Mon Ombre sur le mur
33 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mon Ombre sur le mur , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
33 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Avec Mon Ombre sur le mur, Alain Melka nous livre une introspection sur l’importance de l’Écrit dans la vie d’un auteur. Sans but précis et sans âme, en pleine errance, le narrateur est confronté à l’angoisse de la feuille blanche mais aussi à la question essentielle : quel est le rôle de l’écrivain aujourd'hui ? Entre rêve et réalité, souvenirs et recherche de l’amour perdu, d’une plume acérée et sans complaisance, le nouveau roman d’Alain Melka nous entraîne dans un tourbillon de réflexions qui ne nous laisse pas indifférent.

Informations

Publié par
Date de parution 03 juillet 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312011813
Langue Français

Extrait

Mon Ombre sur le mur
Alain Melka
Mon Ombre sur le mur














LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
À Elle






















© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-01181-3
Même pour le simple vol d’un papillon tout le ciel est nécessaire.
Paul Claudel
Automne
Je me parle.
Je me parle en levant les yeux au ciel. Je n’y trouve pas dieu et aucune lumière. Seuls quelques mots traversent mon esprit : « Sauvage est la proximité du sacré. » D’autres arrivent aussitôt, plus foudroyants encore : « Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des Justes ».
Pourquoi ces mots résonnent-ils, aujourd’hui dans ma tête ? J’ai un mal de crâne absolu. Je me parle et j’ai un mal de crâne absolu. Ah oui ! ça me revient : c’était entre deux pages d’un livre dont je ne me souviens ni du titre ni de l’auteur. Mais quelle importance au fond puisque je suis dans le faux, un faux perpétuel : j’ai perdu le sacré, je ne perçois plus le sauvage et n’ai jamais été un Juste. Il ne me reste plus qu’à enfouir mes mains dans mes poches et à regarder les oiseaux dans le jardin. Que faire d’autres ?
À dire vrai je pollue perpétuellement la rivière de la vie ‒ la mienne et celle de mes proches ‒ en la vivant bêtement. Je suis comme tous ces gens qui vont à la mer et passent leur journée sur le sable en se plaignant de la chaleur et du soleil ; une fois en hiver, ils prennent la position symétriquement opposée. Au lieu de me baigner dans cette mer, je la regarde, j’essaie d’en saisir l’eau entre mes mains mais je n’y arrive pas.
Je ne vois plus le sauvage, car trop longtemps j’ai tenté de dompter le sacré, de le domestiquer, j’ai voulu faire de ma vie une étendue calme et ondoyante, un chant sacré. Mais je n’y suis pas arrivé. Ou si peu ! Ou trop rarement ! Je m’afflige sur le passé.
Des larmes non retenues envahissent mon visage lorsque je comprends que Camus en plein tourment s’est identifié au mythe de Sisyphe afin d’être considéré comme Juste. Tout s’éclaircit soudain, mais demeure une incertitude perpétuelle sur le vrai, une vérité énigmatique au milieu des valeurs et des croyances. Et dans ce désert de l’esprit et du doute, je ne trouve rien d’autre que l’amour. Je me demande comment une chose aussi répandue, un acte devenu si machinal, peut être la clé de tout. Et comment faire de l’amour une Terre promise, lieu d’accueil de toutes les espérances ?
Quand elle m’a refermé la porte, je n’ai rien compris. Pas tout de suite ! Dès ce moment j’ai commencé à la voir, elle , dans des rêves que je ne pouvais contrôler. Elle était là, elle était belle, elle était rayonnante, je la caressais, je lui faisais l’amour...
Au début de son absence, je me suis mis à comprendre Tolstoï. Ses troubles, son attachement à Sophie, son manque d’inspiration, ses interrogations, qui le minaient quant à son rôle d’écrivain, me firent sentir comme jamais sa souffrance et ses doutes. Mais Tolstoï avait du talent, lui !
Je subis d’horribles douleurs. Tout s’aigrit et me dévore. Mon mal et mon crime : ne pas l’avoir aimée comme elle l’espérait, ne pas avoir été aimé comme je l’attendais, et ne pas être Chateaubriand, Hugo ou Tolstoï. Voilà le triste secret de ma folle existence, sans perspective, sans but réel, sans talent et sans avenir littéraire. Alors que faire quand les astres et le ciel, l’amour et les mots ne parlent plus ? Vider de mon âme tout ce qui relève du sacrilège, de la domestication, finalement tout ce qui cause en soi la haine, l’envie et l’ambition.
Quand j’ai intégré dans mon langage et dans mon écriture la notion de société, de mémoire, pire encore lorsque j’ai cru porter sur mes épaules toutes les misères du monde, les misères passées et celles à venir, je suis entré dans une profonde révolte, une forme tout aussi absurde de vie que celle que je quittais, ma jeunesse. Mais il n’y a rien de bon dans la révolte ! Les Justes, eux, n’avaient d’intérêt que dans le souvenir de leurs morts. C’est dans ce souvenir qu’ils voulaient vivre. C’est ainsi que je veux vivre désormais.
J’aimerais parler à mes chers disparus. Peut-être me donneraient-ils inspiration et amour ? Je ne vois qu’une solution : m’éloigner. Pour tout d’abord me retrouver. Pour écrire. Pour prendre conscience que l’écrivain vise à la grâce et à la simplicité ; il cherche l’héroïque et rencontre parfois le gigantesque. Cependant il va me falloir écrire avec acharnement sur tous les endroits libres du papier et utiliser tous les feuillets. Trouver mon propre langage.
En ces jours décisifs, je tourne autour de la vie et de l’abandon, cette forme d’hésitation et de tristesse sombre mêlée à la crainte qui précède l’abordage d’une grande décision. Je dois rapidement trouver le meilleur côté et me mettre en veille jusqu’à nouvel ordre, un congé sabbatique en quelque sorte. Alors je retrouverai peut-être mon âme ? Un certain jour comme on dit, mais je ne sais pas quand. D’ici là, j’aurai profondément changé. Du moins je l’espère...
Je me tiens immobile dans mon lit, les yeux fermés. Le sommeil universel s’installe à petits pas. Le silence devient perceptible. Parfois le roulement sombre du tonnerre frappe d’admirables formules. M’endormir. Il faut m’endormir pour ne pas saisir l’orage qui se rapproche. Et je m’endors.
Je la vois, elle, en haut de la colline. À ses pieds coule une rivière où l’eau glisse comme une ardoise moirée jusqu’à une cascade. Au loin un cygne apparait ; il se laisse emporter par le courant. Elle ressemble à ce cygne, elle a sa douceur quand il se laisse dériver sur l’eau pour traverser l’espace. L’homme qu’elle aimait, cet homme aux yeux si clairs et sombres à la fois, s’en est allé ; il a quitté la vie, qui passait avec ses orages et ses éclairs de joie.
Un jour il l’avait entrainée dans son bureau. Il avait sorti une mystérieuse pochette de cuir et en avait retiré une photo. « Regarde comme tu es belle, lui avait-il dit, belle comme un cygne blanc. » Sur cette photo, elle était allongée sur la colline, la tête inclinée, ses épaules, ses bras, ses mains dessinaient un large Y d’ailes mi déployées ; le ventre était fragile, une jambe étendue, l’autre légèrement repliée ; ses yeux regardaient l’objectif de l’appareil photo.
Un premier éclair traverse mes paupières et le tonnerre gronde quelques secondes plus tard ; l’orage est encore loin mais il se rapproche. Je viens de rêver, un rêve très furtif que je ne veux pas perdre et qui pourtant m’échappe déjà. Je le cherche à la trace, j’en attrape des morceaux, et je le remonte.
Elle trouve dans l’un des tiroirs du bureau un manuscrit : Mon Ombre sur le mur. Elle ne se souvient pas de ce manuscrit, elle qui connaissait tout ce qu’il écrivait. Quand l’a-t-il écrit ?
Je me réveille. Absence de bruit : pas une rumeur dans les chênes, pas un ululement de chouette ni un roulement de voiture, au loin. L’air et la terre ont cessé de respirer. Je retiens mon souffle. Dans ce silence d’outre-tombe j’entends battre mon cœur. Je repense à mon rêve. J’y ai reconnu l’un de mes manuscrits et mon écriture vive et saccadée.
À mes côtés dans ce grand lit froid, elle n’y est point. Elle seule était paisible, rassurante comme une terre accessible. Où est- elle ? Pas un lieu où elle soit, pas un lieu où elle ne soit pas.
Je ne suis pas un philosophe. Je n’ai aucune approche philosophique sur les termes d’un sujet à aborder, je cherche simplement des réponses à des questions simples notamment en ce qui concerne ma vie et mon écriture.
J’évoquais Camus, le mythe de Sisyphe et la chaine absurde de notre vie. Camus disait : « Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents