Attention, sujet tabou ! Aujourd'hui, 15 % des Etats de la planète sont toujours régis par des monarques. Mais qui sait à quel point ces rois, princes, émirs et sultans sont riches ? Que le roi de Thaïlande "pèse" 21 milliards d'euros, le sultan du Brunei 14 milliards, le roi d'Arabie 13 milliards et même le souverain du microscopique Liechtenstein 3 milliards ? Que Mohammed VI du Maroc, qui pose au "roi des pauvres", ne cesse de s'enrichir grâce aux phosphates ? Ou que la reine des Pays-Bas, qui aurait perdu près de 100 millions dans le scandale Madoff, possède encore 150 millions d'euros et perçoit chaque année une liste civile de 38 millions ainsi qu'un "salaire" de 850 000 euros ? Pour la première fois, une enquête fouillée apporte un nouvel éclairage sur la fortune des monarques : leurs revenus officiels et ceux qui le sont moins, leur patrimoine, leurs privilèges, notamment fiscaux, et leur train de vie. Ses conclusions sont édifiantes. Même s'ils s'en défendent et ne font guère assaut de transparence, les princes et leurs familles sont de mieux en mieux rémunérés, sans être évalués sur leurs prestations. Biens mobiliers, propriétés foncières, rente pétrolière, portefeuille boursier et participations bancaires : leur fortune prospère de jour en jour. Si tous ne versent pas dans l'affairisme, tous aiment l'argent : sport, communication, culture ou aide au développement, tout leur rapporte. Luxe et privilèges finissent par tourner à l'obsession au point de brouiller leur image et de menacer leur position. Est-il encore temps de redresser la barre ou la monarchie s'est-elle définitivement dissoute dans le grand capital ?
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Extrait
LA FORTUNE DES ROIS
Édition : MarieMélodie Delgado Corrections : Catherine Garnier Maquette : Patrick Leleux PAO (14)
TRAIN DE VIE, PATRIMOINE ET INVESTISSEMENTS PRINCIERS
nouveaumondeéditions
Pour Kim Alji
« La tragédie est une façon excusable de s’intéresser aux rois et aux reines » Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature française, Gallimard, 2005
Introduction
Les héritiers de Crésus « Il était une fois un roi qui était le plus riche, le plus puis sant de tous les rois de la terre et de loin, le plus heureux aussi. Sa compagne était la plus belle de toutes les reines et leur unique fille plus belle encore. » Ainsi débutePeau d’âne, un des contes les plus connus de Charles Perrault. Ceux des frères Grimm ne com mencent pas autrement. Comme Jean de La Fontaine, nous les avons lus et relus dans nos jeunes années « en y prenant un plaisir extrême ». Et nous en avons gardé, chevillée au cœur, la conviction que la fortune compte au nombre des attraits qui font les princes charmants. Les mythes grecs ne nous ont pas transmis un message différent. Rappelonsnous Midas, ce roi semilégendaire de Phrygie qui aurait reçu de Dionysos, dieu de l’ivresse et du théâtre, le don de changer en or tout ce qu’il touchait. Incapable de se nourrir, tous les aliments qu’il portait à sa bouche se transformant en métal précieux, il ne put conjurer ce sort qu’en se lavant les mains dans le Pactole, un fleuve qui coulait alors en Asie Mineure. C’est ce même Midas, décidément malaimé des dieux, qui fut également doté d’oreilles d’âne par un Apollon taquin et cruel. Son voisin Crésus, roi de Lydie, crut pouvoir tirer profit de ces mésaventures. Récol tant les paillettes d’or charriées par le Pactole, il accumula une for tune si incommensurable qu’elle sert encore d’étalon à nos rêves et à nos conversations : les multimilliardaires sont « riches comme Crésus ». Mal lui en prit : Cyrus, le roi de Perse, envahit ses États et s’empara de son trône. L’argent ne ferait donc pas le bonheur des princes ? Au moins contribuetil à bâtir leur légende. De nos jours, fortune n’a pas cessé de rimer avec royauté. Mais notre âge matérialiste a troqué les contes et légendes pour
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La fortune des rois
les comptes en banque. Jadis, en battant monnaie, c’étaient les rois qui faisaient l’argent. Désormais, c’est l’argent qui fait les rois. Les Américains, républicains convaincus, sont les premiers à avoir couronné leurs Césars capitalistes. Rappelonsnous, à la e fin duXIXsiècle, Cornélius Vanderbilt, sacré par l’opinion « roi de la vapeur », Frank Jay Gould, « roi des chemins de fer », John Rockefeller,«roidupétrole»,HenryHeinz,«roidelaconserve»,ou John Pierpont Morgan, « roi des banquiers » et « roi des col lectionneurs ». Aujourd’hui, le monde entier s’y est mis. L’Indien Lakshmi Mittal, qui a relevé le titre de « roi de l’acier » détenu autrefois par Andrew Carnegie, ou Carlos Slim, le « roi des télé communications », sont les nouveaux souverains de notre planète mondialisée. « Le roi d’Italie est mort », titrait le quotidienLibé rationen janvier 2003, le jour de la disparition de Gianni Agnelli, le patron de Fiat. Les milliardaires sont les rois de l’époque. Seraiton d’autant plus roi qu’on serait milliardaire ? Le maga zine newyorkaisForbesen a la conviction. Spécialiste des fortunes américaines depuis 1917, il s’est lancé, depuis 1986, dans le classe ment de tous les milliardaires de la planète qu’il publie année après année avec un succès grandissant. Après les hommes d’affaires, les stars de cinéma et les plus grands sportifs,Forbeslogique est ment passé aux têtes couronnées. Depuis 2006, elles ont droit à leur propre palmarès. Sans doute Steve Forbes, l’actuel directeur du magazine, avaitil des raisons toutes personnelles de s’intéresser aux princes qui nous gouvernent. Héritier de son père Malcolm et de son oncle Bruce, euxmêmes héritiers de leur père BertieCharles, bras droit du « tycoon » Randolph Hearst, leCitizen Kaned’Orson Welles, on le qualifie souvent de « quatrième du nom ». Bon sang ne saurait mentir : Forbes IV s’est présenté en 2000 à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle américaine. Mais George Bush II, autre dynaste de la côte Est, et d’une toute autre trempe, n’en a fait qu’une bouchée, réduisant ses espoirs politiques à néant. Comme tant de cadets princiers contraints à ronger leur frein en s’adonnant à la généalogie, Steve Forbes s’est consolé en classant les monarques. Mais au sang bleu, son Gotha préfère les billets verts.
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Introduction
140
9
70
1 050
12 300
69 650
1 750
1 400
560
3 500
1 050
700
76 025
280
350
12 600
390
230
700
91 225
150
390
88 860
140
210
470
980
70
140
700
140
3 500
315
460
8 400
2 450
1 400
700
245
490
315
70
700
2 450
2 800
490
315
980
455
540
700
14 000
2011
21 000
14 000
12 600
10 500
2 800
1 750
1 750
69 720
Monarques 2006 Bhumibol Adulyadej, roi Non classé de Thaïlande Hassanal Bolkiah, 15 500 sultan de Brunei Abdallah, roi 16 400 d’Arabie Khalifa ben Zayed, 14 700 émir d’Abou Dhabi Mohammad ben Rachid, 10 900 émir de Dubai HansAdam II, prince de 3 150 Liechtenstein Mohammed VI, Non classé roi du Maroc Hamad ibn Khalifa, Non classé émir du Qatar Albert II, prince 750 de Monaco Karim Aga Khan IV, chef spirituel Non classé des ismaéliens Qabus ibn Said, Non classé sultan d’Oman Elizabeth II, reine du 390 RoyaumeUni Sabah IV, émir Non classé du Koweït Beatrix, reine des 210 PaysBas Mswati III, roi Non classé du Swaziland Total
1. Ce tableau a été établi à partir des chiffres en dollars américains publiés chaque année depuis 2006 par le magazineForbes. Ici, comme dans tout le reste de l’ou vrage, ces données ont été converties en euros, au taux de conversion de l’été 2011, soit 1 dollar = 0,7 euro.
24 500
2008
24 500
Les 15 monarques les plus fortunés 1 selon le magazineForbes (en millions d’euros)
2007
14 000
11 900
14 700
15 500
13 300
21 000
2010
12 600
10 500
12 600
16 100
14 700
14 000
3 150
2009
245
560
21 000
1 680
560
1 750
La fortune des rois
Dans la presse comme sur la Toile, le classement Forbes est un succès. Année après année, il est commenté avec ironie et gour mandise et, comme la monarchie fascine autant que l’argent, avec une sorte de fascination au carré. Notamment, la chute de près de 25 % des principaux patrimoines royaux entre 2008 et 2010 a été très remarquée. Les rois aussi connaîtraient donc la crise ? Voire : les sommes en jeu demeurent colossales. Que repré sentent les 21 milliards attribués à Bhumibol Adulyadej, roi de Thaïlande depuis juin 1946 ? Il est difficile de se le représenter : le produit intérieur brut d’un pays comme Chypre ; deux fois le chiffre d’affaires de PeugeotCitroën en 2010 ; un tiers de l’aide sollicitée par le Portugal auprès de la Commission européenne en avril 2011 ; cent quarante années de travail pour une entre prise de 10 000 salariés rémunérés au SMIC. Si Carlos Slim, avec ses 58 milliards d’euros, Bill Gates (44 milliards), Warren Buffet (39 milliards) et une demidouzaine d’autres milliardaires disposent de fortunes encore plus époustouflantes que la sienne, le souverain thaïlandais n’en demeure pas moins un des hommes les plus riches au monde. Il en est de même pour les monarques qui le talonnent dans le classement, les milliardaires du pétrole et leurs collègues multimillionnaires. Victime de la tourmente financière, Elizabeth II ne serait plus, selon leSunday Timesqui dresse chaque année la liste des Britanniques les plus riches, que e la 257 fortune de son royaume, loin derrière le duc de Westmins ter, qui possède une bonne part des quartiers chics de Londres, l’ancien Beatles Paul McCartney ou encore J.K. Rowling, 2 la mère de Harry Potter . Le poids financier des Windsor reste pourtant enviable. Dans la lignée de leurs prédécesseurs légen daires, les Crésus contemporains ne déméritent pas. Il est même fort probable que le classement Forbes soit en dessous de la vérité. Hormis le RoyaumeUni et les PaysBas, les monarques européens n’y figurent pas puisqu’ils seraient seule ment millionnaires. Il se susurre pourtant qu’ils seraient très à
2.The Sunday Times rich list, 16 mai 2011. Voir également « British queen loses 50 millions pounds as recession savages rich »,The Economic Times, 27 avril 2009.