Le roman de la quête esthétique
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Description

Les instants de beauté que nous font vivre un être, un paysage, un tableau, un livre, une voix, une symphonie, la rumeur d'un aéroplane... sont parmi les plus forts de nos existences. Mais que faire des impressions esthétiques ? Quel prolongement leur donner ? Faut-il même chercher à les prolonger ? Faut-il leur consacrer nos vies ? De quelle façon ? Plus généralement, quel est le bon rapport au beau ? Aucune époque de l'histoire de la littérature n'aura été plus habitée par cette question que celle des années 1870-1920. Et les romans de Wilde, Huysmans, Proust, D'Annunzio, Thomas Mann, etc. offrent, à travers discours et situations, des réponses d'une richesse inépuisable. Il s'agit ici de retrouver les termes du débat en faisant constamment dialoguer les oeuvres entre elles, comme si elles s'interrompaient les unes les autres pour se compléter, se corriger ou se contredire. Cet essai aura atteint son but s'il fait ressortir leur cohérence, s'il éclaire les positions défendues et leurs implications, s'il aide le lecteur à analyser voire à déterminer son propre rapport au beau. Qui sait ? Peut-être avons-nous encore quelque chose à apprendre, nous qui vivons à l'ère de la « consommation des biens et des services culturels », d'une littérature centenaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 février 2021
Nombre de lectures 5
EAN13 9782304038293
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Yves Landerouin
Le roman de la quête esthétique
ou les leçons d’une littérature centenaire
Ouvrage publié avec le concours de la Faculté de Bayonne et du Centre « Poétiques et Histoire Littéraire » de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour
L’Esprit des lettres
Éditions Le Manuscrit Paris


Yves Landerouin est maître de conférences en littérature comparée à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (U.F.R. de Bayonne) et l’auteur de nombreux travaux sur la littérature de la charnière entre les XIX e et XX e siècles.


© Éditions Le Manuscrit, 2011
© Illustration de couverture : Yves Landerouin
EAN : 9782304038286 (livre imprimé)
EAN : 9782304038293 (livre numérique


« L’Esprit des lettres »
Collection coordonnée
par Alain Schaffner et Philippe Zard
« L’Esprit des lettres » présente, dans un esprit d’ouverture et de rigueur, toutes les tendances de la critique contemporaine en littérature française ou comparée. Chaque proposition de publication fait l’objet d’une évaluation scientifique par les directeurs de collection ainsi que par des spécialistes reconnus.


Dans la même collection
Agnès Spiquel et Alain Schaffner (ed.), Albert Camus, l’exigence morale. Hommage à Jacqueline Lévi-Valensi , 2006
Jeanyves Guérin (ed.), La Nouvelle Revue française de Jean Paulhan , 2006 Isabelle Poulin, Écritures de la douleur. Dostoïevski, Sarraute, Nabokov , 2007 Philippe Marty, Le poème et le phénomène , 2007
Philippe Zard (ed.), Sillage de Kafka , 2007
Jeanyves Guérin (ed.), Audiberti. Chroniques, roman, théâtre , 2007
Emmanuelle André, Martine Boyer-Weinmann, Hélène Kuntz (ed.), Tout contre le réel. Miroirs du fait divers , 2008
Yves Landerouin, Aude Locatelli (ed.) , Musique et littérature , 2008
Hedi Kaddour (ed.), Littérature et saveur. Explications de textes et commentaires offerts à Jean Goldzink , 2008
Alain Romestaing (ed.), Jean Giono. Corps et cosmétiques , 2009
Jean Goldzink, La Plume et l’Idée, ou l’intelligence des Lumières , 2009
Vincent Ferré, Daniel Mortier (ed.), Littérature, Histoire et politique au 20 e siècle : hommage à Jean-Pierre Morel , 2010
Jean Goldzink, Aux amis, faux frères et malades imaginaires des Lumières , 2011
Patrick Sultan, La scène littéraire postcoloniale , 2011


Introduction
La pluie vient de cesser. Un enfant poursuit, un parapluie à la main, sa promenade à travers une campagne qui lui est familière :
Après une heure de pluie et de vent contre lesquels j’avais lutté avec allégresse, comme j’arrivais au bord de la mare de Montjouvain, devant une petite cahute recouverte en tuiles où le jardinier de M.Vinteuil serrait ses instruments de jardinage, le soleil venait de reparaître, et ses dorures lavées par l’averse reluisaient à neuf dans le ciel, sur les arbres, sur le mur de la cahute, sur son toit de tuile encore mouillée, à la crête duquel se promenait une poule. Le vent qui soufflait tirait horizontalement les herbes folles qui avaient poussé dans la paroi du mur, et les plumes de duvet de la poule, qui, les unes et les autres, se laissaient filer au gré de son souffle jusqu’à l’extrémité de leur longueur, avec l’abandon de choses inertes et légères. Le toit de tuile faisait dans la mare, que le soleil rendait de nouveau réfléchissante, une marbrure rose, à laquelle je n’avais jamais encore fait attention. Et voyant sur l’eau et à la face du mur un pâle sourire répondre au sourire du ciel, je m’écriai dans tout mon enthousiasme en brandissant mon parapluie refermé : « Zut ! zut ! zut ! zut ! » Mais en même temps je sentis que mon devoir eût été de ne pas m’en tenir à ces mots opaques et de tâcher de voir plus clair dans mon ravissement 1 .
Sur son chemin, l’enfant vient de rencontrer ce que la philosophie appelle, d’un mot un peu impressionnant (un peu ridicule, diront certains) : le beau . Il vient d’en éprouver la fulgurance, d’en goûter la plénitude fugace à laquelle s’est mêlé un soupçon d’inachèvement. Car le beau produit une satisfaction et un manque : un désir . Il n’est pas d’expression plus spontanée de cette étrange combinaison que le quadruple « zut ! » retentissant dans l’air pur de Montjouvain. Et tout de suite viennent les questions : comment répondre à cette joie, comment combler ce manque ? Faut-il s’arrêter une minute pour « tâcher d’y voir plus clair » ? Faut-il fonder sur cet instant quelque grave décision pour la suite de notre existence ? Ou vaut-il mieux l’oublier, reprendre notre chemin comme si de rien n’était, jusqu’à la prochaine rencontre avec le beau ? Autrement dit, quel prolongement donner à nos expériences esthétiques ? Ou plus généralement encore : quel est le bon rapport au beau ?
Aucune époque de l’histoire de la littérature, et en particulier de l’histoire du roman, n’a été plus habitée par cette question que celle de Marcel Proust, l’écrivain que finit par devenir l’enfant au parapluie et qui nous servira ici, à bien des égards, de point de repère. Dans l’espace de cinquante ans qu’occupe à peu près son existence, c’est-à-dire de 1871 à 1922, les romanciers français, anglo-saxons, allemands ou italiens ne cessent d’y apporter des réponses - des réponses convergentes, divergentes voire radicalement opposées, et, quelles que soient leurs différences sur le plan stylistique ou esthétique, des œuvres comme À Rebours (1884) de Huysmans, Le Portrait de Dorian Gray ( The Picture of Dorian Gray , 1891) d’Oscar Wilde, Le Feu ( Il Fuoco , 1900) de D’Annunzio, La Mort à Venise ( Der Tod in Venedig , 1911) de Thomas Mann, À la recherche du temps perdu (1913-1922) peuvent être considérées comme des représentations d’un tel débat. Elles le mettent en scène, en font le sujet plus ou moins explicite de dialogues et de récits. Elles en sont aussi les enjeux : de la position adoptée par leur auteur dépendent leur forme, leur contenu et leur existence même, laquelle a déjà en soi valeur de réponse. Nous nous proposons ici de retrouver les termes de ce débat philosophique en faisant constamment dialoguer les œuvres entre elles, comme si elles s’interrompaient les unes les autres pour se compléter, se corriger ou se contredire. Nous en chercherons les arguments à travers les situations romanesques, les dialogues des personnages que viendront éclairer, si nécessaire, les déclarations ou les choix existentiels de leurs créateurs. Nous nous efforcerons de ne jamais oublier pour autant les spécificités de chacun des textes cités, et le lecteur pourra s’y reporter s’il souhaite vérifier la cohérence de nos comparaisons.
L’objet de cette étude ne consiste donc pas à savoir pourquoi la question du rapport au beau se pose de façon si remarquable à l’époque de Proust. Sur ce point, l’historien des idées invoquerait une fois de plus l’héritage d’un romantisme qui, via Baudelaire, s’est transmis aux écrivains du « décadentisme », de l’ « esthétisme », et, en partie même, aux écrivains d’aujourd’hui 2 . L’idée d’une primauté de la question esthétique, d’une quête du beau érigée au rang de religion ou de principe existentiel s’impose au tournant du XIX e siècle comme l’aboutissement logique des théories formulées à l’époque des Schlegel, Schelling, Goethe etc. L’abondance des études savantes sur le sujet (voir la bibliographie proposée à la fin de l’ouvrage) nous dispense d’en dire davantage. Il faut simplement rappeler le rôle joué dans ce phénomène par certaines idées philosophiques que les premiers romantiques avaient déjà empruntées à Platon. L’ombre vénérable du platonisme plane, en effet, sur la littérature de la fin du XIX e siècle et du début du XX e , culminant sans doute au-dessus de La Mort à Venise , où les pensées du héros devant le spectacle troublant d’un jeune éphèbe à la baignade sont fortement contaminées par le mythe des âmes ( Phèdre , 246-256) et le discours de Diotime ( Le Banquet, 204-211). Diotime est cette femme qui demandait à Socrate : « Qu’arrivera-t-il à l’homme qui possédera les choses belles ? 3 » et qui l’invitait à voir en l’amour une science de la beauté en soi, un chemin qui mène à la contemplation de l’Idée du beau. Dans un poème peu connu des Fleurs du mal , « Les Plaintes d’un Icare », le poète prétend, à force de tourner son regard vers « les astres non pareils/ Qui tout au fond du ciel flamboient », ne plus voir que « des souvenirs de soleils » et se dit « brûlé par l’amour du beau 4 ». C’est à propos de Baudelaire précisément que Proust rendra un bref hommage à la jeunesse de la philos

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