« Oiseaux savants et indigènes aphasiques » - De l’africanisme en France comme une variété de négationnisme

Marcel Amondji

Description

"Qui ne connaît le mot fameux d'André Gide : "Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête" ? Mais, pour être tout à fait conforme à la réalité qu'il soupçonnait sans vraiment la saisir, Gide aurait dû dire : "Quelque intelligent que soit le Français appartenant en conscience à la catégorie des "adultes blancs civilisés" (...), il ne sait dire que des bêtises lorsqu'il parle de l'Afrique ou des Africains". Et il aurait pu illustrer cet aphorisme par ces deux observations notées le même jour dans son propre Journal : "Par extraordinaire, et pour la première fois dans ce pays, j'entends un vrai chant d'oiseau. Les nombreux oiseaux que l'on rencontre ici n'ont que des sifflements, roucoulement, cris, garrulement, mais toujours très courts et stéréotypés, analogues à ceux du ramier, du coucou. Je songe aux merles, aux grives, aux rouges-gorges de Normandie ! C'est à se demander si l'évolution de l'homme, si sa culture n'a pas entraîné la faune à sa suite, et si l'art du chant ne s'est pas développé chez les oiseaux de nos pays par une sorte de contagion (...); ce qui ne me paraît pas impossible. Sans doute nombre de ces indigènes ne parlent-ils que fort mal leur propre langue. Je veux dire : ne tirent qu'un parti très restreint des possibilités de celles-ci, tant du point de vue lexique que des très souples formes syntaxiques; n'emploient, pour un usage tout pratique, qu'un très petit nombre de mots et laissent à peu près non conjugués les verbes (pourtant très flexueux, me dit-on) dont ils usent." Surestimation de l'homme occidental jusque dans son environnement naturel, sous-estimation systématique de l'homme africain au point de le nier purement et simplement en tant qu'être pensant et doué de parole, tout ce qu'on a vu dans le journal d'André Gide, on le retrouve à l'identique dans maints ouvrages contemporains traitant de l'Afrique et des Africains..."

Sujets

• Histoire
• Colonisation

Informations

• Publié par: Anibwé Editions
• Date de parution: 01 septembre 2019
• Nombre de lectures: 6
• EAN13: 9782916121444
• Langue: Français

Extrait

Collection Fawohudie ISSN : 2552-7290

1

Du même auteur Félix Houphouët et la Côte-d’)voire, l’envers d’une légende. Karthala Editions, Paris 1984. 333 pages Côte-d’)voire. Le PDC) et la vie politique de ͙͜͜͡ à ͙͡͠͝. L’(armattan, Paris 1986. 208 pages Côte-d’)voire. La dépendance et l’épreuve des faits. L’(armattan, Paris ͙͡͠͠. ͙͠͠ pages L’Afrique Noire au miroir de l’Occident. Nouvelles du Sud, Ivry 1993. 206 pages Sidjé ou La Marche des femmes sur la prison de Grand-Bassam. Ed. en ligne Le Manuscrit.com, 2007. 369 pages Penser l’Afrique(ouvrage collectif). Le Temps des Cerises, éditeurs, 2007. 217 pages À paraître aux éditions Anibwé : Les Aphorismes du compère Asawa et autres textes. Oiseaux savants et indigènes aphasiques ou De l’africanisme en France comme variété du négationnisme. « La Mentalité primitive », faux pas philosophique ou imposture ? (Pour en finir avec Lucien Lévy-Bruhl) Déjà parus : Souvenirs d’un enfant de Bingerville ou Brève histoire de mon entrée en francophonie. De Climbié à carnet de prison, essai sur l’invention de la littérature ivoirienne.Suivi deLes Dadié, de Gabriel à Bernard, histoire d’une fidélité. Dans la même collection : Lasli« Racines »Poésie Kobel Diop Des cercles d’échosPoésie Kader Mourtadhoi Le panafricanisme en 10 questions. Klah Popo

2

Les Éditions Anibwé remercient Manuela Beuze pour sa précieuse collaboration.

©Anibwé 2018 Paris ISBN : 978-2-916121-44-4 www.anibwe.com [e-mail]

3

4

MARCEL AMONDJI OISEAUX SAVANTS ET INDIGÈNES APHASIQUES De l’africanisme en France comme une variété du négationnisme.

5

6

AUX LECTEURS  Je dédie ce livre à Didier Gondola car c’est à lui qu’il doit d’exister. En effet ce texte devait faire partie d’un ouvrage collectif sur la «crise de l’africanisme en France », dont il avait eu l’idée au tout début de l’année ͙͡͡͠. Devaient y contribuer d’éminents spécialistes français et africains. Pourquoi, alors, et comment quelqu’un comme moi, qui n’est ni africaniste ni politologue ni historien de métier, peut-il y avoir été associé ? Car même si mon livre,L’Afrique noire au miroir de l’Occident, paru cinq ans plus tôt, emprunte beaucoup à ces trois disciplines, ce n’était néanmoins que l’exercice d’un amateur. D’ailleurs n’était-il pas passé presque 1 totalement inaperçu ?C’est qu’à cetteépoque 1 - En France, seul Michel Lobé-Ewané en a fait une recension substantielle dans Le Monde Diplomatique (Août 1994). Malheureusement, il a conclu son exposé par des reproches que j’ose dire totalement infondés:« On regrettera pourtant que la logique de l’auteur l’enferme dans une attitude qui s’apparente à un rejet systématique de toute critique sur les travers de l’Afrique. Toute réserve, toute nuance, toute grille d’analyse défavorable sur les dérapages de l’Afrique vaut à l’Occidental qui s’y aventure d’être soupçonné a priori de préjugé raciste. Ce refus de Marcel Amondji d’apprécier froidement le 7