Idéologies et polarisation aux États-Unis
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Idéologies et polarisation aux États-Unis , livre ebook

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Description

Au confluent de la culture et de l’économie, de l’individu et de la société, les idéologies fournissent des cartographies plus ou moins poreuses pour naviguer entre la vie sociale et la vie politique. Au lieu d’attribuer des préférences immuables à des sujets rationnels, l’étude de l’idéologie s’attarde à la manière dont les idées se forment et évoluent, mais aussi au rôle qu’y jouent l’affect et les contextes social, économique et culturel.
Ce livre jette un regard sur l’extrême polarisation culturelle et politique qui frappe les États-Unis ainsi que sur les transformations importantes du siècle dernier en accordant une attention particulière à deux situations tenaces : les inégalités socioéconomiques et le racisme. Affaiblissement de la démocratie, préjugés systématiques contre les personnes racisées et les pauvres, schisme entre les élites et la population ou entre les électorats républicain et démocrate sont autant de phénomènes qu’on peut voir à travers le prisme des idéologies politiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 novembre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760645066
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Philippe Fournier
Idéologies et polarisation aux États-­Unis
Les Presses de l’Université de Montréal




Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Idéologies et polarisation aux États-Unis / Philippe Fournier. Noms: Fournier, Philippe, 1978- auteur. Description: Mention de collection: Collection Le monde en poche | Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210063386 | Canadiana (livre numérique) 20210063394 | ISBN 9782760645042 | ISBN 9782760645059 (PDF) | ISBN 9782760645066 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: États-Unis—Politique et ­gouvernement. | RVM: États-Unis—Conditions sociales. | RVM: États-Unis—Conditions économiques. | RVM: Idées politiques—États-Unis. | RVM: Opinion publique—États-Unis. | RVM: Polarisation collective—États-Unis. | RVM: Changement social—États-Unis. Classification: LCC JK31.F68 2021 | CDD 320 .50973—dc23 Mise en pages: Chantal Poisson Dépôt légal: 4 e trimestre 2021 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2021. www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).




Introduction
Le 6 janvier 2021, des milliers de partisans de Donald Trump ont pris d’assaut le Capitole. Galvanisée par les déclarations du président sortant, qui a répété que l’élection lui avait été volée à de multiples reprises, une poignée d’émeutiers a réussi à s’introduire dans l’antre de la démocratie étatsunienne, vandalisant des bureaux, menaçant des élus et causant la mort de quatre d’entre eux en plus d’un policier. Le monde entier a assisté à ces scènes avec effroi et consternation. Au-­delà de l’incompétence des services de sécurité sur les lieux ce jour-­là, comment se fait-­il qu’un tel événement ait pu se produire dans la plus vieille démocratie du monde? Nous écartons d’emblée l’idée que ces dérives sont l’affaire d’un seul homme. Si Donald Trump représente un cas atypique à bien des égards, nous considérons qu’il représente plus un symptôme qu’un accident de parcours.
À défaut de s’inscrire dans l’étude du comportement électoral, des acteurs bureaucratiques ou de la personnalité des chefs d’État, l’essai présenté ici analyse les idéologies. Au confluent de la culture et de l’économie, de l’individu et de la société, les idéologies fournissent une cartographie plus ou moins perméable pour s’orienter dans la vie sociale et politique. Au lieu d’établir des préférences fixes au regard de sujets rationnels, les études sur les idéologies s’attardent à la manière dont les idées se forment et évoluent, à leur appropriation par les uns et les autres, mais aussi au rôle de l’affect et du contexte social, économique et culturel venant modeler la perception des idées.
Cette approche nous offre une perspective différente sur l’extrême polarisation culturelle et politique qui frappe les États-­Unis.
Les idéologies se déclinent communément sur l’axe droite-­gauche. S’il semble hasardeux de s’en tenir à une définition étroite de ces deux termes, on peut affirmer qu’aux États-­Unis, la gauche est généralement mieux disposée que la droite à l’égard du maintien des services publics, de l’interventionnisme étatique et de la reconnaissance des droits des minorités. Bien que l’on puisse assimiler la gauche au Parti démocrate et la droite au Parti républicain, certains courants idéologiques entretiennent une relation ambivalente, parfois même hostile, avec la formation politique à laquelle ils s’associent. Les deux grandes formations du pays, les démocrates et les républicains, sont avant tout des partis de coalition, et doivent composer avec de multiples tensions et contradictions plus ou moins vives selon le contexte.


Aux origines de la polarisation
Une contextualisation historique s’impose pour illustrer les divisions qui traversent la société étatsunienne. La réaction conservatrice à la construction de l’État providence dans les années 1930, l’anticommunisme virulent de la Guerre froide, l’émergence d’un schisme culturel béant à partir des années 1960, l’érosion du lien de confiance entre la population et les élus après le scandale du Watergate, la montée en force d’une élite entrepreneuriale et financière dans les années 1970, la grande reconfiguration néolibérale et l’explosion de l’État carcéral dans les années 1980, l’intensification de la guerre culturelle et des réformes néolibérales dans les années 1990, les dérives sécuritaires des années 2000 et la crise financière de 2007-2008, constituent les principaux marqueurs de cette contextualisation.
La naissance de l’État-­providence
L’instauration du New Deal à la suite du krach boursier d’octobre 1929 est le résultat de nombreuses mobilisations ouvrières et populaires, mais aussi d’un refus généralisé du capitalisme de monopole et de la spéculation financière débridée. Franklin Delano Roosevelt, élu à la présidence en 1932, fait écho aux préoccupations de la population et propose des mesures ambitieuses pour venir en aide à des dizaines de millions d’Étatsuniens durement frappés par le chômage et la pauvreté. Son programme, qui s’échelonne sur cinq ans, se décline en trois points, soit l’aide sociale, la reprise et la réforme. Le New Deal comprend, entre autres mesures, une hausse conséquente du taux d’imposition sur les grandes fortunes, des investissements importants dans les infrastructures, des mesures favorables aux syndicats et une panoplie de programmes sociaux, dont plusieurs sont toujours en vigueur aujourd’hui.
La mise en place de ces réformes va de pair avec l’augmentation des capacités et des ressources de l’État, jusque-­là peu outillé pour réguler l’économie et gérer des programmes ayant une portée nationale. À l’issue de ces transformations, l’État fédéral est désormais plus fort, dirigiste et centralisé, sous l’influence d’une armée de nouveaux fonctionnaires animés par le désir de moderniser le pays. Ces changements ne font pas l’affaire de tout le monde. Plusieurs intellectuels conservateurs sont hostiles à l’ingénierie sociale et se plaisent à rappeler que le pays a été bâti par des communautés et des individus indépendants et résilients et non par un gouvernement planificateur qui façonne les citoyens selon des standards fixés à l’avance.
Le New Deal est né d’une vaste et fragile coalition entre les syndicats, les démocrates blancs du Sud, les catholiques, les élites urbaines, les intellectuels et les libéraux progressistes. Ayant besoin du soutien des démocrates du Sud, toujours sous l’emprise des lois Jim Crow qui officialisent la ségrégation, Roosevelt évacue la question raciale et choisit de se concentrer sur les clivages socioéconomiques.
À plusieurs égards, le New Deal a donné un second souffle au capitalisme étatsunien, dont les contradictions avaient été mises en relief de manière éclatante lors de la crise de 1929. En revanche, la place réservée à l’État dans l’effort pour redistribuer la richesse et élargir les services à la population, si modeste soit-­elle comparée à d’autres pays occidentaux, a nourri les critiques des conservateurs. Quelques-­uns d’entre eux, comme James Burnham, ont entrevu dans la bureaucratisation de l’État un glissement vers le fascisme et le communisme.
Les partisans de l’interventionnisme étatique, qu’on retrouve le plus souvent du côté démocrate, doivent donc prendre soin de désavouer le communisme, sans quoi ils s’exposent à l’ire des conservateurs mais aussi d’une opinion publique de plus en plus anxieuse face à l’Union soviétique et l’expansion du communisme dans le monde. Les craintes d’une partie de la population contribueront à rationaliser des interventions à l’étranger, comme la guerre déclarée au Vietnam, qui seront au centre de vifs débats publics. Le pouvoir exécutif puisera ponctuellement dans ce registre pour tenter de détourner le regard d’une situation embarrassante ou d’unifier un pays morcelé. Si les visages de l’ennemi changent (minorités à l’intérieur du pays, communistes, terroristes islamistes, dictateurs, immigrants illégaux, empire commercial chinois, etc.), les ressorts discursifs demeurent les mêmes. L’instrumentalisation ponctuelle de cette anxiété sera l’apanage de la classe politique dans son ensemble, mais elle sera particulièrement prononcée chez les politiciens conservateurs.
Les grands bouleversements
Si les années 1930 marquent la formation d’une contre-­réaction conservatrice, les années 1960 voient l’émergence ou la renaissance de dynamiques et clivages à la fois politiques, économiques et culturels. En effet, les années 1960 sont le théâtre de bouleversements majeurs qui vont façonner la trajectoire du pays jusqu’à nos jours. Le mouvement pour les droits civils, les manifestations contre la guerre du Vietnam et le racisme, les expériences contre-­culturelles, l’érosion de la cellule familiale et l’effritement du sentiment religieux vont profondément déstabiliser et transformer la société étatsunienne.
Dans la foulée de ces expressions politiques et culturelles, les administrations démocrates de John F. Kennedy et Lyndon B. Johnson vont amorcer d’importantes réformes. À la faveur de projets structurants comme celui de la Great Society , Johnson mobilise l’État fédéral pour lutter contre la pauvreté et la discrimination, élargir la couverture santé et améliorer l’accès à l’éducation. L’administration Johnson donne naissance à des programmes phares comme Medicare et Medicaid . Johnson mène aussi la guerre contre la pauvreté en créant des programmes de préparation à l’emploi qui bénéficient surtout aux minorités visibles.
Ces initiatives ambitieuses et coûteuses s’ajoutent aux dépenses considérables liées à l’effort de guerre au Vietnam, qui va

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