Pinot jusqu'où ?

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• Publié par: le-sport-magazine
• Publié le: 02 janvier 2013
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• Langue: Français

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Pinot jusqu'où ?

Dire que Thibaut Pinot (22 ans) a ébloui la France du cyclisme en 2012 relève de l'euphémisme. Pour sa première participation à la Grande Boucle, il a terminé à une prometteuse dixième place. Il a aussi remporté comme un grand, en solitaire avec 26 secondes d'avance sur ses poursuivants, la huitième étape ralliant Belfort à Porrentruy en Suisse. Pour bon nombre d'observateurs, ce degré de performance a pu paraître surprenant. Mais pas tant que cela en fait. En effet, le natif de Franche-Comté avait déjà montré de belles choses en 2011 : victoire sur le Tour d'Alsace, sur la Semaine Lombarde, deux étapes sur le relevé Tour de l'Ain, mais aussi 3ème sur le Tour de Turquie et 3ème sur les Trois Vallées Varésines. En 2012, excepté son exploit sur la Grande Boucle, Pinot a aussi remporté une nouvelle étape sur le Tour de l'Ain, et lors du Tour de Suisse, il se trouvait à chaque fois avec les meilleurs aux sommets.

Entraîneur à la FDJ depuis plus de dix ans, Fred Grappe donnait, à l'un de nos confrères, un point de vue éclairé sur la force du garçon qu'il connaît depuis longtemps. A ses yeux, l'évolution de Pinot est surtout mentale : "Il ne m'a pas surpris par son niveau de performance, mais plutôt par sa dixième place sur le Tour. On n'est pas surpris par son niveau de performance car on sait depuis juniors qu'il a ce potentiel-là. Vu que le cyclisme va mieux, nous n'avons donc pas été étonnés qu'il soit souvent avec les meilleurs coureurs du monde. Avec Froome, avec Wiggins, et à la Toussuire, c'était peut-être même le meilleur. Mais le concernant, ce qui m'a le plus bluffé, ce n'est pas l'aspect performance, c'est davantage au niveau de la récupération. Il a réussi en troisième semaine à être performant, et à maintenir sa 10ème place sur le Tour. On savait qu'il avait une grande détermination, et on sait qu'il rebondit rapidement après un coup de moins bien.

C'est arrivé sur le Tour de France. Ça, il le fait depuis les juniors. On est au courant de sa capacité à rebondir après un échec. Mais ce qu'on ne savait pas, c'est s'il allait pouvoir tenir trois semaines, psychologiquement. Et ça, on ne l'explique pas au grand public. Il y a le moteur du coureur, mais aussi la gestion mentale. Tu peux doper tout le monde, mais le mental, tu ne le dopes pas comme ça. Tu peux avoir un moteur gonflé, mais craquer mentalement. On ne savait pas comment il allait gérer trois semaines, mais il nous a montré qu'il pouvait y arriver mentalement. Il m'a bluffé làdessus car il aurait bien pu avoir une semaine creuse ou prendre un gros éclat sur une étape. Encore une fois, je ne suis pas surpris du Tour de France de Thibaut à partir du moment où je savais de quoi il était capable. Mais peut-être pas cette année, et pourtant il l'a fait. Et je le redis, on a un garçon qui finit 10ème de la Grande Boucle, qui a réalisé des performances de haut niveau, et qui l'a fait à l'eau claire, sans perfusion de glucose ou quoi que ce soit. Avec un suivi médical normal. C'est ça qui est terrible, puisqu'on peut le prouver, on peut le dire". La caisse, le garçon, l'a.

"S'il venait à confirmer son dernier Tour de France, ce serait déjà exceptionnel"

Le mental aussi. Rappelons qu'il n'était pas prévu sur le Tour de France et qu'il avait insisté auprès de Marc Madiot pour être de la partie. Lors de sa victoire d'étape, le coureur "avait encore fait sa tête de mule" dixit l'intéressé. Il n'était pas prévu dans une échappée et avait contrecarré les plans. Une attitude qui plait à un certain Bernard Hinault, d'autant qu'on désigne Pinot comme son héritier : "C'est la révélation ! Quand on dit qu'il a désobéi aux ordres, je trouve cela fabuleux. Rien à foutre des oreillettes, je suis là pour gagner et j'y vais. Je ne sais pas s'il est mon successeur. Pour l'instant, il a une petite lacune en contre-la-montre. Est-ce qu'il faut lui faire travailler le chrono ou travailler davantage en montagne pour creuser plus d'écarts ? Il a 22 ans. Cette année, il a vécu une expérience fabuleuse et a beaucoup appris".

A travers les performances de Thibaut Pinot, c'est aussi tout un travail en profondeur de la FDJ axé sur les jeunes qui doit être souligné et qui porte ses fruits. Cette année, un Arnaud Démare a fait prévaloir ses qualités de vitesse en gagnant assez rapidement et en se mettant en confiance. Pour sa première année chez les professionnels, le Beauvaisien a enlevé une étape sur le Tour du Qatar, sur le Samyn, sur Cholet-Pays de Loire, sur le Vattenfall Cyclassics, puis sa deuxième place lors des championnats de France sur route a presque eu valeur de victoire. Un Nacer Bouhanni qui était par le passé dans l'ombre de ce même Arnaud Démare dans les rangs amateurs a également franchi un cap. Il a su comprendre ses faiblesses et en faire des forces, et ce avec un sens de la détermination sans borne. Son titre de champion de France sur route, sa victoire sur le Circuit de Lorraine, sur Halle-Ingooigem, ont été les récompenses de son travail assidu. Mais revenons à Thibaut Pinot. Désormais ce dernier doit revenir sur terre bien loin de l'effervescence du Tour de France, alors qu'on le présente comme le Messie. Au sein de l'équipe au trèfle, on va tout faire pour le protéger pour l'amener dans les meilleures conditions lors du Tour à venir : "On le savait capable de grandes choses, confirme le directeur sportif de la FDJ Thierry Bricaud.

Ce qui nous a le plus surpris, c'est sa gestion de l'environnement médiatique. Avec la pression qu'il y avait autour, il l'a très bien géré. C'est un plus pour la suite. C'est important pour l'évolution de sa carrière. J'espère pour lui qu'il sera de plus en plus sollicité. Ce sont des paramètres à prendre en ligne de compte pour un sportif de haut niveau au risque d'avoir des incidences sur le degré de performance. On va continuer à procéder de la même manière avec lui, par rapport à ce que l'on a déjà mis en place cette saison. On ne va pas le couver car ce n'est pas le but. Cependant, on va continuer à mettre tous les ingrédients de son côté pour qu'il continue à s'exprimer du mieux possible. Il va se préparer exactement comme lors des saisons précédentes, sauf que désormais il a réellement pris conscience de son niveau et de ce qu'il pouvait faire dans une épreuve comme le Tour de France. Il va démarrer sa saison comme d'habitude, mais les temps forts vont être axés à l'approche du Tour de France et sur le Tour...". Question. Dans la préparation de cet objectif majeur, va-t-on lui faire travailler son chrono, un domaine où il reste très perfectible, ou cibler exclusivement sa grande force, à savoir ses qualités de grimpeur naturelles ? "Sa principale qualité est de grimper, rappelle le directeur sportif. Il va continuer à bosser sur ce domaine, car c'est là-dessus où il peut faire le plus de différences ou perdre le moins de temps possible par rapport aux gros coureurs. Pour le reste, il va continuer à travailler le contre-la-montre comme il le fait tous les ans. Cet hiver, on va aussi paufiner certaines petites choses comme le matériel, le positionnement sur le vélo, afin de réduire les écarts encore une fois avec les plus grands..." Avec un Tour de France 2013 taillé cette fois pour les grimpeurs, que peut espérer alors le jeune Thibaut Pinot ? Aller encore plus haut ? "S'il venait à confirmer un Tour de France de la lignée de cette année, ce serait déjà assez exceptionnel, poursuit Bricaud. Ce ne serait vraiment pas rien ! En continuant à prendre ses repères, je pense par contre que d'ici trois ou quatre ans, il pourra se montrer encore plus ambitieux. Il ne faut pas être trop impatient à son égard. Il a fait dixième. Son ambition est de se rapprocher d'un podium. Mais cela ne viendra pas du jour au lendemain..." Quand on lui avance par contre une comparaison avec le "Blaireau", Bricaut la repousse immédiatement : "Il n'y a aucune comparaison à faire.

Thibaut a un profil de grimpeur et de coureur de courses à étapes. Jusqu'à présent, il a prouvé qu'il avait des qualités, mais rien d'autre. Il faut le laisser grandir sur le long terme. En France, comme il y a une forte attente, on veut faire des champions avant l'heure. Il a signé une belle saison 2012 qui demande confirmation. Que ce soit pour Thibaut ou pour les jeunes, le plus compliqué est de confirmer. Il a tout pour réussir et a la tête sur les épaules". Et pour ne pas être un énième espoir déçu du cyclisme français... Pour l'instant, c'est bien parti pour la révélation Pinot. Désormais, il va devoir défendre chèrement sa peau dans une autre sphère, celle d'un coureur attendu. Un statut naturellement plus difficile à gérer.