Entre peuple et élite, le populisme de droite
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Description

Longtemps associé à un phénomène en marge de la politique européenne ou à l’instabilité de régimes présidentiels de l’Amérique latine, le populisme est maintenant indissociable de l’actualité politique : le Brexit, l’élection de Donald Trump à la présidence américaine en 2016, celle de Bolsonaro au Brésil en 2018 ou d’Orban en Hongrie en 2014 et 2018, en sont des exemples. Même si les chercheurs ne s’entendent pas sur l’articulation du populisme avec d’autres phénomènes politiques – autoritarisme, nationalisme ou fascisme –, plusieurs conviennent qu’il est en vogue en particulier dans des milieux non pas nécessairement moins fortunés, mais certainement moins éduqués, en région plutôt qu’en milieu urbain et chez les hommes plutôt que chez les femmes. Enfin, cette idéologie semble mettre en scène une opposition d’ordre moral entre « le peuple » et « les élites » et dévalorise, à gauche comme à droite, l’expertise au profit de la revendication d’un accès spontané à une vérité fortement dérivée des émotions, de l’intuition et du ressenti.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2021
Nombre de lectures 6
EAN13 9782760644601
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Frédérick Guillaume Dufour avec la collaboration de François Tanguay
Entre peuple et élite, le populisme de droite
Les Presses de l’Université de Montréal



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Entre peuple et élite, le populisme de droite / Frédérick Guillaume Dufour. Nom: Dufour, Frédérick Guillaume, 1975- auteur. Description: Mention de collection: Le monde en poche | Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210052503 | Canadiana (livre numérique) 20210052511 | ISBN 9782760644588 | ISBN 9782760644595 (PDF) | ISBN 9782760644601 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Populisme. | RVM: Droite (Science politique) Classification: LCC JC423.D84 2021 | CDD 320.56/62—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 3 e trimestre 2021 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2020. www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).





Introduction
Depuis les années 1980, plusieurs pays, particulièrement en Europe, sont aux prises avec la montée de partis populistes. Initialement présents notamment en France, au Danemark, en Norvège et en Autriche, ces partis ont lentement réussi à s’établir dans plusieurs démocraties européennes depuis les années 1990. Désormais bien implantée, la droite populiste y maintient ses appuis d’une élection à l’autre. Au début, plusieurs voyaient dans ces partis des révoltes passagères, des anomalies électorales destinées à disparaître rapidement. Les choses se sont passées autrement. À partir du milieu des années 2000, ils remportent toujours plus de voix aux scrutins électoraux, doublant presque leurs scores entre 2004 et 2010 à l’échelle de l’Europe, une hausse qui s’est consolidée depuis. Aujourd’hui, la droite populiste récolte environ 15% des suffrages sur le continent. Là où elle n’est pas au pouvoir, comme en Hongrie ou en Suisse, elle brigue la balance du pouvoir et bénéficie d’une capacité importante à influencer le calendrier politique, de façon parfois radicale, comme l’a montré le Brexit.
Longtemps associé à la politique européenne ou encore à l’instabilité de régimes présidentiels inégalitaires en Amérique latine, le populisme de droite suscite de nos jours un intérêt élargi à l’échelle de la planète. La défaite de Trump en 2020 ne doit pas faire oublier qu’il a cette année-là conquis plus d’électeurs que l’année de sa victoire présidentielle. La base sociale du trumpisme est donc loin d’être disparue et, malgré cette défaite subséquente, l’élection de Trump en 2016 marque un tournant dans l’histoire politique récente, qui a vu le populisme de droite propulsé de la périphérie vers le centre des débats politiques et savants.
L’étude sociopolitique du populisme de droite est donc plus que jamais d’actualité. Dans ce cadre, son essor s’articule désormais avec la démocratisation et la dé-démocratisation, les dérèglements climatiques, la géopolitique, la sociologie des sciences, les croyances et les conspirations, le nationalisme et le racisme. Cette place accrue du populisme en politique suscite de nombreuses questions: qui vote pour les populistes? Le populisme est-il synonyme de démagogie, d’autoritarisme, d’une détérioration de la démocratie et de l’État de droit, ou peut-on le considérer comme un correctif nécessaire aux dysfonctionnements de ce dernier? Par ailleurs, en quoi la prise du pouvoir par des formations populistes se répercute-t-elle sur les droits des femmes et des minorités?



Peut-on ainsi dresser un état de la recherche sur cet objet et avancer des pistes de réflexion pour comprendre sa montée en puissance? On trouve un élément d’explication dans l’opposition d’ordre moral que met en scène le populisme entre «le peuple» et «les élites». À gauche comme à droite, il dévalorise systématiquement l’expertise au profit de la revendication d’un accès spontané à une vérité fortement teintée d’émotion, d’intuition et de sentiment. Si l’articulation du populisme avec d’autres phénomènes politiques comme l’autoritarisme, le nationalisme ou le fascisme ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs, pour plusieurs, c’est une idéologie qui trouve particulièrement preneur dans des milieux non pas nécessairement moins fortunés, mais moins éduqués, ou moins nantis en capital scolaire, symbolique et culturel. Ses assises sont généralement plus solides hors des centres urbains, les hommes y sont plus sensibles que les femmes, et les milieux évangéliques semblent également un terrain fertile à l’adhésion aux politiques de ces formations. Qu’en est-il exactement?


Définition du populisme de droite
Un concept doit permettre de cerner un phénomène et de le distinguer de phénomènes avec lesquels il partage un air de famille. Ce n’est pas toujours facile dans l’univers mouvant des questions sociales et politiques où le sens des mots est un enjeu de lutte en soi. Comme plusieurs des notions mobilisées par les sciences sociales, celle de populisme connaît une carrière prospère dans les médias et en politique. Certains l’emploient pour décrire un style politique non conventionnel, d’autres s’en servent pour qualifier le recours à des arguments qu’ils estiment démagogiques ou simplistes. Des acteurs, à gauche comme à droite, ont cherché à récupérer le terme et à en inverser le stigmate dans le but de se présenter comme les authentiques porte-parole du «peuple». Par exemple, Steve Bannon, l’ancien stratège de Donald Trump, ira jusqu’à embrasser l’accusation de «raciste» formulée à son endroit. Devant des partisans du Rassemblement national, en mars 2018, il invitera ceux-ci à porter cette épithète comme un «badge d’honneur». En désa­morçant de telles critiques, les populistes de droite devancent souvent leurs adversaires. Quand ces derniers leur font la morale, ils se délectent de ces leçons de bienséance, parce qu’ils savent pertinemment qu’elles horripilent leur base. Lorsqu’ils se font traiter de haut par des universitaires offensés, ils marquent des points. Lorsqu’ils se font ridiculiser, ils s’assurent que leur base a bien mesuré le mépris dont elle est l’objet. Ils marquent à nouveau des points. Nonobstant ce jeu politique autour du terme mobilisé, de quoi parle-t-on exactement?
Avant de cibler le populisme de droite, on peut chercher à formuler une définition générale relativement consensuelle du populisme. Suivant le politologue Cas Mudde, le populisme est une «idéologie peu substantielle» qui fusionne avec d’autres idéologies comme le nationalisme ou le socialisme pour se donner un contenu plus riche. Cette idéologie considère la société comme séparée en deux groupes homogènes et antagonistes, le «peuple pur» et l’«élite corrompue», la politique devant exprimer la volonté générale du peuple. Elle cadre la politique à travers un prisme moral et opère donc une polarisation selon laquelle le «peuple», considéré comme pur et unifié, est en guerre avec une «élite», présumée corrompue. Que ces convic­tions soient comprises comme formant une idéologie en soi ou comme une simple stratégie de mobilisation change peu de choses au modus operandi du popu­lisme. Ce qu’il convient de bien saisir, c’est que le populisme génère un cloisonnement social entre les membres du «peuple» et ceux de l’«élite», et que ce cloisonnement est d’abord moral plutôt qu’ethnique ou socioéconomique.
Dans ce cadrage, la catégorie «l’élite» est un signi­fiant vide opposé au «peuple». La notion d’«élite» est intentionnellement vague dans la langue politique populiste. Faire partie de l’«élite» ou des «élites» ren­voie au fait d’être corrompu, de dissimuler ses intérêts, de chercher à tromper la population, et d’accepter des compromis dérogeant de ce que le sociologue Max Weber qualifie d’une éthique de la conviction, soit une éthique qui valorise l’action en soi, sans se soucier des conséquences des actions. Il s’agit d’un cadrage moral de la politique parce que la source de cette corruption est assimilée au champ politique même. Pour les populistes, l’«élite» désigne ce qui mine la volonté générale, comprise comme la souveraineté d’un peuple conçu comme homogène et indivisible. Toutes les dénonciations de la corruption ne sont pas populistes, mais c’est plutôt la représentation selon laquelle la politique serait en soi un domaine corrupteur qui est populiste. Parce que nous insistons sur l’importance du clivage moral mis en avant par les acteurs et sur la conception de la politique comme un univers qui cor­rompt, notre définition sociopolitique du populisme est plus exigeante que certaines. Contrairement aux analystes qui définissent le populisme seulement comme un style ou une forme de communication politique, ce qui les conduit à reconnaître plusieurs régimes ou mouvements comme des tenants de cette pensée, notre définition, a contrario , nous amènera à reconnaître moins de régimes ou de mouvements comme populistes.
La catégorie «peuple», elle, désigne un ensemble pur, un paradis d’avant la chute engendrée par la politique. Le peuple des populistes est un lieu d’enracinement, d’authenticité et de moralité en opposition aux élites dites déracinées, corrompues et égoïstes. L’idée de l’unité organique de ce peuple est essentielle aux populistes. Elle est la pierre d’assise de leur opposition au pluralisme des sociétés libérales et à la division constitutionnelle des pouvoirs. Le peuple ici également est un signifiant vide auquel les populistes attribuent un contenu qui varie en fonction des circonstances. Sur le plan philosophique, toutefois, il est compris comme le berceau de la souveraineté en opposition aux institutions clivantes de l’État de droit libéral.
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