L éthique médicale en Afrique
164 pages
Français

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L'éthique médicale en Afrique , livre ebook

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Description

La crise profonde que connaissent les soins de santé en Afrique subsaharienne est rarement analysée du point de vue éthique, moral et déontologique. L'auteur a choisi de mettre en évidence les conflits d'intérêts et des valeurs présents dans les pratiques des médecins, il montre comment ces conflits sont parmi les causes majeures des dysfonctionnements des soins de santé en Afrique subsaharienne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 57
EAN13 9782336357201
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Olivier Nkulu Kabamba







L' ETHIQUE MEDICALE EN A FRIQUE

Conflits d'intérêts et conflits de valeurs dans les pratiques des médecins
Copyright
























© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN : 978-2-336-70731-0
Introduction
En Afrique subsaharienne, voilà déjà plusieurs décennies que durent et persistent la crise et les dysfonctionnements des systèmes de soins de santé. Parmi les origines et les éléments constitutifs de cette crise et de ces dysfonctionnements, on évoque bien souvent, et avec raison, tout un ensemble des causes complexes qui sont complémentaires les unes des autres, notamment : – un déficit des politiques adoptées par les gouvernements, – les stratégies mal ciblées et mal orientées des organismes internationaux qui financent les programmes spécifiques en soins de santé, – l’insuffisance des moyens financiers alloués, – la pauvreté qui ne permet pas aux gens de payer les soins médicaux, – la faible capacité des infrastructures pour offrir des services de qualité, – la pression des lobbies des industries pharmaceutiques, – une répartition inéquitable des services des soins entre les villes et les milieux ruraux : la quantité et la qualité des soins de base fournis aux populations rurales qui sont largement majoritaires en Afrique subsaharienne restent médiocres 1 , – une dommageable accentuation des inégalités dans l’utilisation des services de santé, un déséquilibre en termes de demande et d’offre de ces services, – une forte démobilisation autour de l’offre publique de soins, un désintérêt flagrant des certains principaux acteurs, notamment les médecins, – les insuffisances et les lacunes dans la formation de base assurée aux candidats médecins et infirmiers, – le manque de valorisation et d’encadrement adéquats des pratiques de la médecine traditionnelle.
« Cinquante ans après leur accès à la souveraineté nationale, les pays d’Afrique subsaharienne subissent encore, de façon très discordante, une situation sanitaire inacceptable en ce début du XXI e siècle » écrit Hubert Balique, docteur en médecine, économiste et socio-anthropologue, maître de conférences à la Faculté de médecine de Marseille et conseiller technique au ministère de la Santé du Mali 2 . De leur côté, Karl Blanchet , chercheur spécialiste des systèmes de santé à la London School of Hygiene and Tropical Medicine et Regina Keith , responsable des politiques de l’association Save the Children section Royaume-Uni, soulignent que : « Tout le monde le sait, les systèmes de santé en Afrique se sont gravement dégradés depuis vingt-cinq ans : salaires faibles – par exemple, le pouvoir d’achat d’un médecin nigérian est 25 % moins élevé que celui d’un médecin d’Europe de l’ouest (cf. Stillwell et al.) –, absence de perspectives de carrière, conditions de travail précaires (bâtiments qui se délabrent, manque de médicaments et d’équipement dans les hôpitaux publics), insécurité permanente liée à l’instabilité politique, charge de travail croissante due au manque de personnel et aux ravages du sida (on estime qu’en Afrique, et selon les pays, entre 19 % et 53 % des morts parmi les professionnels de la santé sont causés par cette pandémie) (cf. Tawfik, Kinoti) » 3 . Le 24 novembre 2011, une étude publiée par la revue médicale britannique « British Medical Journal » (BMJ) montre le coût financier représenté par l’émigration des médecins de neuf pays d’Afrique sub-saharienne vers l’Europe, l’Australie et l’Amérique du Nord. L’étude concerne l’Éthiopie, le Kenya, le Nigeria, le Malawi, la Zambie, le Zimbabwe, l’Ouganda, la Tanzanie et l’Afrique du Sud 4 . Cette fuite coûteuse des médecins africains à l’étranger n’est pas sans conséquence pour l’Afrique sur le plan des systèmes des soins de santé 5 . En effet, l’exode des médecins formés en Afrique et qui partent en Europe, en Australie et en Amérique du Nord, représente une perte sèche de plusieurs milliards de dollars pour le continent africain et autant de bénéfice pour les pays de destination. Selon ce rapport : « le montant de 384 millions de dollars économisés par le Canada, selon les estimations, est le plus faible parmi les quatre pays de destination étudiés. Les autres chiffres sont les suivants : L’Australie a réalisé une économie de 621 millions de $ ; Les États-Unis, 846 millions de $, le Royaume-Uni, 2,7 milliards de $ » 6 . « Avec près de deux milliards d’économie réalisée grâce à l’arrivée de ces médecins africains, les pays de destination ne devraient pas avoir trop de mal à se montrer généreux avec les pays qui ont été ainsi dépouillés de leurs forces vives » affirme Jean-Daniel Flaysakier 7 . À ce sujet on peut aussi lire avec intérêt l’analyse de Sarah Sauneron pour qui la migration des médecins africains vers les pays développés constitue une partie de la crise des ressources humaines du secteur de la santé dans les pays en voie de développement qui, reconnaît-elle, est un phénomène multifactoriel. Décrivant l’ampleur du phénomène et expliquant les causes et les conséquences, les institutions internationales semblent avoir pris la mesure de l’enjeu : il faut désormais que cela se traduise en actions concrètes en envisageant différentes solutions dans l’espoir de stopper cette fuite des cerveaux. En effet, si aucune mesure d’envergure n’est prise dès maintenant pour renforcer les ressources en personnel soignant, les futurs investissements en santé de la communauté internationale n’auront que des effets très limités sur la situation sanitaire des populations des pays concernés 8 . Des préoccupations de même nature ont aussi été à l’origine de la publication par l’Association Médicale Mondiale (AMM), en 2003, d’une « Prise de position sur les directives éthiques pour le recrutement des médecins au niveau international » : « les mouvements de migration internationale des médecins s’effectuent généralement des pays pauvres vers les pays riches. Les pays pauvres prennent en charge les frais de formation des médecins émigrants et ne reçoivent aucune compensation quand ils se rendent dans un autre pays. Le pays hôte gagne ainsi une ressource de valeur sans avoir à en payer le prix » 9 .
Et pourtant, observe le Professeur Ahmed Driouchi : « les pays d’origine et les pays de destination accusent un déficit en médecins, mais le marché est ouvert. S’ils veulent convaincre les médecins d’exercer dans leur pays d’origine, les pays du sud devront coûte que coûte augmenter les salaires et avantages et mettre en place une véritable politique d’attractivité. Cela passe également par l’amélioration des conditions générales à savoir une vraie démocratie et une condition de vie améliorée » 10 .
Il est connu qu’en Afrique subsaharienne, le niveau des soins de santé offerts et l’état des systèmes des soins de santé ne sont jamais localement considérés comme références ou indices de développement. L’idéal de « la santé pour tous » semble relever bien souvent de l’ordre d’un slogan politique et de l’utopie que de la réalité 11 . Dans bien des cas, les prestataires et les usagers des soins font face à une médecine souvent « inhospitalière » qui offre des services dont tous déplorent la quantité et la qualité 12 . Par leurs agissements le personnel médical déforme l’image des soins de santé en milieu hospitalier. Ainsi à Konakry, des personnes interviewées ont révélé qu’un hôpital public était appelé, il y a de cela quelques années, « hôpital aide-moi à mourir », et à ce sujet, l’essayiste et historien français d’origine malienne Tidiane Diakite fait, dès lors, la remarque suivante : « nombre d’hôpitaux publics africains sont de hauts lieux d’inhumanisme du fait de lacunes notoires relevées dans les politiques de santé publique » 13 . La détérioration des infrastructures et du système de santé publique

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