L informel pour informer
260 pages
Français

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L'informel pour informer , livre ebook

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Description

Etre au contact des sources, celles qui donnent des informations aux gens de presse n'est pas sans risque-le spectre de la "connivence" n'est jamais loin-mais permet de recueillir de précieuses informations pour rendre compte. C'est bien ici que prend la place de l'informel. Le mot permet d'éclairer un ensemble de pratiques qui s'opposent a priori à la dimension officielle, publique, du métier, d'indiquer et de comprendre des écarts, des tensions, des intrications.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2014
Nombre de lectures 14
EAN13 9782336357775
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright































© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-70788-4
Titre

Sous la direction de

Jean-Baptiste Legavre







L’INFORMEL POUR INFORMER

Les journalistes et leurs sources















Editions Pepper – L’Harmattan
Collection

Communication, politique et société

dirigée par Jacques Gerstlé
PRÉFACE « L’informel » : s’appuyer sur une notion fuyante
Jean-Baptiste Legavre
Institut français de presse-Université Panthéon-Assas (Paris II)
Les journalistes aiment dire publiquement que leur métier se construit dans la distance. Distance avec les pouvoirs, distance avec les « sources » – celles qui donnent des informations aux gens de presse. Elle leur est décisive puisqu’ils pensent (non sans de bonnes raisons) avoir pour vocation d’adopter un regard critique sur le monde, à tout le moins un regard qui ne soit pas celui des seules instances dominantes. Cette mission s’est construite historiquement, le journalisme d’information politique et générale n’en étant pas étranger et d’autant qu’il constitue, pour partie au moins, un modèle de référence pour les différentes « familles » journalistiques [Charon, 1994]. Ce n’est pas pour rien qu’un sociologue aussi averti que Jean-Gustave Padioleau a pu le qualifier de « journalisme de prestige ». C’est aussi qu’il se dote, à travers les « institutions de presse » qui le portent, de « valeurs ». Ne se propose-t-il pas de « brigue[r] l’honneur de faire le bien » [Padioleau, 1985 : 331 sq.] ? Sans doute, la distance revendiquée est aussi, pour ses acteurs, une arme rhétorique. Elle permet de se grandir et de rappeler, malgré les vicissitudes de la besogne, la noblesse qui la dépasse ; la distance est encore une façon de se protéger devant des sources envahissantes qui aiment disposer de journalistes au mieux « aux ordres », a minima… compréhensifs.
Mais tenir (et se tenir à) son magistère ne constitue pas qu’un viatique. Un journaliste n’est pas supposé être le porte-parole de ses sources. Il doit « croiser ses sources », selon l’expression consacrée et, « en permanence reprendre l’initiative », rappellent les manuels [par exemple, Agnès, 2002 : 68]. Mais comment obtenir des informations distinctives qui ne seraient pas le reflet des seuls discours des institutions couvertes et de leurs stratégies de communication ? Comment aller au-delà des discours convenus, des communiqués et autres dossiers ou voyages de presse qui en portent les traces les plus explicites ? Par un apparent paradoxe, les journalistes n’ont d’autre choix que de quitter, au moins un temps, les habits commodes (et utiles) des défenseurs-de-la-démocratie pour se rapprocher des sources, établir une relation structurée par des affects, des affinités électives, des passés sociaux accumulés. Ne pas se rapprocher serait peut-être éviter les stratégies d’emprise mais aussi se cantonner dans un seul journalisme de commentaires. Il interdirait de livrer les clefs des « arrière-cuisines » ; celles qui donnent à comprendre justement les stratégies, concurrences internes, états d’âme, frustrations et autres « épaisseurs » humaines ; celles qui empêchent de se faire trop instrumentaliser par des pouvoirs en mal d’images positives et rétives à toute critique quoi qu’elles aiment croire, lorsque – idéologie de la communication oblige – elles disent vouloir être « dans la transparence ».
Tout le paradoxe apparent, autant que le risque, est bien là pour les gens de presse et leur pratiques professionnelles : être « au contact » de leurs sources, c’est risquer de se perdre – le spectre de la « connivence » n’est jamais loin –, mais c’est aussi recueillir de précieuses informations permettant, dans un second temps, de disposer d’appuis plus solides pour rendre compte. Deux journalistes politiques l’expliquent bien, eux qui ont souhaité faire participer leurs lecteurs potentiels autant aux coulisses peu connues qu’à leur réflexion sur le métier en analysant les relations qu’ils avaient tissées avec Nicolas Sarkozy. Sans doute, insistent-ils, n’avaient-ils pas pris la mesure de la « transgression » et autres « pièges » tendus par l’ancien Président mélangeant les genres, jouant autant d’une « complicité », « intimité », contact proprement physique, ou brutalité. Comment résister ? Il leur permettait d’» assister à tout, dans le moindre détail et de près », rendant difficile de « rester à sa place ». Pourtant, malgré leurs « errements », ils restent persuadés que les journalistes doivent atteindre avec leurs sources « une vibration commune », à condition de maîtriser l’art du « camouflage ». « Entrer au contact, en harmonie (···), à l’empathie (…) [mais] après l’opération charme vient l’impératif de distanciation critique. L’écriture journalistique (…) ne saurait être simplement reproduction », rappellent-t-ils. Et de préciser : « Nous savons parfaitement que l’hygiène du détachement s’impose » [Domenach, Szafran, 2011 1 ]. Mais comment faire bien comprendre que la « bonne » distanciation présupposerait « le charme » ? Comment ne pas susciter de la part des profanes ou entrepreneurs de morale une autre lecture, celle de bien classiques petits-arrangement-entre-amis ? Comment expliquer aux tiers ce que le sociologue interactionniste Everett C. Hughes nommait – en incluant d’ailleurs le journalisme dans les métiers qu’il jugeait typiques sous cet angle – cette part de « savoir coupable » qui pouvait être « un fardeau », leur connaissance partagée au-delà des initiés ayant des chances d’entacher « l’intégrité morale » des acteurs concernés [1996 : 101]…
C’est bien ici que prend place ce qu’il convient d’appeler l’informel. Le mot est simple et permet d’éclairer un ensemble de pratiques qui s’opposent a priori à la dimension officielle, publique du métier, d’indiquer et de comprendre des écarts, des tensions, des intrications. Le mot est-il trop simple ? En tout cas, il a l’avantage de ne pas s’en tenir à un « médiacentrisme » qui voudrait que le journalisme ne se comprenne qu’à partir de ce qu’en dit l’idéologie journalistique la plus convenue. Ce faisant, il fait entrer qui s’y essaie dans une zone grise occupée par journalistes et informateurs, une zone faite de compromis, d’essais et d’erreurs. Mais il enrichit la compréhension de l’activité, en laissant aux « moralistes » le rôle (commode) de dénoncer sans toujours saisir, loin de la bataille, ce qui se joue, ses enjeux, ses obligations, ses marges, ses « fardeaux »…
Le terme – informel – est évidemment plus complexe à empoigner quand vient le moment, in situ , de l’opérationnalisation et d’autant plus, comme le remarque sur un tout autre objet – l’action humanitaire – Pascal Dauvin que « formel et informel sont les deux faces d’une même réalité » [Dauvin, 2014 : 87 ]. Au demeurant, ce serait se méprendre de penser que tous les contributeurs de ce livre collectif 2 – portant sur la presse écrite – en adoptent la même définition, conception ou approche. L’informel, comme l’indique dans cet ouvrage collectif Rémy Rieffel, c’est en fait d’abord « le non-dicible, le non-officiel ou le hors-cadre » ; et aussi « tout ce qui n’est pas soumis à des règles strictes » par la profession. Il faut sans doute avoir en tête, pour apprécier son déploiement, que l’informel – ce qui « échappe à l’officialité », selon l’expression de Carole Bachelot – peut s’inscrire dans une relation officielle, celle-ci connaissant « plusieurs degrés » : par exemple, un professionnel de la politique peut parler à un journaliste au nom de son parti (il est « porte-parole ») mais le contexte de l’interaction peut ne pas être formalisé. Et d’autant que les

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