Avec les tirailleurs sénégalais 1917-1919 - Tome 2
546 pages
Français

Avec les tirailleurs sénégalais 1917-1919 - Tome 2 , livre ebook

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546 pages
Français

Description

Ces lettres d'amour et de guerre présentent le récit de la participation de l'adjudant Escholier à l'Armée d'Orient et à l'étonnante épopée qui l'amène, en 1918, des monts de Macédoine aux plaines de Hongrie. Le gradé blanc noue des liens avec les tirailleurs noirs et ce livre pose un regard de plus en plus juste sur les soldats africains et les inscrit déjà dans notre mémoire collective.

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Publié par
Date de parution 01 septembre 2013
Nombre de lectures 24
EAN13 9782336322117
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AVEC LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS 1917-1919 TOME II
Ces lettres d’amour et de guerre présentent le récit de la participation de l’adjudant Escholier à l’Armée d’Orient et à l’étonnante épopée qui l’amène, en 1918, des monts de Macédoine aux plaines de Hongrie. Elles montrent aussi, qu’en dépit des combats, l’écrivain et critique d’art Raymond Escholier s’adonne en même temps à la lecture, à l’écriture et à l’ethnologie. Mais ce qu’il y a de plus neuf, dans cette correspondance quotidienne mais toujours nouvelle, se situe dans les liens que le gradé blanc noue avec les tirailleurs noirs, liens où la condescendance s’efface vite devant l’admiration. Si bien que ce courrier, mine d’informations sur l’élaboration des romans de guerreLe Sel de la terreetMahmadou Fofana, pose un regard de plus en plus juste sur les soldats africains et les inscrit déjà dans notre mémoire collective.
er «Istib, 1 octobre 1918. – Songe, la paix avec la Bulgarie, c’est la paix pour demain avec la Turquie, coupée de partout, c’est la Roumanie et la Serbie ressuscitées, la Hongrie en feu (nous y courons). Six cent mille baïonnettes alliées de plus sur le front d’Orient. Nous serons plus d’un million à bondir demain sur l’Autriche moribonde. Elle aussi capitulera avant, comme le Bulgare. Ah ! cette Armée d’Orient, qu’on blaguait un peu en France ! Elle a tout de même tranché le nœud gordien. Quand Ruquet tenait cette crête de Kravitza si chèrement conquise, il ne songeait guère qu’il était avec les siens en train d’écrire une page décisive dans l’histoire du monde. » Adjudant Raymond Escholier
André Minet, professeur d’histoire honoraire, auteur d’une longue suite d’études, de publications et de rétrospectives sur les poilus du Midi et leur correspondance.
Bernadette Truno, docteur d’État ès lettres, professeur de lettres honoraire, est l’auteur de la biographie croisée de Raymond et Marie Escholier et de nombreuses publications et conférences sur eux.
ISBN : 9782336302966 28 €
Raymond Escholier AVEC LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS 1917-1919 LETTRES INÉDITES DU FRONT D’ORIENT TOME II
AVEC LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS 1917-1919 : TOME II
Raymond Escholier
Présentation d’André Minet AUTREMENT MÊMESet Bernadette Truno
AVEC LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS 1917-1919 TOME II
COLLECTIONAUTREMENT MEMES conçue et dirigée par Roger Little Professeur émérite de Trinity College Dublin, Chevalier dans l’ordre national du mérite, Prix de l’Académie française, Grand Prix de la Francophonie en Irlande etc. Cette collection présente en réédition des textes introuvables en dehors des bibliothèques spécialisées, tombés dans le domaine public et qui traitent, dans des écrits de tous genres normalement rédigés par un écrivain blanc, des Noirs ou, plus généralement, de l’Autre. Exceptionnellement, avec le gracieux accord des ayants droit, elle accueille des textes protégés par copyright, voire inédits. Des textes étrangers traduits en français ne sont évidemment pas exclus. Il s’agit donc de mettre à la disposition du public un volet plutôt négligé du discours postcolonial (au sens large de ce terme : celui qui recouvre la période depuis l’installation des établisse-ments d’outre-mer). Le choix des textes se fait d’abord selon les qualités intrinsèques et historiques de l’ouvrage, mais tient compte aussi de l’importance à lui accorder dans la perspective contem-poraine. Chaque volume est présenté par un spécialiste qui, tout en privilégiant une optique libérale, met en valeur l’intérêt historique, sociologique, psychologique et littéraire du texte. « Tout se passe dedans, les autres, c’est notre dedans extérieur, les autres, c’est la prolongation de notre intérieur.» Sony Labou TansiTitres parus et en préparation : voir en fin de volume
Raymond Escholier AVEC LES TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS1917-1919 : LETTRES INÉDITES DU FRONT D’ORIENT Tome II (avril 1918-avril 1919) Texte établi et annoté par André Minet Notice biobibliographique de Bernadette Truno Fac-similés d’autographes et illustrations L’HARMATTAN
En couverture : Portrait de tirailleur sénégalais de l’Armée d’Orient, bois gravé de Claude Escholier ayant servi au frontispice de l’édition deMahmadou Fofanade 1934 © Héritiers Escholier, 2013
Lettres de Raymond Escholier © Héritiers Escholier, 2013 Appareil critique © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-30296-6 EAN : 9782336302966
Rappel des faits Le 23 février 1917, le sergent-fourrier Raymond Escholier est muté chez les Tirailleurs Sénégalais, avec son ami, le capitaine Joseph Ruquet. Après avoir accompli un stage d’instruction à Boulouris, e dans le Var, au 96 B.T.S., il est dirigé sur Salonique où il débarque le 22 juillet 1917. Promu adjudant de bataillon, le 4 août 1917, il est envoyé combattre sur le front de Macédoine, dans la boucle de la Cerna. En décembre 1917, il doit se faire hospitaliser à Salonique pour y être opéré d’une hernie abdominale récidivante. En février 1918, au retour de sa convalescence, il e réintègre le 96 B.T.S. Relevé de toute présence en ligne, en application de la loi Mourier, à cause de son âge (36 ans) et de son ancien statut d’auxiliaire, il est définitivement orienté vers le dépôt de son unité, le 24 avril 1918. e Au dépôt du 96 B.T.S. (25 avril-7 juin 1918) Vakufkoj, jeudi 25 avril 1918. Mon Amour Cher, Je t’écris dans un pré ombreux, où j’attends mon monde. Une fois… Mon monde est arrivé. J’ai eu bien du travail pour caser tout et tous. Mais maintenant tout va bien. Village exquis, traversé trop vite l’an passé, quand nous montions en ligne. J’ai une petite chambre de jeune fille ou de chartreux, deux fenêtres bien claires ouvrant (il n’y a pas de vitres) sur le village. Comme j’ai très peu dormi, je me suis meublé complètement ce matin entre 4 et 7, toutes mes étoffes chantent au mur. Mes plus belles images y règnent. Puis des objets religieux makédones, dans un vase, des lilas dont je t’envoie quelques fleurs. Et un ouvrage rustique de la maman de la petite Sulta, mon hôtesse, un ornement charmant, que je te dessinerai un jour de loisir. Car tu peux le faire très aisément. De simples épis de blé dont la paille est tressée d’une façon très originale. Dans le vestibule, une frise d’épis, alternant avec des épis de maïs, serait en automne et en hiver, d’un goût exquis. J’attends Ruquet. À partir de ce soir, je fais popote seul à seul, avec… devine ? Le petit lieutenant Blaise, celui que nous voyions
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au restaurant, avec Madame sa femme, celui qui nous précéda chez Maman Coulet. Il commande la Compagnie de Dépôt en attendant Ruquet. Je suis très content de n’avoir plus à manger avec un ivrogne et un malhonnête homme. Si cet individu était demeuré au Dépôt, j’étais résolu à me retirer sous ma tente et à vivre seul comme un ermite. Les routes, défoncées par la pluie, sont si mauvaises qu’hier, trois voitures de mon convoi, sur quatre, ont versé complètement.C’était gai. Forcés de décharger totalement, puis de recharger. J’ai dû mettre la main à la pâte, et pousser à la roue. Je vais voir s’il est possible de faire ses Pâques dans ce pays. Baisers bien amoureux, bien tendres de Ton Lutin qui n’est qu’à toi. Baisers aux mamans, aux chéris. e Nouvelle adresse à partir d’aujourd’hui. R. E. adjudant 4 e Compagnie 96 Bataillon de Tirailleurs Sénégalais S.P. 510. Vakufkoj, vendredi 26 avril 1918. Ma Princesse bien-aimée, Je puis enfin causer avec toi et te bien réconforter. Si, d’une part, la date possible de la fameuse permission recule dans les lointains, le sort de ton Lutin est désormais fixé dans de telles conditions que tu peux être heureuse. Dessaisi par la Loi Mourier, il est laissé pour toujours à l’Arrière. Dès maintenant, tandis que le bataillon vient de monter en ligne, à dix lieues d’ici, le voici installé à la Compagnie de e Dépôt, la 4 , chargé simplement d’envoyer des nègres malades chercher de la salade ou d’équiper les renforts qui pourraient nous venir. Confort absolu. Ruquet va commander cette Compagnie. Nos noirs, le déchet du bataillon, sont trop mal en point pour qu’on puisse songer à les instruire. Dès demain, je me remets au livre sur Lunois, que je vais mener grand train, puis je m’occuperai de Mahmadou Fofana. Bien entendu, tout le confort des situations stables m’entoure déjà… Ma chambre menue est pleine de couleurs. Je veux qu’elle soit pleine de fleurs… J’ai un placard pour mettre mes livres. Je me dis que, si la permission est encore bien loin, nous ne perdrons rien pour attendre, puisqu’alors, le rapatriement sera définitif, que ma
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permission sera alors non plus d’un mois, mais de deux mois consécutifs, deux mois !, et qu’à l’issue, il me sera facile, en raison de ma classe, de diriger par exemple l’exploitation de Malaquitte. Donc, patience, comme dit le vieux Tigre. Toujours pas de nouvelles de la Tigresse. L’Albanie traîne la patte. J’écris à Ruquet de « ne pas s’en faire ». Puisque, aussi bien, sans l’avoir sollicité, sans avoir dit ou écrit un seul mot, nous avons la bonne fortune d’avoir le très bon coin. Ce village spacieux entouré de prés bien verts, d’arbres très hauts, peuplé de braves gens très affables, est un séjour extrêmement agréable. Ce que je vois de mes fenêtres est si charmant que je vais le dessiner, un de ces soirs, et le peindre pour toi. As-tu reçu les croquis de Salonique et le portrait peint de Kouroué ? 1 Te parlerai-je de mes hôtesses, une vieille Maïko futée, aux yeux luisants, et sa petite fille Sulta (nom très répandu dans ce vieux pays turc), une gamine de treize ou quatorze ans, délurée, hardie, que Casanova eût certainement honorée de ses faveurs. Mais Troussel est un homme très sage. Ses folies, ses délires n’appartiennent qu’à une dame française que l’Ingénue connaît. D’ailleurs pas très en train, pour le moment. Langue blanche. Besoin de magnésie, ou de sulfate de soude. On se soignera dimanche, après-demain. La nourriture carnée finit par éreinter les natures les plus solides. Ce déplacement, nuits blanches, millier de choses à faire, m’a fatigué… Mais maintenant, c’est pour long-temps le bon repos, sans être le « grand repos » dont parlent si souvent nos tirailleurs. Je répète qu’il faut s’occuper de l’allée de pins parasols. Nous la planterons ensemble, certainement. Je me suis documenté, ici, près de spécialistes (entrepreneurs mobilisés) au sujet des toitures. Hélas ! tant que nous aurons des tuiles à canal, nous aurons des gouttières. Le seul remède, absolu, c’est l’affreuse tuile de Marseille, la tuile à crochet. Cette toiture dure plus de cent ans… J’ajoute qu’il y aurait gros intérêt à ce que la charpente fût en fer. Mais cela nous coûterait trop cher. Pour faire bref, dès que nous le pourrons, nous étudierons sur place, avec un entrepreneur ou un architecte sérieux ce qu’il y a à faire. Nous arrangerons notre Malaquitte malgré tout. 1 Maïko : Maman (en macédonien).
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Je suis à deux pas de l’endroit où vivait Edmond G…. Baisers bien amoureux, bien tendres de Ton Lutin qui n’est qu’à toi. Baisers aux mamans, aux chéris. Attends, avant de m’envoyer des colis. Les boîtes de conserve doivent être proscrites l’été. Le Conseil Municipal a voté le relèvement de l’indemnité pour les mobilisés. Ce n’est plus 360 f que vous percevrez en plus, mais 540 f, plus 300 f pour les petits, soit 840 f, de plus. C’est intéres-sant. Vakufkoj, samedi 27 avril 1918. Princesse blonde, J’ai enfin la bonne adresse, la voici. Inscris-la religieusement. Je vais la répéter, durant une semaine, sur chacune de mes lettres. t e ie e Adj R. E. – 4 C du 96 Bataillon de Tirailleurs Sénégalais – e Centre d’Instruction de la 17 D.I.C. – S.P. 518. Les 2 dernières lignes en gros caractères. Puisque j’ai enfin une adresse définitive, je vais te demander ceci. Prière de m’envoyer aussitôt que possible, en deux colis par la poste, une paire de draps aussi minces qu’on pourra les trouver (l’idéal serait du calicot), pour un lit qui a environ 1 m de large sur 2 m 30 de long. S’il est possible, envoyer dans un autre colis des saucissons. Rien d’autre. Le temps a changé. C’est le triste ciel gris… Comme je n’ai pas de carreaux, j’ai eu froid ce matin. Mais on va m’apporter des châssis couverts de toile de tente imperméable. J’en suis à me demander si, pour le salon de Malaquitte, l’été, ça ne vaudrait pas mieux que tout : deux grands châssis couverts d’une toile légère, par exemple d’une sorte de mousseline. C’est à étudier. Nous continuons notre installation puisque, aussi bien, nous sommes ici pour de longs mois. Je n’aurai pas tes lettres avant mardi, ou mercredi. Chaque jour maintenant, elles vont filer vers les lignes, pour en revenir bien tardivement. Enfin… Baisers bien amoureux, bien tendres de Ton Lutin qui n’est qu’à toi. Baisers aux mamans, aux chéris.
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