Changer les règles du jeu

Mélanie Joly

Description

Les préoccupations de la génération post-baby-boomers, les 25-40 ans, sont absentes des grands débats publics et cela explique en grande partie la désaffection des jeunes à l’égard de la politique, soutient Mélanie Joly. L’État est incapable de faire face aux défis notre époque. Il est déconnecté. Et les jeunes ne s’y reconnaissent pas. Il faut réorganiser l’État et redéfinir la politique en fonction des valeurs, des façons de vivre et des grands enjeux de notre époque : la révolution numérique, la transformation des médias, la crise environnementale, les perspectives économiques sombres, le vieillissement de la population, l’accès à l’éducation.
Le numérique est également un puissant outil d’émancipation en ce qu’il permet de dénoncer l’abus, l’injustice et la violence. Il permet de contredire (ou de valider) l’information transmise par les autorités. Il peut aussi accélérer la démobilisation des membres des forces de l’ordre en temps de conflit. Il permet d’envoyer des photos de tyrans en train de se faire assassiner, comme ce fut le cas pour Saddam Hussein, au monde entier, en quelques clics. Il s’agit là d’un rempart important contre la propagande ou encore, comme certains diront plutôt, un excellent moyen de l’alimenter.

Par ailleurs, en matière d’organisation politique, les médias sociaux ont été une clé du succès de notre campagne à la mairie de Montréal, en 2013. Le recours aux plateformes Web ne faisait aucunement partie d’une grande stratégie de communication organisée. Au contraire, il est né de la nécessité. Au mois d’août 2013, un mois avant le début officiel de la campagne électorale, mon équipe et moi peinions à obtenir de la couverture médiatique. La plupart des grands médias, en l’absence de sondages officiels, avaient décidé de ne pas rapporter les faits saillants de notre campagne et ce, entre autres choses, parce qu’ils n’accordaient pas la crédibilité nécessaire à ma candidature. J’étais une jeune néophyte de la politique, nous n’avions aucun élu à l’hôtel de ville et notre équipe était si petite que nous n’arrivions pas à rivaliser avec les machines de communication des autres partis en place. Nous n’avions pas les budgets pour nous payer une campagne publicitaire agressive. L’absence de visibilité médiatique devenait un argument de taille pour certains organismes et médias afin de ne pas m’inviter aux fameux débats des chefs aspirants à la mairie.
Il fallait renverser la vapeur, et vite. Nous étions extrêmement motivés et n’avions pas froid aux yeux. Nous avons donc recruté plus de cinquante bénévoles afin de diffuser l’information nous concernant sur Facebook et Twitter. Le mot d’ordre était donné : il fallait sensibiliser journalistes et chroniqueurs à notre présence afin de générer de la couverture médiatique. En l’espace d’un mois et demi, notre équipe a généré plus de 30 000 micromessages (tweets). Idées de notre programme, rencontres, appuis, questions, tout y passait. À la suite du travail de notre communauté d’internautes, nous avons également été en mesure de clarifier peu à peu les critères utilisés par les journalistes pour nous accorder un traitement égal aux compétiteurs. Même chose pour l’invitation aux grands débats. Il nous fallait 50 candidats? Nous les avions. Il nous fallait un sondage confirmant plus de 10 % d’intentions de vote? C’était fait. À la toute dernière minute, j’ai donc été invitée au premier débat des chefs diffusé en français. L’accès à cette tribune nous aura permis de passer notre message… et d’obtenir 26,5 % des voix, environ 123 000 votes, soit une solide deuxième place. Cette fois, les médias sociaux auront été le meilleur véhicule pour nous faire entendre et interpeller les personnes diffusant l’information.

Sujets

• Political Science
• Montreal

Informations

• Publié par: Québec Amérique
• Date de parution: 15 octobre 2014
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782764428153
• Langue: Français

Extrait

E ssai



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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Joly, Mélanie
Changer les règles du jeu
(Essais)
ISBN 978-2-7644-2799-6 (Version imprimé)
ISBN 978-2-7644-2814-6 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2815-3 (ePub)
1. Québec (Province) - Politique et gouvernement - 21 e siècle. 2. Participation politique. I. Titre.
FC2926.2.J64 2014 971.4’05 C2014-941917-1
Dépôt légal : 4 e trimestre 2014
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Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
quebec-amerique.com








À tous ceux et celles qui, fondamentalement optimistes, participent activement à ce que leurs idées et leurs actions puissent contribuer à changer notre monde de façon positive, merci.






Les problèmes du monde ne peuvent pas être résolus par des sceptiques ou des cyniques, dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes et de femmes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé.
John F. Kennedy


TABLE DES MATIÈRES


AVANT-PROPOS
1 – Les réalités d’hier et d’aujourd’hui
2 – Des grands enjeux de notre siècle
Les changements climatiques
La démocratisation de l’information
La croissance des inégalités
3 – L’État qu’il nous faut
Réinventer nos modèles politiques
Le pourquoi
Le comment
Des solutions politiques pour faire face aux enjeux de notre époque
Rétablir un lien avec notre environnement
Adopter la culture du numérique
Repenser les mécanismes de redistribution de la richesse
Conclusion : Il faut changer les règles du jeu
REMERCIEMENTS


AVANT-PROPOS

J’ai commencé la rédaction de cet essai parce que j’étais convaincue que plusieurs enjeux pourtant cruciaux pour l’avenir de notre société ne faisaient paradoxalement que rarement partie des grands débats qui animent la sphère publique. Persuadée que plusieurs de ces préoccupations passées sous silence auraient à terme une influence marquante sur l’évolution de notre organisation sociale, j’ai voulu prendre le temps d’en présenter l’essence. Cet essai est le résultat d’une multitude de conversations tenues avec des amis, collègues, collaborateurs et membres de ma famille, d’expériences personnelles et de celles de proches, d’écrits, de résultats de recherche et d’événements qui ont marqué la vie politique, ici comme ailleurs. J’espère que ces réflexions trouveront écho.
Je ne suis pas une spécialiste. Au contraire, j’ai la chance d’agir à l’intersection de plusieurs mondes : ceux des communications et des médias, des affaires, de la culture, de l’action communautaire et de la politique. Le fait que je fréquente divers milieux et que je confronte mes idées avec divers courants de pensée me permet d’être un témoin privilégié de l’évolution des intérêts et des préoccupations de l’heure. Cela me donne aussi l’occasion de croiser plusieurs informations qui, trop souvent, ne sont analysées que dans leur propre champ d’expertise.
La rédaction de ce livre a été entamée bien avant la campagne électorale de 2013, au cours de laquelle je me suis portée candidate à la mairie de Montréal. Ma réflexion n’est nullement partisane et ne s’inscrit absolument pas dans le prolongement de cette campagne. Elle se veut l’expression des valeurs profondes qui m’animent. Cet essai est plutôt l’aboutissement de plusieurs années d’implication sociale et de réflexion politique, notamment à travers le groupe que j’ai cofondé avec Stéphanie Raymond-Bougie et Paul St-Pierre Plamondon, Génération d’idées , et d’autres plateformes d’échanges d’idées dans lesquelles j’ai été engagée, telles que Sortie 13 et M-19 . Ces initiatives avaient toutes pour objectif d’offrir un lieu d’expression aux nouvelles générations dans l’espace public. Elles avaient également pour but de chercher à comprendre l’apathie et le désengagement politique des plus jeunes, et de stimuler leur participation aux débats.
Au fil de mes rencontres et de mes discussions des dernières années, il m’est apparu évident que bien des citoyens doutent non seulement du projet de société proposé par la classe politique actuelle, mais encore davantage de la capacité de l’État et des gouvernements à améliorer la société. Cela explique en partie l’absence d’intérêt, le cynisme et, chez certains, la frustration. Ainsi, plusieurs croient la classe politique incapable de trouver les solutions aux grands enjeux de notre siècle comme la dégradation de l’environnement, l’accès grandissant à l’information par la multiplication des sources et l’accroissement des inégalités. Pour ces personnes, l’État tel qu’on le connaît est voué à l’échec.
J’en suis donc venue à poser une hypothèse : et si l’État n’était plus le reflet des valeurs des individus qui composent la société qu’il régit ? Si le contexte dans lequel l’État-providence avait été développé était bien plus différent d’aujourd’hui qu’on ne le prétend ? Si l’État d’aujourd’hui n’était tout simplement pas capable de s’adapter aux défis qui nous guettent et que, de ce fait, le modèle existant en était devenu désuet ? Ne pourrait-on pas être plus heureux de vivre au sein d’une organisation politique qui reflète davantage les valeurs et les préoccupations de ses citoyens ? Ne pourrait-on pas s’engager davantage si nos chefs politiques innovaient et offraient de nouvelles façons de nous organiser collectivement ?
À mon avis, l’organisation d’une communauté et les gens qui la composent doivent être le reflet des valeurs et des façons de faire des individus eux-mêmes. Voilà pourquoi je me permets, bien humblement, de m’inspirer des réflexions de mes contemporains pour en extraire des solutions nouvelles aux grands enjeux de notre époque. L’exercice a donc pour objectif d’améliorer le bien-être des humains et, à terme, celui de nos communautés elles-mêmes.
Ce nouveau projet de société auquel je veux contribuer apparaît difficile à rédiger. Il semble flou, ardu à saisir. Ceux qui ont participé à la construction de l’État tel qu’on le connaît aujourd’hui tentent trop souvent de l’améliorer en se basant sur leurs références d’antan. Ils sont bien peu nombreux ceux qui osent s’en démarquer radicalement, sans doute parce qu’ils ont peur de perdre leurs acquis, d’intérêts ou d’idéologies. J’ai tenté de saisir les grands enjeux de notre époque, additionnés à nos valeurs et façons de faire, afin de proposer une approche ancrée dans la réalité d’aujourd’hui qui saura susciter l’action. La tâche est immense, soit. Les idées qui suivent ne constituent qu’un premier pas, qu’une ébauche, et il serai