexuelles aux États-Unis. Sa présidente, Mme Marilyn Milos, une infirmière qui avait perdu son travail en raison de son engagement, m'a aussitôt invité à participer au e 3 colloque international qui s'est tenu du 22 au 25 mai 1994 à l'Université de Maryland aux 2 États-Unis pour y présenter mon texte . Le 7 août 1994, pendant que se tenait la conférence de l'ONUsur la population et le déve-loppement au Caire, laCNNa diffusé un film sur la circoncision d'une jeune fille nommée Najla par un barbier dans un quartier populaire du Caire. Le jour avant, le président égyp-tien avait déclaré que la circoncision féminine avait pratiquement disparu de l'Égypte. Le film en a apporté un démenti à ses propos et a provoqué des ondes de choc dont les milieux politiques, religieux et intellectuels égyptiens ne sont pas encore remis. Il s'en est suivi de nombreuses prises de positions contradictoires. Tantawi, le mufti d'Égypte, a déclaré que la circoncision féminine n'est qu'une coutume pharaonique sans aucun lien avec la religion musulmane. De ce fait, elle relève des médecins qui doivent décider si elle est préjudiciable 3 ou non . En revanche, Jad-al-Haq (d. 1996), le cheikh de l'Azhar, le centre musulman égyp-tien le plus important au monde, a affirmé: Si une contrée cesse, de commun accord, de pratiquer la circoncision [masculine et féminine], le chef de l'État lui déclare la guerre car la circoncision fait partie des ri-tuels de l'islam et de ses spécificités. Ce qui signifie que la circoncision masculine et 4 féminine sont obligatoires . Ce débat contradictoire entre les hautes autorités religieuses égyptiennes était doublé d'une autre contradiction non moins choquante. En effet, la conférence de l'ONU, tout en con-damnant catégoriquement la circoncision féminine, a gardé le silence concernant la circon-cision masculine. AucuneONGn'en a parlé et laCNNs'est bien gardée de faire un parallèle entre la circoncision féminine et la circoncision masculine. Or, aux États-Unis, environ 3.300 enfants subissent quotidiennement la circoncision masculine. Ceci m'a intrigué. Pourquoi s'acharne-t-on à condamner la circoncision féminine et on se tait concernant la circoncision masculine? N'y a-t-il pas là une discrimination contre les garçons pour une raison ou une autre? J'ai alors découvert qu'une des raisons de ce silence était la peur d'être traité d'antisémite si on s'attaque à cette pratique qui fait partie des convictions religieuses juives.
1  Sous le titre: Mutiler au nom de Yahvé ou d'Allah: Légitimation de la circoncision masculine et féminine. 2  Titre de ma conférence: To mutilate in the name of Jehovah or Allah: legitimization of male and female circumcision. 3  Aldeeb Abu-Sahlieh: Khitan, annexe 10. 4  Ibid., annexe 6.
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e Du 9 au 11 août 1996, j'ai organisé avecNOCIRCà l'Université de Lausanne le 4 colloque 1 e international sur les mutilations sexuelles . Du 5 au 7 août 1998, j'ai participé au 5 col-2 e loque international qui s'est tenu à l'Université d'Oxford . Le 6 colloque s'est tenu à Sydney en décembre 2000. Ainsi, les colloques se suivent et s'intensifient, réunissant de plus en plus de participants provenant des cinq continents dont des infirmières, des médecins, des psychologues, des juristes et de simples activistes tous unis dans un seul idéal: abolir la circoncision tant masculine que féminine. En face de ce groupe de pionniers, il y a une pléiade d'ONGqui, sous les auspices de l'ONUet des gouvernements occidentaux, luttent afin d'abolir seulement lacirconcision féminine. Le nom de cette dernière a été changé enmutilations sexuelles fémininespour la distinguer nettement de lacirconcision masculine. Ce changement de nom signifiait le refus de se mêler de la circoncision masculine, sans donner des raisons valables pour une telle distinc-tion entre les deux pratiques. Toutes deux pourtant mutilent des organes sexuels sains, sans justification médicale et sans consentement de la victime. Et à ce titre, ces deux pratiques constituent une atteinte à l'intégrité physique. Le présent ouvrage est consacré au débat sur la circoncision masculine et féminine. Il se base principalement sur un ouvrage plus large de l'auteur, en langue arabe, publié au Li-3 ban . ère Cinq parties composent cet ouvrage. La 1 partie donne une définition de la circoncision masculine et féminine et détermine les groupes qui les pratiquent. Suivent quatre parties consacrées au débat religieux, médical, social et juridique. L'ordre de ces parties est dicté par l'évolution chronologique du débat. Pour le croyant, les normes religieuses constituent les principales normes légales de réfé-rence. Quoi qu'en disent les médecins, les sociologues ou les juristes, le croyant suit ses normes religieuses. Il ferme souvent les oreilles à toute autre norme positiviste et à tout autre argument. Sur ce débat religieux, est venu se greffer le débat médical dans lequel les défenseurs et les opposants ont essayé de justifier médicalement leurs positions respectives. Les croyants s'en servent pour appuyer leurs convictions religieuses: "Dieu était sage en nous ordonnant de circoncire nos enfants. La médecine confirme sa sagesse". Les opposants répondent que la médecine a été manipulée par des gens intéressés, notamment des médecins qui courent derrière le profit et par des chercheurs intégristes qui ont falsifié les données médicales pour justifier leurslivres sacrés. Les opposants proposent aussi de remédier aux dommages subis par les victimes de ces pratiques, notamment en développant un système non chirur-gical de restauration des organes mutilés. Plus tard, les anthropologues, les ethnologues, les sociologues et les psychiatres ont proposé de dépasser le débat religieux et médical en examinant les raisons profondes qui poussent les êtres humains à se mutiler et à mutiler leurs enfants. Ils ont vu que ces pratiques peuvent s'expliquer par une gamme étendue de raisons allant de la maladie psychiatrique aux rai-4 sons politiques ou économiques. Un activiste a compté 260 raisons . En plus de ces raisons, les différents spécialistes ont essayé de voir quelle est l'influence de la circoncision mascu-line et féminine sur les comportements humains et les moyens sociaux pour y mettre fin.
1  Les travaux de ce colloque sont publiés: Denniston; Milos: Sexual mutilations. Titre de ma conférence: Jehovah, his cousin Allah, and sexual mutilations. 2  Les travaux de ce colloque sont publiés: Denniston; Hodges; Milos: Male and female circumcision. Titre de ma conférence: Muslims' genitalia in the hands of the clergy. 3  Aldeeb Abu-Sahlieh: Khitan. 4  Voir sur internet: www.circumstitions.com/Stitions&refs.html.
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Le juriste est intervenu en dernier lieu pour dire que la circoncision masculine et féminine ne relèvent pas de la médecine. Les organes mutilés sont sains et il n'y a aucune nécessité de les opérer à une si large échelle: annuellement, environ 13 millions de garçons et 2 mil-lions de filles. En effet, la grande majorité des hommes et des femmes est intacte et n'a pas de problèmes. La circoncision est donc une atteinte à l'intégrité physique qui doit être ap-préciée à la lumière des principes du droit, notamment celui du respect des droits de l'homme. Mais le juriste est freiné par différents facteurs qui l'empêchent de faire respecter ces principes. Ainsi, il a dû se limiter à condamner la circoncision féminine et à garder le silence sur la circoncision masculine, surtout pour des raisons politiques. Ce qui va à l'en-contre du principe de la non-discrimination. Il est aussi freiné par la difficulté à abolir une pratique millénaire largement suivie par la société et appuyée par les professionnels de la santé pour des raisons de profit. Il hésite enfin à ouvrir la porte devant les demandes d'asile politique que provoquerait la qualification de ces deux pratiques comme contraires aux droits de l'homme. Le juriste est ainsi partagé entre l'idéal, celui du respect du droit à l'inté-grité physique, et la réalité, celle des facteurs multiples qui perpétuent la violation de ce droit. Il se rend compte que la loi seule ne suffit pas pour abolir cette violation; elle doit être accompagnée d'autres mesures sociales. Dans son fameux ouvrage adressé au Calife Harun Al-Rashid, le juge Abu-Yusuf (d. 798) écrit: Je tiens ce qui suit d'Abu-Bakr Ibn Abd-Allah Al-Hudhali parlant d'après Al-Hasan Al-Basri: Un homme dit au Calife Umar Ibn-al-Khattab: "Crains Allah, ô Umar!" et répéta ces mots plusieurs fois. "Tais-toi, lui dit quelqu'un, voilà plusieurs fois que tu répètes la même chose au Prince des croyants". Mais Umar intervenant: "Laisse cet homme tranquille! On fait mal de ne pas nous parler ainsi, nous faisons mal de ne pas 1 l'accepter" . e J'ose espérer que les lecteurs du 21 siècle, quelles que soient leur religion et leur nationali-té, aient la largeur d'esprit du Calife Umar (d. 644). Je les prie de bien vouloir me faire part de leurs réflexions et de leurs remarques constructives. Je signale, en outre, que je mets à la disposition des chercheurs et étudiants toute la docu-mentation en plusieurs langues que j'ai rassemblée pendant sept ans sur ce sujet, à condition que leurs recherches ne soient pas à caractère unilatéral. J'estime, en effet, qu'il n'est pas juste de traiter la circoncision féminine sans la circoncision masculine, ou la circoncision masculine sans la circoncision féminine. Avant de terminer cette introduction, je souhaite exprimer ma profonde gratitude pour celles et ceux qui ont corrigé ce texte et m'ont fait part de leurs observations. Je nomme particulièrement mon frère le Père Raëd A. Aldeeb Abu-Sahlieh, Seham Abd-al-Salam, Patrizia Conforti, John P. Warren, Frederick Hodges, Alain-René Arbez, Agnès Lejbowicy, Jean-Claude Lüthi, Eva Gonzàlez de Lara et Christine Bruchez. Je remercie aussi Me Linda Weil-Curiel de m'avoir fait l'honneur de préfacer cet ouvrage. Je reste cependant l'unique responsable des erreurs et des opinions qui y sont exprimées.
1  Abou Yousof Ya'koub: Le livre de l'impôt foncier, p. 18.
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Partie 1. Définition et distribution de la circoncision 1) Phénomène des mutilations De tout temps, l'homme a essayé de manipuler ses organes et les organes d'autrui, du haut de la tête jusqu'aux pointes des pieds en passant par ses organes sexuels. Certaines manipu-lations laissent des marques passagères, comme c'est le cas de la coupe des cheveux. D'autres, par contre, laissent des marques permanentes, comme c'est le cas des tatouages, des scarifications, des perforations et des mutilations. Ces manipulations ont parfois un caractère individuel qui verse dans la folie condamnable ou répugnante, d'autres ont un 1 caractère collectif, culturel ou cultuel, désirable . L'être humain a déversé une part importante de sa hargne sur ses organes sexuels. Certains vont même jusqu'à voir dans les différentes mutilations une expression symbolique des 2 mutilations sexuelles . A part la circoncision, l'homme s'est livré à différentes pratiques: castration, émasculation, perforation, incrustation d'objets divers, infibulation, subincision, étirement du pénis, du clitoris et des petites lèvres, fixation d'une fourre sur le pénis, etc. Les raisons de ces pratiques sont différentes et contradictoires: esthétique ou défiguration, mesures punitives ou curatives, folie passagère involontaire ou mortification religieuse volontaire, moyen de contraception ou d'excitation sexuelle, conservation de la voix pour les chœurs des églises, etc.Nous nous limitons dans ce livre aux seules pratiques des circoncisions masculines et fémi-nines sous leurs différentes formes, lesquelles constituent les atteintes les plus répandues et les plus mystérieuses à l'intégrité physique. 2) Choix de la terminologie La circoncision masculine, telle que pratiquée par les juifs, les chrétiens et les musulmans, a pour origine la Bible. Mais on la rencontre dans différentes cultures antérieures à la Bible et dans des tribus qui n'ont pas de liens avec cette dernière. La langue hébraïque utilise le termemilahpour désigner la circoncision. Ce terme signifie coupure. Il est utilisé dans une locutionberit milah: l'alliance de la coupure, laquelle ren-voie à Genèse 17. Dans ce chapitre, Dieu établit une "alliance perpétuelle" avec Abraham, lui promet une "progéniture nombreuse" et lui donne "tout le pays de Canaan en possession à perpétuité". En contrepartie, Dieu exige d'Abraham de se circoncire et de circoncire tous ses descendants et esclaves. On constate ainsi que la circoncision est liée dès ses origines à la politique. On rencontre aussi en hébreu le termetabar, proche du terme arabebatar et qui signifiecouper(Ex 4:25). La langue arabe utilise pour la circoncision tant masculine que féminine le termekhitan. Ce terme est apparenté au termekhatanqui indique le père ou le frère de l'épouse ou le mari de 3 la fille . On verra par la suite que la circoncision était un préalable au mariage. Le terme khatana(circoncire) peut aussi être rapproché au termekhatama(marquer du sceau). Ibn-Qayyim Al-Jawziyyah (d. 1351) dit à cet égard: Personne ne nie que l'amputation de cette peau soit une désignation de la servitude. Ainsi, tu trouves l'amputation du bout de l'oreille, la scarification du front et autres 1  Les intéressés peuvent consulter Favazza, p. 85-224. 2  Favazza, p. 115-117. 3  Ibn-Mandhur, vol. 13, p. 138-139; Al-Zubaydi, vol. 9, p. 189-190.
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