Histoire du sentiment d appartenance en France
331 pages
Français

Histoire du sentiment d'appartenance en France , livre ebook

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Description

Hérésies, invasions, guerres, révoltes : ces situations révèlent ce qui nous rassemble, nous, les Français. De l'incertitude au malheur, du désarroi à la confiance regagnée, elles traduisent, à condition d'être surmontées, l'incessant besoin que nous avons de nous retrouver. De Bernard de Clairvaux à Charles de Gaulle, de Jeanne d'Arc à Jean Jaurès, d'Henri IV à Robespierre, tous mettent en œuvre les thèmes qui entretiennent notre sentiment d'appartenance. Au fil des siècles, comment s'est agencé notre regroupement ?

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Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 42
EAN13 9782296434516
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

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Questions Contemporaines Collection dirigée par J.P. Chagnollaud, B. Péquignot et D. Rolland  Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions Contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective. Derniers ouvrages parus Denis DESPREAUX,Avezvous dit performance des universités ?, 2010. Vincent TROVATO,Marie Madeleine. Des écrits canoniques au Da Vinci Code, 2010. Ricciarda BELGIOJOSO,Construire l'espace urbain avec les sons, 2010. Collectif des médecins du travail de BourgenBresse,La santé au travail en France : un immense gâchis humain, 2010. Cyril LE TALLEC,Petit dictionnaire des cultes politiques en France, 2010. Steven E. Stoft,: Apprendre à coopérer.Dépasser Copenhague Proposition de politique mondiale postKyoto, 2010. Bernard OLLAGNIER,Communiquer, un défi français. De l'illusion du tout com' à la communication réelle, 2010. JeanPierre CASTEL,Le déni de la violence monothéiste, 2010. Sergiu MIŞCOIU,Naissance de la nation en Europe, 2010. Joëlle MALLET, Sophie GEORGES,Une action sur l'emploi qui change tout,2010. Alem SURREGARCIA,La théocratie républicaine, Les avatars du Sacré, 2010. Asmara KLEIN,Publiez ce que vous payez La coalition « »'. Une campagne pour la gestion responsable des ressources naturelles,2010. Olivier BATAILLE,Les Apprentissages professionnels informels. Comment nous apprenons au travail pour se former toute sa vie, 2010. Stéphane ENGUELEGUELE,Justice, politique pénale et tolérance zéro, 2010.
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© L’Harmattan, 2010 57, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296133181 EAN : 9782296133181
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Comment nous sentonsnous français ? Par quelles dispositions et suivant quels penchants nous savonsnous ensemble ? Depuis des siècles, dans une extraordinaire variété de circonstances historiques, des individus et des groupes se sont pensés comme étant français, ils l’ont affirmé et voulu : sur quelles bases ce sentiment d’appartenance reposetil ? Le sentiment d’appartenance émane d’une forme qui structure lepermet de susciter et d’entretenir les représentations dans et lesquelles nous nous reconnaissons. Elle est composée d’élémentsfondamentaux qui ont appris aux Français à faire corps et ont rendu 1 possible l’existence des « modalités du lien social ». Nécessaire à tout pouvoir pour exister et être compris, ce système est aussi indispensable à la société et à chaque individu qui la constitue pour se comprendre et définir leurs relations. Il n’est pas seulement un moyen d’intégration mais, d’abord, ce qui autorise l’assemblage et la permanence du : il est le style de la pratique symbolique en France. Propres à notre communauté ces éléments l’ont construite car elle les a acceptés, renforcés et valorisés. Ils sont le cadre mental de notre rassemblement, ce que Jean Jaurès désignait comme étant l’âme et la 2 conscience des Français . Cette conscience d’être français est un transport en commun, dans les deux sens de « transport »,un moyen de déplacement et une effusion de sentiments. C’est une connaissance intuitive et c’est aussi la forme qui transmet cette intuition. Elle indique, sans raisonnement, que l’on appartient à ceet fait pressentir ce qu’il doit être et ce que chacun doit être pour en faire partie ; elle est l’image réfléchie duen chacun. L’âme est le souffle et l’air, le principe de la vie. Elle est ce qui donne du souffle à un groupe et à ce qu’il exprime en son temps : l’âme, c’est l’air du temps. L’âme et la conscience sont nos signes de reconnaissance : ils3 unissent et« projettent ensemble », ils sont notre symbole .
1 Régis Debray,, Paris, Odile Jacob, 1997. p.150. 2 Discours à la Chambre. 3 juillet 1897. Voir au Chapitre Médiateurs. 3 Le terme grec dérive du verbe« jeter ensemble ».     , sous la direction de Alain Rey, Paris, Dictionnaires Le Robert,1998, 3 tomes..
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e Apparu au XII siècle le mot « assentiment » désigne un acquiescement, le fait de s’accorder et d’être en harmonie. Couramment e e e utilisé jusqu’au XVI , son emploi est faible au XVII et au début du XVIII siècle. Il réapparaît sous la plume de Rousseau, puis en 1792, en pleine Révolution, dans l’expression : « l’assentiment national ». L’assentiment c’est s’accepter et donc se reconnaître comme membre d’un groupe, il traduit une perception d’appartenance qui se fait par les sens ou par l’intelligence. e Dés la fin du XI siècle, le verbe « sentir », a le sens d’être informé par les sens ou par la sensibilité d’un fait ou d’une qualité, mais également celui de les connaître par l’intuition. Au fond, c’est savoir quelque chose pour l’avoir appris et pour avoir été éduqué à le reconnaître. Le sentiment est ainsi une capacité d’apprécier une manière d’être. Le sentiment d’appartenance est la conscience de partager avec d’autres des valeurs, d’avoir des compréhensions communes et des intérêts identiques. Il est donc une « connaissance partagée » et une intuition. Ce terme d’intuition qui a qualifié d’abord la vision directe de Dieu désigne ainsi le pressentiment de ce qui est et de ce qui doit être : le sentiment 4 d’appartenance est cette image réfléchie de soi dans le miroir du groupe.C’est une intimité propre à chacun t commune à tous, ce qui fait l’amitié et l’amour aussi. Cette connaissance est variable suivant les individus. Elle prend des aspects différents suivant les sensibilités, les coutumes, les oublis et les reconstructions individuelles, familiales, régionales, etc. Elle est l’objet d’apprentissages et d’éducations multiples. Selon ces diverses approches, elle crée, conforme et conditionne le. Cette intimité est un rapport de l’individu à l’ensemble, une articulation faite de désirs et d’identifications, mais aussi de refus et de dépits ; elle lie en chacun l’individu aux autres. Cette connaissance ne repose pas seulement sur celle du présent mais également sur celle de ce qu’il a été dans le passé. L’intimité du présent dépend ainsi de l’idée que chaque individu se fait des rapports qu’il aurait pu établir avec le groupe dans un autre temps et de ce qu’il pense qu’il aurait alors fait. Elle résulte également de sa capacité à imaginer aujourd’hui ce que serait un groupe différent avec lequel il nouerait et entretiendrait des relations plus fortes et plus satisfaisantes. L’intimité est un souvenir, un partage et un désir d’avenir. 4 L’en latin est « l’image réfléchie dans un miroir ».
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Le sentiment d’appartenance est le fruit d’un apprentissage constant, mais renouvelé dans des circonstances et des temporalités variées. Selon des entrées invariables, il a permis de dire ce qu’est le aux individus qui le composent et de concilier les situations et les désirs de ceuxci avec les besoins et les attentes de celuilà. Il assure la cohésion et l’intégrité duen même temps qu’il l’organise. Ledésigne donc un groupe, celui qui est constitué ou celui qui tente d’apparaître ; il implique une dimension qui est, précisément, celle de l’appartenance. Lene se réduit pas à l’addition arithmétique d’individus conscients de se grouper. Il est une forme propre qui a un passé, une configuration souvent héritée, des reliefs particuliers, 5 une forme qui a un projet et un avenir. Cette conscience collective procède à la fois de la compréhension des individus qui la partagent au moment présent et des effets du travail des médiateurs. La connaissance de cette appartenance est plus ou moins évidente pour le groupe et pour les individus, elle peut s’exprimer de manières différentes, voire contradictoires. Ledistingue et se nourrit également de se plus d’envergure restreinte mais il ne peut être, là non plus, réduit à leur addition. Il les dépasse et les inclut ou tente de les unir dans undifférent, fédérateur, utilisant ou éliminant leurs valeurs de regroupements spécifiques. Le sentiment d’appartenance est un imaginaire propre à un. Plus qu’un « roman national », car il n’y a pas un auteur mais une écriture, c’est un chant (au sens où on l’emploie pour parler de l’Iliade), un véhicule de transmission des références et des représentations qui irriguent la communauté, la vivifient et la maintiennent en s’adaptant. Haruspices des temps nouveaux, les médiateurs définissent et redéfinissent ces critères, ces signes et ces valeurs. Ils disent une continuité  sinon l’appartenance n’existe plus, et proposent parfois des adaptations ou des transformations. Cellesci peuvent être souhaitées par le, suscitées ou imposées par des évolutions que lene maîtrise pas. Les médiateurs 6 les relient et les lient. Ils assemblent et ils rassemblent. Ils sont des organes , des instruments du groupe. 7 Médiateur désigne donc toute autorité, légitime ou qui se croit telle, instituée ou s’instituant, que ce soit un individu ou un groupe d’individus, en situation de dire le, de l’inscrire dans la durée  un passé, un acquis, un héritage, de le projeter dans un futur, immédiat ou lointain.
5 Le sens du mot « conscience » en 1165 est celui d’une connaissance intuitive du bien et du mal. 6e e « organe » désigne aux XV et au XVI siècles un porteparole, un intermédiaire.Le mot « Organiser » c’est « rendre apte à la vie » (1380) et c’est le fait de « doter d’une structure » en 1789. Voir Debray,, op.cit.pp.20,21. 7
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Est un médiateur toute autorité perçue par le groupe auquel elle s’adresse (Dont elle provient ou qu’elle suscite) comme ayant les capacités stratégiques à représenter et à projeter le. De fait, est médiateur tout élément – livre, idée, ensemble d’idées qui permet, aujourd’hui, de prendre en compte et de comprendre unantérieur parce qu’il le révèle ou parce que, en ce temps là, il a été un médiateur du; de même, un événement peut être un médiateur du groupe, s’il donne à comprendre pourquoi lese manifeste ou s’est manifesté. Un médiateur se définit comme tout acteur, animé ou non, qui a une capacité à faire résonner le groupe, à lui faire entendre qu’il est un, à faire percevoir aux individus qu’ils forment – ensemble – un, à les incorporer. Les médiateurs se succèdent mais peuvent coexister. Ils sont en concurrence avec des médiateurs rivaux pour imposer leur définition du . Leurs luttes font partie de la vie du, de son intensité et de sa survie.Les médiateurs rapprochent et séparent, ils établissent des ponts et les interrompent. Pour le groupe qu’ils organisent en, ils lient et délient le passé et Le futur, l’espace hérité et l’espace vécu. C’est au sein duqu’ils agissent. S’ils contribuent à configurer le, c’est le qui les distingue et leur donne moyen d’agir sur lui. Leur pouvoir de résonance dépend du ils s’adressent, de la capacité du auquel  à les entendre et à les adopter, à les sentir et à leur consentir. Les médiateurs naissent et meurent, ils durent ou passent brièvement suivant leur faculté à être, de façon permanente et renouvelée, les interprètes deschangeantes du. A quelles conditions ces éléments fondamentaux sontils apparus ? A quels moments ontils évolué dans leurs apparences ? Comment s’adaptentils aux attentes duet aux interventions particulières ? e e L’hypothèse proposée est la suivante : aux XI et XII siècles est construit un système d’organisation du groupe selon des critères particuliers. Cette époque est le moment de l’accord initial et celui de lapremière. La volonté de penser la communauté en son entier se manifeste e alors clairement. Période de reconstruction mentale, le XII siècle est un point de départ à partir duquel les éléments propres auet ceux qui, au contraire, caractérisent l’ennemi sont distingués dans un souci de cohérence de la communauté. Ces entrées ordonnent une lecture fondamentale du groupe et de son contour : c’est une forme qui agence le, les catégories et les individus qui le composent. L’Eglise organise alors l’accord et inspire la forme. Le verbe accorder a dès 1080 le sens de « réconcilier », c’est à dire de faire la paix, mais prend
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