DÉCRYPTER LA NOVLANGUE D'EMMANUEL MACRON ET DE L'ULTRALIBÉRALISME

Marc Weinstein

Description

La novlangue est une violence faite à la langue, à sa faculté de désigner des réalités et de dire des vérités sur les deux autres types de violence : les violences physiques faites aux corps humains par le complexe industriel, et les violences affectives faites aux sensibilités par la techno-économie (informatisation de la vie, surveillance sanitaire-Covid). Après une brève mise au point théorique sur la novlangue en général, l’ouvrage examine en particulier la novlangue d’Emmanuel Macron afin de pointer ses effets de chaos mental et de déchirer le voile qu’elle pose sur le réel et d’introduire, par l’exemple « présidentiel » concret, à la novlangue de l’ultralibéralisme qu’il représente depuis la seconde moitié des années 2010.

Informations

• Publié par: Studyrama Editions
• Date de parution: 01 janvier 2022
• Nombre de lectures: 5
• EAN13: 9782749552309
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

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Décrypter la novlangue d’Emmanuel Macron et de l’ultralibéralisme

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Décrypter la novlangue d’Emmanuel Macron et de l’ultralibéralisme

Marc Weinstein Proesseur de littérature et d’anthropologie à l’université d’Aix-Marseille

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DU MÊME AUTEUR

Tynianov ou la poéique de la relaivié, Presses de l’Université de Vincennes-Paris VIII, 1996. Mandelsam, un monde e sep poèmes pour y enrer, Institut d’Études Slaves, Paris, 2006. Mandelsam : jouer-combare, Paris, éd. Hermann, 2011. L’évoluion oaliaire de l’Occiden. Sacralié poliique 1, Paris, Éd. Hermann, 2015. Survivre en emps de bêise. L’abécédaire de la vie bonne, Bréal, Paris, 2016. Pas de sociéé sans auoranscendance, Sacralié poliique 2, Paris, Éd. du Croquant, 2020. Kaka devan l’immonde. Sacralié poliique 3, Paris, Éd. Hermann, 2021.

Édition : Myriam Pasek Correction : Marie-Noëlle Garnier Design et mise en page : Alain Béthune

© Bréal, mars 2022 Toute reproduction même partielle interdite ISBN 978-2-7495-5230-9

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L’efet le plus puissant ne ut pas produit par des discours isolés. Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions éparses, des tournures, des ormes syn- taxiques. […]. Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne aire aucun efet, et voilà qu’après quelque temps l’efet toxique se ait sentir. Le Troisième Reich n’a orgé, de son propre cru, qu’un très petit nombre des mots de sa langue. La langue nazie […] emprunte la plupart du temps aux Allemands d’avant Hitler. Victor Klemperer, LTI,La langue du Troisième Reich.

Comment anéantir la langue existante et construire à la place une langue nouvelle en l’espace de quelques années sans semer l’anarchie dans la vie sociale, sans risquer la désagrégation de la société ? Joseph Staline,Le Marxisme e les problèmes de la linguisique.

Privée de la discipline d’une pensée présente, la langue est aban- donnée à ses bas penchants : elle uira le concret, elle malmènera les mots. […]. La langue de bois [soviétique] ofre l’exemple d’une langue qui a divorcé avec la pensée, mais qui n’est pas morte des suites de cette rupture parce qu’elle a été maintenue artiicielle- ment en vie par un pouvoir totalitaire […]. Un parler enermé sur lui-même devient atalement sa propre parodie. Françoise Thom,La Langue de bois.

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Sommaire

Introduction.................................................................................................................... 7 Le noyau...................................................................................................................... 7 L’oligarchie populo-émotionnelle ............................................................................ 8 Mensonge ou double-pensée ? .................................................................................11

Chapitre 1 – La novaction............................................................................................ 15 Remonter de la novlangue à la novaction.............................................................. 16 La société dissociale, ou la novaction spatiale...................................................... 19 La novaction temporelle : illimitation et uite en avant ........................................ 25 Que ait la novlangue à la novaction ? ................................................................. 27 Novaction, jargon et novlangue.............................................................................. 32

Chapitre 2 – Le programme-novlangue de Macron avant le Covid...................... 37 Les principales usions des contraires.................................................................... 38 Les usions secondaires des contraires .................................................................. 50

Chapitre 3 – Lanovlangue-Covid de Macron............................................................ 71 Toile de ond ............................................................................................................. 71 La paix est la guerre, et la guerre est la paix .......................................................... 78 L’activité est la passivité, etvice versa.................................................................... 84 La liberté est la servitude, etvice versa.................................................................. 90 Le civisme est l’incivisme etvice versa(civisme, du latincivias, « cité », en grecpolis) ...................................................................................................... 93 L’économie illimitée est l’écologie limitée, etvice versa..................................... 107 La démocratie est l’autoritarisme, etvice versa.................................................. 108

Finir un peu et ouvrir beaucoup............................................................................... 113

Minimum bibliographique........................................................................................ 121

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Introduction

Le noyau Le titre de ce petit ouvrage pourrait induire en erreur : il ne s’agit pas ici de décrireouela novlangue d’Emmanuel Macron, laquelle est en réalité une variante condensée de la novlangue de l’ultralibéra- lisme gouvernemental et techno-économique. Notre objecti est beaucoup plus limité : il est d’analyser lenoyau de cette novlangue. Une novlangue se compose en efet d’un noyau central et d’une périphérie importante (ditejargonoulangue de bois) – selon une lo- gique qui veut que le noyau engendre la périphérie, qui souvent le dissimule. Cette structure – noyau et périphérie – est commune à toutes les novlangues : la stalinienne, la nazie et l’ultralibérale, ce qui ne signiie pas bien sûr que les trois novlangues soient identiques ni,a oriori, que les trois régimes soient assimilables les uns aux autres. Chacun a sa açon originale de détruire la culture et la nature : pour le dire de açon brève et imagée, le régime stalinien les détruit de manière monocolore rouge, le régime nazi les détruit en mono-couleur brune, le régime ultralibéral les détruit de açon multicolore (nos voitures et nos gadgets électroniques sont bleus, rouges, verts, jaunes, etc.). Qu’est-ce que le noyau d’une novlangue ? C’est le lieu où se produit la usion des contraires. Chez les nazis, « Le travail rend libre » (Arbei mach rei) ; cette célèbre inscription à l’entrée des camps de travail et d’extermination signiie que les deux contraires usionnent : l’escla- vage est la liberté, et la liberté est l’esclavage. De son côté, au beau

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milieu de la terreur des années 1930, lors de la première conérence pan-soviétique des ouvriers stakhanovistes du 17 novembre 1935, Staline annonce : « La vie est plus gaie » (ji’ salo veselee). Ce qui veut dire : la terreur est gaie, et la gaieté est terroriste. Chez Emmanuel Macron, les ormules usionnelles ne sont pas moins grossières mais, pour voir cette grossièreté, il aut l’extraire de la gangue syntaxique qui semble en efacer l’illogisme. Bre, il aut la mettre à nu.

L’oligarchie populo-émotionnelle Emmanuel Macron appartient à une lignée de présidents décom- plexés dont Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont ait partie avant lui. La dé-complexion est déjà présente, souve- nons-nous, chez Jacques Chirac qui, n’osant pas assumer la totalité de son industrialisme anti-écologique, y ajoute sans rire une pincée d’avertissement écologique : « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs » (sommet de la Terre, Johannesburg, 2002). Même chose chez Nicolas Sarkozy qui, pendant la campagne présidentielle de 2007, an- nonce avec un sérieux impeccable qu’il se sent « l’héritier de Jaurès » et qu’il veut « remettre au cœur de la vie politique rançaise les valeurs que la gauche a trahies ». En réalité, le caractère décomplexé – cynisme ? double-pensée ? – est chez ces hommes moins un caractère psychologique qu’un trait d’époque. C’est la marque d’un régime social et historique dont le anatisme croissant, en matière économique, technologique, éta- tique, prétend ignorer les grandes limites politiques, sociales, esthé- tiques, éthiques, écologiques, limites sans lesquelles la culture com- mune périclite et la société s’ensauvage. C’est pourquoi le nom de Macron ne doit pas être ici étichisé : il est plutôt à entendre comme le nom de toute une oligarchie gouvernementale et inancière plus

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