Le conflit de Tchétchénie
156 pages
Français

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Le conflit de Tchétchénie , livre ebook

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Description

De tous les peuples du Caucase, c'est le peuple tchétchène qui a livré depuis la fin du XVIIIe siècle à nos jours l'opposition armée la plus âpre et la plus résolue à l'occupation de son pays par la Russie. Pourtant, l'idée de l'indépendance tchétchène est restée lettre morte et le conflit s'éternise. Tout en dénonçant la brutalité de l'intervention russe, les puissances ont réaffirmé l'intégrité territoriale de la Russie dans le Nord caucasien, ne suggérant pour les Tchétchènes qu'un statut d'autonomie dans le contexte de la fédération de Russie.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2006
Nombre de lectures 294
EAN13 9782336274164
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan 1@wanadoo.fr
© L’Harmattan, 2006
9782296001169
EAN : 9782296001169
Le conflit de Tchétchénie

Romain Yakemtchouk

Sommaire
Page de Copyright Page de titre 1. L’expansion territoriale de la Russie vers le Caucase 2. La résistance des montagnards. La personnalité de l’imam Chamil 3. Le règne de la Russie impériale 4. La Révolution d’Octobre. La Tchétchénie sous le régime soviétique 5. La résistance des montagnards islamistes 6. La Seconde Guerre mondiale. La collaboration avec les Allemands 7. La suppression de la République tchétchéno-ingouche. Les déportations. La réhabilitation des peuples déportés 8. Chamil : un héros national ou un réactionnaire islamiste féodal ? 9. La Tchétchénie proclame son indépendance 10. Hésitations de Moscou. Les intérêts russes en Tchétchénie 11. L’intervention militaire de la Russie 12. L’Europe face au conflit russo-tchétchène 13. Les affres de la guerre. L’impact des considérations de politique intérieure russe. L’accord de paix Lebed-Maskhadov 14. Un Etat islamique tchétchéno-daghestanais ? La seconde intervention militaire de la Russie. Moscou impose un gouvernement tchétchène pro-russe 15. Les réactions euro-américaines 16. Ni paix ni guerre en Tchétchénie. Le drame de Beslan et sa condamnation. La mort de Maskhadov 17. La condamnation de la Russie par la Cour européenne des droits de l’homme En guise de conclusion L’Europe à l’Harmattan
1. L’expansion territoriale de la Russie vers le Caucase
La traditionnelle poussée de la Russie vers le Sud et vers le Caucase s’inscrivait dans sa politique visant à étendre ses possessions côtières de la mer Caspienne et de la mer Noire et réunir ensuite les territoires situés entre ces deux acquisitions maritimes. Cette pression vers les mers et les terres du Sud débuta à la suite de la prise de Kazan en 1552 et la conquête du khanat d’Astrakhan en 1556 : peu à peu, les frontières de la Russie ont été portées jusqu’au fleuve Terek où l’armée russe édifia des fortifications pour se défendre contre les incursions ennemies. L’avance des troupes fut suivie par des colons armés - les Cosaques de Terek - qui constituaient l’arrière-garde soutenant les forces expéditionnaires. A la longue, on s’efforçait de mettre en valeur de vastes étendues de steppes restées pour la plupart inoccupées, ou vaguement peuplées par des tribus tatares, en y installant des agriculteurs venus du nord du pays ou de l’Ukraine voisine. Cette expansion territoriale et cette colonisation du Caucase sont devenues une « constante de l’histoire russe » : elles connaissaient des périodes d’alternances, s’amplifiant surtout lorsque l’Empire était dirigé par un pouvoir fort 1 . Bien entendu, cela n’allait pas sans heurts : déjà en 1594 et en 1604-1605, les Russes ont dû engager deux expéditions militaires afin de mater les insurrections au Daghestan.

Sous Pierre le Grand, la Russie accentua sa poussée vers le Sud : en effet, la pénétration dans ces régions des féodaux de la Perse et de la Turquie contrecarrait les intérêts de la Russie. Cette dernière pouvait compter sur l’appui de certains dirigeants locaux qui s’insurgeaient contre la domination des Perses et des Turcs, lesquels par ailleurs se combattaient mutuellement. Dès la fin de la guerre du Nord contre les Suédois, Pierre le Grand engagea la campagne contre la Perse (1722-1723) : les forces russes ont occupé tout le littoral occidental de la mer Caspienne, avec la forteresse de Derbent (au Daghestan musulman) et la ville de Bakou (Azerbaïdjan) ; lors de cette guerre contre l’Iran, Pierre le Grand séjourna quelque temps en Tchétchénie. Néanmoins, en vertu des accords russo-iraniens de 1732 et de 1735, ces territoires retournèrent pour un certain temps à l’Iran, la frontière méridionale de la Russie longeant le fleuve Terek où l’armée russe a mis en place les forteresses de Kizliar (1735) et de Mozdok (1763).

Sous le règne de Cathérine II (1762-1796), les troupes russes ont franchi en 1772 le versant méridional du Caucase ; après la guerre russo-turque de 1768-1774, la Russie s’est vue confirmer la possession de la Kabardie ; en 1784 fut fondée Vladikavkaz (actuelle Ossétie du Nord). Le fleuve Eya et plus tard le fleuve Kouban formèrent la frontière de la Russie au Caucase nord-ouest. Là aussi, l’armée pouvait compter sur l’appui très efficace des Cosaques de cette région. Une ligne de fortifications fut progressivement érigée pour protéger les conquêtes caucasiennes et défendre les populations de Stavropol et de Kouban : reliant la mer d’Azov et la mer Noire à la mer Caspienne, elle s’étendait à près d’un millier de kilomètres.

En 1785, une insurrection éclata contre la colonisation russe en Tchétchénie : l’armée du tsar engagea un puissant détachement pour combattre les insurgés dirigés par le cheik Mansour, mais les Russes ont été sévèrement battus par ce dernier. Néanmoins, Mansour n’ayant pas été suffisamment soutenu par d’autres dirigeants daghestanais, en 1791 les Russes ont fini par vaincre les insurgés. Mansour s’est réfugié, et s’est allié aux Turcs pour continuer son combat contre la Russie.

La conquête du Caucase fut poursuivie par les successeurs de la tsarine : passée sous le protectorat de la Russie par le traité de 1783, la Géorgie fut annexée par son grand voisin en 1801, et l’Azerbaïdjan entre 1803 et 1813. La fin des guerres napoléoniennes en Europe et la guerre victorieuse contre la Turquie et l’Iran en 1813 ont permis à la Russie de reprendre son expansion dans le Caucase : franchissant les fleuves Kouban et Terek, l’armée russe, activement soutenue et suivie par les cosaques établis dans cette région, se lança en automne 1817 à la conquête des terres nord-caucasiennes. Fortes de 56 000 hommes, les forces russes ont été placées sous le commandement du général Alexeï Ermolov, héros de la guerre contre Napoléon, ancien chef d’état major de Koutouzov et protégé du tsar Alexandre 1 er .

Or la résistance tenace des montagnards caucasiens allait freiner considérablement l’expansionnisme de l’Empire tsariste : pour les soumettre, les Russes devront mener une longue et pénible «guerre du Caucase » (1817-1864) - la plus longue guerre dans l’histoire de la Russie - qui leur causa de lourdes pertes en hommes et en matériel. Bénéficiant d’un relief géographique favorable, difficilement accessible aux envahisseurs, des soulèvements des montagnards musulmans contre l’implantation des « infidèles » russes dans le Caucase septentrional ont éclaté dans le Daghestan septentrional (1823), en Abkhazie (1824), en Tchétchénie et en Kabardinie (1825), ainsi qu’en Ossétie du Nord (1830).

Evitant d’engager directement les grandes batailles avec les combattants caucasiens, le général Ermolov opta pour une progression lente mais méthodique de ses troupes, visant à conquérir des aouls (villages montagnards) un par un, afin de réduire ainsi l’espace vital des habitants. En luttant ainsi contre les « brigands tchétchènes », les hommes d’Ermolov brûlaient leurs habitations, détruisaient les vivres et les récoltes, abattaient le bétail, tuaient les résistants, ainsi que tous ceux qui ne parvenaient pas à s’enfuir. Dans un de ses rapports à l’empereur relatif à la prise de la localité Dadan-Yourt sur Terek, le général signalait que les populations résistaient à l’assaut de l’armée, « avec la plus grande témérité, et luttaient jusqu’au dernier. Nous devions prendre chaque maison à la baïonnette. Armées de couteaux, les femmes se jetaient sur les soldats. La bataille se prolongeant toute une journée, nous avons fini par massacrer tous les combattants mâles, mais aussi un bon nombre de femmes et d’enfants ». Le calcul du despote russe consistait à faire quitter les populations de la plaine agricole et à les renflouer dans les montagnes où elles allaient périr de faim et de froid. Il arrivait qu’avant de lancer l’assaut sur un aoul, les Russes prenaient des otages devant servir de garantie qu’il n’y aura pas de résistance armée : en cas de sa réapparition, les otages étaient déportés en Sibérie. L’armée allait également recruter des auxiliaires locaux, une « milice tchétchène » destinée à assurer l’ordre dans les régions conquises, mais son comportement était aussi cruel que celui de la soldatesque russe. En même temps, Ermolov engagea une action para-politique visant à diviser les notables montagnards, en proposant aux khans et aux sultans de la région des dotations financières, voire des postes honorifiques dans l’administration de l’Emp

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