Déraison d Etat
402 pages
Français

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Description

Malgré sa dégénérescence au Nord, le capitalisme inégalitaire tire des milliards d'êtres humains du Sud du sous-développement. Mais la planète épuisée n'a plus les moyens de suivre cette voie. L'auteur relit Hegel, Proudhon, Henri Lefebvre, Bourdieu, Castoriadis, Onfray, Badiou, Laval, Dardot, Harribey... pour réenvisager les logiciels d'un après capitalisme viable.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2014
Nombre de lectures 13
EAN13 9782336352855
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Jean-Pierre Lefebvre ns contemporaines Q DÉRAISON D’ÉTAT Déshérence des villes
Questions contemporaines / Série Questions urbaines
Déraison d’Etat Déshérence des villes
Questionscontemporaines Série ‘Questions urbaines’ Dirigée par Bruno Péquignot La ville est au centre de la vie politique, économique et culturelle de la modernité. Cette série, dans le cadre de la collection « Questions Contemporaines » publie des ouvrages qui proposent des réflexions interdisciplinaires sur la ville. Dernières parutionsPaul VERMEYLEN,Le temps de la métropole. Agile, créative, solidaire, durable. Parcours en Europe,2014. Jérémy CANO,Mixité sociale et quartier durable : quelles affinités électives ?Le cas de la caserne de Bonne (Grenoble, France), 2013.Fabien VENON,Les Paroisses au défi de la postmodernité. L’archidiocèse de Montréal, 2013.Mouna M’HAMMEDI,Habitat de la bourgeoisie marocaine, 2013. Monique RICHTER,Un projet social pour les quartiers en renouvellement urbain, Le récit d’une expérience,2013.
Jean-Pierre Lefebvre DERAISON D’ETATDéshérence des villesL’Harmattan
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-03599-4 EAN : 9782343035994
Introduction
 A l’orée de ma vie, la France était au fond du gouffre et j’avais faim. Ses généraux l’avaient trahie, ses élites bourgeoises ne songeaient qu’à se venger de 1936, Pétain dissolvait les institutions républicaines, un capitaine nazi occupait la chambre de mon père, prisonnier pour de longes années en Allemagne. A la fin de ma vie, je n’ai plus faim et nous avons un formidable réseau d’autoroute, 30 000 ronds points, des grands ensembles inguérissables, des hypermarchés qui ont tué la ville, un océan pavillonnaire, des télés et un Internet pourris par la pub, 10 % de chômeurs, jamais autant de millionnaires mais des déficits dans tous les secteurs de l’Etat, la corruption un peu partout. Mes enfants sont touchés par la crise. Mes petits enfants s’expatrient. L’Allemagne dicte l’essentiel de notre politique. Un ectoplasme normal est le président inconsistant, l’extrême-droite, héritière de Pétain, pèse 40 % dans les sondages et se prépare à gagner en 2017 avec les débris de l’UMP ! Vision noircie ? A peine !
Eternel retour du mêmeeût dit Nietzsche. Sauf que… la doxa stalino-maoïste s’étant effondrée, les immensités ex-coloniales s’apprêtent à dominer l’économie mondiale. Si, grâce au capitalisme, 30 % de leurs millions d’êtres humains vivent mieux, les inacceptables misères, inégalités et oppressions continuent de sévir en dépit du formidable bond en avant des forces productives. Le prolétariat n’a jamais été aussi nombreux sur la planète, les millionnaires non plus : la scission de classe se polarise comme jamais. Nouvelle impuissance capitaliste
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après deux guerres et deux crises économiques mondiales, c’est la survie sur Terre qui est désormais menacée par la poursuite d’une croissance aveugle. La baisse tendancielle du taux de profit, conséquence inévitable de la mécanisation-automation, conduit la finance toute-puissante à fuir en avant dans les bulles spéculatives ou escroques au risque d’une explosion catastrophique du système financier mondial. L’aliénation marchande règne comme jamais sur les consciences, minant les immenses possibilités d’épanouissement de tous dans la rationalité démocratique, le mieux vivre et la spiritualité solidaire.  La crise est ouverte, les riches s’enrichissent comme jamais : le e même gouffre qu’au début du 19 siècle sépare la majorité des pauvres de l’infime minorité détentrice du patrimoine (Pinketti). Les couches moyennes, inquiètes de la crise, bénéficient encore d’un niveau de vie enviable. Leur aliénation les empêche cependant de voir le désastre urbain dans lequel ce système mercantile les fait vivre. Préludant l’effondrement écologique, l’urbanisation dévaste à grands pas la planète, chacun se réfugie dans l’autisme de l’allergie aux autres, enclos dans ses bulles, son pavillon, son auto, son SMS et son portable, anéanti par les assauts obscènes d’une publicité inexorable. Après l’effondrement des dictatures de la classe bureaucratique et communiste, les idéologues de droite se sont rués : selon eux Marx et son mouvement mondial se seraient totalement fourvoyés. Pire, l’origine de tous les malheurs contemporains serait à découvrir dans les avancées de la raison, de Descartes aux Lumières, selon l’antienne du grand philosophe nazi du siècle, Heidegger, dont la broussaille phénoménologique et absconse a été célébrée voire pillée par nombre de mandarins de gauche en quête de percée médiatique (Sartre en tête), ce qui explique pour une part l’éternel retour de la bête immonde. Malgré le déferlement de la pensée hyperlibérale selon laquelle la démocratie parfaite serait réalisée par le marché « sans contrainte », selon la liberté du renard de dévaster le poulailler, le plus étonnant est sans doute la vivacité d’une critique de la mondialisation dont le foisonnement peut désarmer, tant, dans ce climat de défaite, les héritages théoriques du mouvement social n’en finissent pas de diverger, de s’opposer, voire de se scléroser entre transfuges communistes de énième génération, trotskystes aux multiples obédiences, anarchistes, debordiens masqués, castoriadistes ulcérés, althussériens enroués, réformistes liquéfiés, écologistes récupérés, autogestionnaires paumés dans la micronisation ou les monnaies
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parallèles, zélateurs des services publics, cet autre nom donné aux appareils d’état du capitalisme, etc. Personne ne va verser des larmes sur l’évanescence du parti de Georges Marchais qui, jusqu’au dernier matin de 1989, ânonnait stupidement lecaractère globalement positif du « socialisme » de l’Est et qui, célébrant encore à l’occasion le régime famélique et policier de Cuba, proclame dans ses tracts de 2013 :Le service public (lisez la bureaucratie)n’est pas le problème c’est la solution,incommensurable stupidité. Ou bien encore :Les SP sont des éléments de notre projet de société, dansl’Humanité14 du juillet ! 1871, 1968, 1989 ? Oubliés, gommés ! Il est proprement aberrant, mise à part la timide lueur d’espoir du Front de gauche, que l’essentiel de la contestation ouvrière de la capitulation sociale-démocrate soit raflé électoralement par les rejetons de la bête immonde, fussent-ils camouflés en bonne mère grand bleu marine. Eric Toussaint produit une critique pertinente de l’économie européenne dans une conférence à Haïti (Internet 3/12/13) : les remèdes dictés par l’oligarchie visent à écraser le salariat et conduisent à l’aggravation des dettes et du recul économique des économies les plus faibles donc à l’aggravation de la crise. Il manque cependant un second volet à cette radiographie très exacte, les moyens de porter ces économies retardataires au niveau de réussite de l’Europe du Nord, rationalité de l’Etat, compétitivité, qualité de l’enseignement, automation, etc., sans ce second volet incontournable, on reste dans le rêve ; l’aberration d’une sortie de l’Euro comme panacée n’apporterait rien qu’une aggravation de la catastrophe, au mieux, une inflation encouragée par la BCE serait une autre génératrice de misère, avec ce palliatif à la pression directe sur les niveaux de vie par la précarité décidée d’en haut, la méthode change, plus hypocrite mais son résultat serait le même : les pauvres devraient payer pour sauver les riches ! Les USA peuvent user de la planche à billet parce que c’est le reste du monde qui finance leurs énormes déficits grâce au rôle du dollar comme monnaie de référence. Cela leur permet même de dépouiller la France anémiée de son fleuron d’Alsthom, grâce à la filouterie du principal actionnaire, Bouygues, qui ne survit que du pillage des fonds étatiques. L’ambition devrait être de plus haut niveau, plus difficile : celle d’une autogestion, d’un dépérissement de l’Etat assortis d’une gouvernance rigoureuse, ce qui tourne le dos à une partie des cautères de Toussaint : le sempiternel renforcement des services publics, la fâcheuse nationalisation des
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