Le développement de l Islam politique en Turquie
282 pages
Français

Le développement de l'Islam politique en Turquie , livre ebook

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Description

La Turquie connaît depuis plusieurs décennies un développement de l'islamisme politique, à l'instar de la plupart des pays de tradition musulmane. Dans quel contexte l'islam a-t-il pu accéder au pouvoir dans un pays constitutionnellement laïc ? Cet ouvrage propose d'examiner les différents facteurs du développement des forces islamistes en Turquie, qui est en fait le résultat d'un processus historique.

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Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 27
EAN13 9782296454088
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

LE DÉVELOPPEMENT DE L’ISLAM POLITIQUE EN TURQUIE Les raisons économiques, politiques et sociales
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13812-4 EAN : 9782296138124
ALEX MUSTAFA PEKÖZ
LE DÉVELOPPEMENT DE L’ISLAM POLITIQUE EN TURQUIE
Les raisons économiques, politiques et sociales
L’Harmattan
Logiques Sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot
 En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collectionLogiques Socialesfavoriser les liens entre la recherche non finalisée entend et l'action sociale.  En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques.
Dernières parutions
André PETITAT (dir.),La pluralité interprétative. Aspects théoriques et empiriques, 2010. Claude GIRAUD,De la trahison, Contribution à une sociologie de l’engagement, 2010. e Sabrina WEYMIENS,Les militants UMP du 16 arrondissement de Paris, 2010. Damien LAGAUZERE,Le masochisme, Du sadomasochisme au sacré, 2010. Eric DACHEUX (dir.),Vivre ensemble aujourd'hui : Le lien social dans les démocraties pluriculturelles, 2010. Martine ABROUS,Se réaliser. Les intermittents du R.M.I, entre activités, emplois, chômage et assistance, 2010. Roland GUILLON,Harmonie, rythme et sociétés. Genèse de l'Art contemporain, 2010. Angela XAVIER DE BRITO,L'influence française dans la socialisation des élites féminines brésiliennes, 2010. Barbara LUCAS et Thanh-Huyen BALLMER-CAO (sous la direction de),Les Nouvelles Frontières du genre. La division public-privé en question, 2010. Chrystelle GRENIER-TORRES (dir.),L'identité genrée au cœur des transformations, 2010. Xavier DUNEZAT, Jacqueline HEINEN, Helena HIRATA, Roland PFEFFERKORN (coord.),Travail et rapports sociaux de sexe. Rencontres autour de Danièle Kergoat, 2010.
ABREVIATIONS UTILISÉES AKP : Parti de la Justice et du Développement(Adalet ve Ka lkÕnma Partisi) AM GT: Vision Nationale Europe(Avrupa Milli GörüúTeúkilatÕ) ANAP: Parti de la MèrePatrie (Anavatan Partisi) AP: Parti de la Justice (Adalet Partisi) CHP : Parti Populaire Républicain(Cumruhiyet Halk Partisi) DGM: Cour de sûreté d’État(Devlet Güvenlik Mahkemesi) DITIB: Union Turque de l’islam(Türkøslam Birli÷i) DIE: In stitut des Statistiques de l'État(Devletøstatistik Enstütüsü) DP: Parti Démo crate(Demokrat Partisi) DYP: Parti de la Juste Voie(D o÷ru Yol Partisi) FP: Parti de la Vertu(Fazilet Partisi) IDP: Parti Démo crate de l’islam (øslam Demokrat Partisi) IHL: Lycées de Formations de Religieux(øm a m H a tip Liseleri) IKO: Organisation de la Conférence de l’islam(øslam Konferans Örgütü) KIT: Entreprises Economiques Publiques(Ka m uøktisadÕTeúekulleri) MGK : Conseil National de Sécurité(Milli Güvenlik Kurulu) MHP: Parti du Mouvement National(Milliyetçi Hareket Partisi) MIT: Services Secrets Turcs(Milliøstihbarat TeúkilatÕMNP : Parti de l’Ordre National(Milli Nizam Partisi) MSP: Parti du Salut National(Milli Selamet Partisi) MU SøAD: Association des hommes d’affaires indépendants(Müstakilø úA d a m la rÕD ern e÷i) RP: Parti de la Prospérité(Refha Partisi) R A B ITA : Union Mondiale de l’islam (Dünyaøslam Birli÷i) RUTK: Haut Conseil de l’Audiovisuel(Radyo Televizyon Üst K u r u m u ) SP: Parti du Bonheur(Saadet Partisi) TRT: Autorité de la Télévisi on et de la Radio en Turquie(Türkiye Radyo Televizyon Kurumu) Y Aù: Conseil Militaire Suprême(Yüksek Askeriùu r a ) YOK : Conseil de l’enseignementsupérieur (Yüksek Ö÷renim K u r u m u ) TUSIAD: Association des Hommes d’Affaires Industriels (Sanayiø úAdamlarÕD e r n e÷i)
INTRODUCTION
La religion, un des facteurs les plus importants pour le développement du processus social, modifie les structures sociales en influençant, avant tout, l’être humain, et le pouvoir politique. Le lien existant entre l’État et la religion crée directement une relation politique. Pour cette raison, la relation entre l’État, la société et la religion font partie des principaux maillons de l’espace politique. La relation entre les pouvoirs politiques et les religions n’est pas apparue subitement à un certain moment de l’Histoire et ne s’est pas développée au hasard. Au contraire, elle est apparue dans des circonstances concrètes de la société et elle a fortement influencé les systèmes politiques. Compte tenu du développement économique et social des sociétés, la relation entre l’État, la société et les religions a été redéfinie, car la position des structures religieuses n’a pas intégré de la même manière, la séparation des pouvoirs. Cela est notamment le cas pour l’islam, qui est la principale religion dans de nombreux pays d’Asie et d’Afrique.
Les concepts d’« Islam » et d’« Islamisme » peuvent être définis différemment. Cependant, si on tente d’élaborer une définition générale, « peu importe quel genre d’interprétation on fait de l’islam, toute structure qui met l’islam au centre de ses pratiques politiques, est islamiste » ou comme Sayyid l’a défini :
« L’islamisme est un projet qui permet de régler les relations sociales en fonction des traditions et des formations historiques de l’islam et de 1 créer ainsi un horizon aux pratiques de la vie. »
Si on établit la relation entre cette définition et l’espace politique, il est facile de comprendre le caractère politique de l’islam.
1 AKTAY Yasin (Sous direction de),Türkiye’de siyasal islamcÕlÕ÷Õn marjlarÕ,Modern Türkiye’de Siyasal Düúünce/øslamcÕlÕk Cilt-6,østanbul, Ed.øletiúim, 2004, p.13-25.
Des différences significatives entre les multiples courants politiques, qui ont pris comme base l’islam, peuvent aisément se ressentir au quotidien. Qu’ils soient au pouvoir ou à l’opposition, bien qu’ils interprètent l’islam comme un thème commun, il existe des différences d’analyses entre les différents courants. Ainsi, il existe des différences d’interprétation entre les Talibans d’Afghanistan et les islamistes chiites d’Iran ou encore, entre l’Arabie Saoudite, qui abrite les lieux sacrés de l’islam et qui applique la tradition wahhabite et l’islam appliqué au Pakistan, dans les pays asiatiques comme l’Indonésie, la Malaisie ou en Turquie où il y a un mélange entre les cultures orientales et occidentales. Arkoun définit ainsi cette réalité : « Il n’est pas possible de faire une 2 analyse générale qui englobe tous les musulmans. »
L’islam ne laisse aucune possibilité à une séparation entre la religion et l’organisation de la société. Cela s’explique par le fait que l’islam est une religion qui a la particularité de se proclamer en modèle d’organisation politique. En effet, le Coran codifie le droit, ainsi que les procédures judiciaires, dont l’application relève directement des fonctions régaliennes de l’État.
Pour les croyants, le Coran prévoit toutes les solutions aux problèmes économiques, culturels, sociaux et politiques en rapport avec la société, ainsi que la manière d’appliquer le pouvoir politique, qui s’appuie sur un modèle d’organisation sociale. Dans ce sens, l’objectif de toutes les actions politiques est de mettre en application les principes de l’islam. Les fidèles musulmans qui ont des fonctions dans les institutions de l’État doivent ainsi mettre l’État au service de l’islam. Les personnes qui ont le pouvoir de diriger les relations sociales et l’État doivent donner une nouvelle forme au système politique en instaurant la charia, c'est-à-dire le droit prévu par le Coran. Pourtant, selon Mahmoud Azzab, le Coran n’interprète pas la charia dans le sens de droit et il y a une différence considérable entre charia et le fiqh, c'est-à-dire son interprétation donnée par les différentes écoles religieuses.
Les relations entre la religion et la politique constituent la structure de base du « fondamentalisme religieux ». Cette relation a toujours plus ou moins existé durant toutes les périodes historiques. Pourtant, à l’aube ème du 21 siècle, on assiste particulièrement à une montée des différents courants fondamentalistes à l’échelle mondiale. Cette montée du fondamentalisme musulman a modifié les relations entre la religion et la société, et se caractérise notamment par un rapprochement entre l’espace religieux et l’espace politique. 2 ARKOUN Muhammed,øslam üzerine düúünceler, Istanbul, Ed. Metis, 1999, p. 39.
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La situation est, en Turquie, identique à celle de la plupart des pays musulmans du monde comme le montrent les victoires du parti islamiste AKP aux élections législatives de 2002 et 2007.
L’objet de cette thèse est l’étude des raisons économiques, politiques et sociales de du développement l’islam politique que connaît la Turquie depuis plusieurs décennies, développement qui s’est particulièrement accéléré ces dernières années. Dans quel contexte historique, l’islam a-t-il pu accéder au pouvoir dans un pays constitutionnellement laïque ? La réponse à cette question contribuera en même temps à la compréhension de la structure sociopolitique actuelle de la Turquie. En montrant le niveau économique et politique actuel atteint par le mouvement islamiste politique, nous pourrons examiner les différentes hypothèses qui constituent la structure de base de cette étude.
Si on analyse l’histoire proche de l’Anatolie, l’islam politique fait partie des principaux courants de pensée qui ont pu émerger et qui ont eu un certain impact sur les relations sociales. Il est cependant très difficile d’établir une définition de l’islam en Turquie par de simples concepts. En effet, alors que la plus grande partie de la population de Turquie est de religion musulmane, le niveau d’application des pratiques de l’islam fait toujours l’objet de fortes polémiques à l’intérieur de la société.
L’existence de différentes interprétations de la charia parmi les intellectuels islamistes est un véritable handicap pour l’islamisme politique qui s’est pourtant développé et qui a acquis un véritable pouvoir social. Le problème de la représentation politique était le principal obstacle des forces islamistes. Les problèmes provenant de cette situation ont créé, parmi les nombreux courants politiques, différentes possibilités d’interprétation du système. Cette division entre les courants islamistes a permis au système politique de les manipuler plus facilement.
Autrement dit, les différents discours islamistes défendent, d’un côté, des revendications sociales communes (comme le port du voile dans les lieux publics, le problème des lycées des Imam-Hatip, etc.) qui vont renforcer l’efficacité sociale de l’islam, et de l’autre côté, sont divisés quant à l’application de la charia au niveau politique de l’État. En particulier, au cours des 30 dernières années, des hommes politiques issus de différents mouvements islamistes, ont fait des constats théoriques que l'on peut définir comme « novateurs » pour que l’islamisme soit au pouvoir en Turquie. Ils ont soutenu des thèses en prenant notamment comme modèle, un régime basé sur la relation entre l’État, le pouvoir et la société, sur l’analyse des classes sociales, sur le rôle des organisations non gouvernementales. Ces idées ont été développées par des intellectuels
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islamistes tels qu’Ali Bulaç,øsmet Özel, Abdurrahman Dilipak, Ahmet Tabako÷lu, ou encore Ersin Gürdo÷an.
En tant que courant politique, l’islamisme n’est pas contre le principe de propriété privée, ni contre la réalisation de plus-values. Autrement dit, ce courant politique soutient les valeurs de base du capitalisme. Aucun des modèles évoqués dans la relation entre l’État, les classes et le pouvoir, ne montre de différences avec le système libéral actuel. La charia est un concept de base que les organisations islamistes mettent au premier plan de leurs actions et de leurs objectifs. Leur croyance soutient uniquement un système basé sur le Coran et c’est dans cette perspective politique qu’ils forment leurs partisans. L’intégration de la charia dans le système politique par les islamistes représente depuis 1960 une problématique sous-jacente du système politique et est également soutenue par une partie du pouvoir politique depuis 1970. Si différents commentaires sur cette définition ont alors émergé, il y a cependant un point sur lequel tout le monde se rejoint : la charia est une prescription du Coran et il est obligatoire de l’appliquer. De ce fait, toutes les personnes qui défendent l’islam et qui croient au Coran, doivent également défendre la charia. Ainsi, une bonne partie des islamistes, de Necmettin Erbakan, fondateur et leader naturel de Vision Nationale à Recep Tayyip Erdo÷an, l’actuel Premier ministre islamiste, a défendu l’islamisation de la société.
L’islam qui était un des plus importants fondements de l’État turc, ne se situe pas en marge du système comme il est supposé l’être. Au contraire, l’islam occupe un rôle prépondérant dans la souveraineté de l’État sur la société. De ce fait, et plus particulièrement dans l’Histoire politique de la République, la synthèse turco-islamique, alliant religion et modernité politique s’est définie comme une véritable stratégie. Il était effectivement étrange que les organisations islamistes aient également défendu ce système et l’aient fait accepter par leurs partisans.
Au départ, les mouvements islamiques ne s’intéressaient pas alors aux concepts tels que « les droits de l’Homme », « la démocratie », « le 3 nationalisme », « la justice » qui sont largement utilisés par les mouvements islamistes depuis ces dernières années, du fait de leur intégration dans le système politique. À certains moments, du fait de certains conflits qui sont apparus entre eux et le système, ils ont mis en avant ces concepts mais ne les ont jamais utilisés comme un moyen d’opposition. Les principales forces politiques de l’islam ont toujours
3 ÇøöDEM Ahmet, «øslamcÕlÕk üzerine bazi notlar », ModernTürkiye’de Siyasal úünce/øslamcÕlÕk Cilt-6,østanbul, Ed.,øletiúim, 2004, p.26-33.
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